Le ministère de l'Agriculture vient de soumettre à la consultation publique, jusqu'au 20 février prochain, un nouveau projet de décret, autorisant l’extraction de ressources minérales et des fouilles archéologiques en forêts de protection. Ces mesures consernent les forêts publiques ou privées, restaurées ou protégées qui visent à lutter contre les catastrophes naturelles.
Une nouvelle brèche dans le régime juridique spécial de ces forêts
Il s’agit là d’un net retour en arrière du statut juridique protecteur de ces forêts déjà classées. Ce d’autant que parmi elles, si certaines bénéficient de régimes de protection supplémentaires que sont : Natura 2000, Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope (APPB), les autres ne sont protégées que par le régime juridique protecteur. Il s’agit donc d’une régression environnementale.
Autant les fouilles archéologiques pourraient être acceptées, à condition d’être encadrées et d’impact très modeste, avec des mesures compensatoires proportionnées, autant l’extraction de minéraux dans les forêts de protection doit rester proscrite.
Faites part de votre désaccord en faisant part de vos observations sur ce projet à l’adresse électronique suivante : consultations.foretdeprotection.dgpe@agriculture.gouv.fr avant le 20 février. Vous pouvez utiliser tout ou partie des arguments suivants, mais surtout merci de personnaliser votre argumentaire et de ne pas faire de copier-coller.
La LPO est défavorable au projet de décret tel qu'il est soumis à enquête, et ce pour les raisons suivantes :
- Ce texte en consultation est censé garantir que ces travaux, en principe, ne compromettent pas la protection/conservation de ces boisements. Or pour la LPO, les « garde-fous » en l’état du texte sont insuffisants et flous. Le fait de ne pas « modifier la destination forestière du site » ou d’énoncer que les travaux ne « doivent pas nuire à la conservation de l’écosystème forestier ou à la stabilité des sols dans le périmètre de protection » sont des notions vagues et sujettes à l’interprétation subjective de l’autorité décisionnaire et à fortiori du demandeur… Ces expressions n’ont pas de fondement technique ou scientifique.
- D’autre part, ne sont pas prévus d’analyse des impacts ou incidences sur la faune et la flore et l’habitat, ni de mesures de compensation spécifiques, forcément plus importantes en forêt de protection au regard de l’intérêt écologique particulier qu’elles peuvent présenter. En résumé, aucune mesure d’évaluation-réduction-compensation n’est exigée clairement par le texte. De même pas de précision sur l’information et la consultation du public…
- En outre, on ne sait pas si la remise en état à l’issue de l’exploitation permettra un retour « à l’identique » de la forêt de protection sur le plan écologique (mêmes essences forestières ? même densité ? qualité du sol ?).
- Si on peut convenir d’un intérêt général pour le captage de l’eau ou des fouilles « archéologiques », l’exploitation de mines et carrières, y compris souterraines (au regard de l’emprise de tels travaux, de la nécessité de voies d’accès des engins, etc.) relèveraient de ce niveau et ne pourraient ne pas nuire à la conservation d’une forêt de protection. Ce type d’opérations exige un encadrement plus strict.
- Enfin, sur la justification du projet, la LPO est très circonspecte. En effet, la présentation du projet de décret ne précise pas que l’article L. 141-1 du code forestier dresse la liste des raisons pouvant justifier ce classement en forêt de protection :
- « 1° Les bois et forêts dont la conservation est reconnue nécessaire au maintien des terres sur les montagnes et sur les pentes, à la défense contre les avalanches, les érosions et les envahissements des eaux et des sables ;
- 2° Les bois et forêts situés à la périphérie des grandes agglomérations ;
- 3° Les bois et forêts situés dans les zones où leur maintien s'impose soit pour des raisons écologiques, soit pour le bien-être de la population. Sur le site internet de la consultation, on peut lire que l’unique – et obscure – raison de ce projet de texte. Ainsi, selon le ministère de l’agriculture, ce décret viserait à : « Créer une base juridique pour traiter certaines situations actuellement rencontrées dans les forêts périurbaines, objet de nombreuses attentes sociales mais dont le classement en forêt de protection ne peut être prononcé à ce jour, faute de l’existence d’un régime spécial permettant de réaliser des travaux de fouilles archéologiques ou d’extraction de matériau au sein du massif classé ». Pour seule justification de son projet de décret, le ministère de l’agriculture prétend donc aujourd’hui que certaines forêts « situées en périphérie des grandes agglomérations » et qui devraient être classées, ne le seraient pas pour la seule raison que ce classement entrainerait l’interdiction d’y mener des fouilles archéologiques ou d’y exploiter des mines. Il faudrait donc permettre l’exploitation des mines dans ces forêts pour mieux les protéger (sic) ! L’argument tient d’autant moins que, en 2011, les forêts classées pour des raisons tenant à leur proximité avec des grandes agglomérations représentaient 20% des forêts de protection ! Le soi-disant obstacle ne fait donc pas vraiment peur… Or, ce décret ne s’appliquerait pas uniquement aux forêts de protection périurbaines, mais également à celles classées à d’autres titres, tels que des raisons écologiques ou de défense contre l’érosion. 80% des forêts déjà classées le sont pour des raisons tenant à la protection de la montagne, des dunes ou d’autres raisons écologiques…
- Aussi et surtout, ce qu’omet de dire le ministère dans la présentation du projet de décret, c’est que ce texte ouvrirait la voie à l’exploitation minière dans les forêts de protections existantes, alors que celles-ci n’ont pas rencontré le soi-disant obstacle à leur classement invoqué dans la présentation du projet de texte, lié à l’impossibilité d’y exploiter des mines.