Le Conseil d’État avait décidé d’une part de questionner la CJUE et d’autre part de surseoir à statuer dans l’attente des réponses (arrêt du 29 novembre 2019) suite au recours de la LPO contre 5 arrêtés ministériels de septembre 2018 autorisant cette pratique dans 5 départements de PACA pour la saison de chasse 2018-2019.
La LPO demandait l’annulation des arrêtés pour excès de pouvoir mais aussi, à titre subsidiaire, de transmettre à la CJUE une question préjudicielle sur la conformité de cette chasse aux gluaux avec la directive Oiseaux
Il s’agit d’une grande victoire pour la LPO qui se bat depuis plusieurs années pour faire reconnaitre le caractère non sélectif du piégeage à la glu.
Le piégeage à la glu consiste à encoller des baguettes pour attraper des oiseaux censés rester vivants, afin de s’en servir comme appelants. Après être restés des semaines dans le noir, les oiseaux placés dans des cages accrochées aux arbres se mettent à chanter à la lumière, attirant ainsi leurs congénères qui sont tirés à bout portant. Tous les oiseaux, protégés ou non, se font ainsi piéger : ils se débattent dans la glu, avant d’être détachés par aspersion de diluants type essence F4. A l’aide de caméras, la LPO a pu prouver que non seulement cette pratique n’est pas sélective, mais que de nombreux oiseaux, y compris protégés, sont blessés voire tués pendant ces manipulations.
Depuis de nombreuses années, la LPO conteste les arrêtés ministériels annuels autorisant la pratique du piégeage à la glu dans 5 départements de la Région PACA devant la plus haute juridiction, le Conseil d’Etat. Pour la première fois, tenant compte d’une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne condamnant Malte pour la pratique du piégeage à la glu jugée non sélective, ledit Conseil d’Etat n’avait pas débouté la LPO, mais décidé de d’interroger la CJUE pour interprétation avant de rendre son propre verdict.
La France était le dernier pays à autoriser cette pratique. Jusqu’à ce que le Président de la République proclame la suspension de cette pratique pour la saison 2019-2020, dans l’attente de la réponse de la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Cette décision constitue une grande avancée pour la protection de la nature en France. Il est en effet inconcevable que la LPO soit encore obligée d’engager des recours pour faire cesser des pratiques de piégeages non sélectifs des oiseaux dans un pays qui affirme vouloir non seulement stopper le déclin de la biodiversité mais la reconquérir. Dans le Sud-Ouest on continue de piéger des oiseaux avec des filets et des matoles (cages métalliques) ; dans le Massif Central on les écrase avec des pierres plates ; dans les Ardennes on les étrangle avec des collets et on leur tire la queue pour les faire appeler…
Ces supplices qui perdurent sous prétexte de « traditions » permettent la vente libre des pièges et masquent de nombreux actes de braconnages et trafics de petits oiseaux tantôt pour la bouche (brochettes de pinsons et autre rouge-gorge) tantôt pour le chant (chardonnerets et autres linottes mélodieuses).
La CJUE vient de rendre un arrêt qui doit éclairer le Conseil d’Etat dans sa propre décision sur la légalité de la pratique de la glu, et c’est une grande avancée. En parallèle la LPO a déposé plainte auprès de la Commission Européenne et la France a reçu, en juillet et décembre 2020, deux avis motivés de la Commission l’invitant à se conformer au droit européen. Si la France ne s’exécute pas, la Cour de justice sera saisie sur 3 thématiques : piégeage non sélectif y compris dans le Sud-Ouest avec les filets et matoles, chasse des oies cendrées en février et chasse d’espèces en mauvais état de conservation et en premier lieu la tourterelle des bois.
Le gouvernement français a, sous la double contrainte de cette menace de poursuite devant la CJUE et des victoires de la LPO devant les juridictions françaises, suspendu la chasse aux oies cendrées en février pour les deux dernières saisons, et suspendu la chasse de la tourterelle des bois et le piégeage à la glu pour la première fois en 2020-2021.
Que de temps perdu et de souffrances perpétrées, si l'exécutif français ne s'était pas obstiné à maintenir des traditions d'un autre temps. Une fois de plus, la Commission Européenne nous tire vers le haut !
Allain Bougrain Dubourg Président de la LPO