Près de 2 millions d’oiseaux et de mammifères sauvages sont tués en France chaque année parce qu’ils sont inscrits sur la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD) renouvelée tous les 3 ans par le Ministère de l'écologie. Ces présumés coupables ainsi condamnés à mort ne sont pas consommés, les dégâts dont ils sont accusés ne sont pas vérifiés, l’efficacité de leur destruction n’est pas démontrée et leur importance dans le fonctionnement des écosystèmes naturels n’entre pas en ligne de compte.
Il est temps de faire cesser cette aberration écologique et de privilégier des solutions non létales pour limiter les hypothétiques dégâts occasionnés par la faune sauvage sur notre propre exploitation de la nature.
500 000 Renards tués/an
Le Ministère de l’écologie a décidé d’inscrire le renard sur la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD) dans 88 départements. En conséquence, près d’un demi-million seront tués partout en France chaque année par la chasse sous toutes ses formes : tir, piégeage, déterrage, chasse à courre, battues administratives.
Les goupils sont perçus comme des roublards enragés voleurs de poules, et les faux procès se multiplient pour tenter de justifier l’injustifiable. On brandit le danger d’explosion démographique alors que les populations de renards, comme celles de tous les prédateurs, s’autorégulent en fonction du nombre de proies et de territoires disponibles. Les renards sont accusés de véhiculer l’échinococcose alvéolaire alors que des études montrent que leur élimination est inutile pour stopper cette maladie parasitaire transmissible à l’homme, voire qu’elle favorise sa progression. La rage reste même parfois évoquée, bien qu'officiellement éradiquée du territoire français depuis 2001. Quant aux poulaillers, de solides clôtures permettent aisément d’en éloigner le prédateur. En réalité, les chasseurs cherchent surtout à éliminer la concurrence car le renard s’attaque volontiers aux proies faciles que représentent les millions de faisans, perdrix et autres lapins élevés dans des conditions déplorables avant d’être relâchés dans la nature pour leur servir de gibier.
Le renard représente pourtant un allié précieux pour les agriculteurs. Sa chasse est d’ailleurs désormais interdite dans la quasi-totalité des autres pays d’Europe de l’Ouest. Chaque année, un individu est capable d’attraper des milliers de petits rongeurs qui détruisent les cultures et permet en ce sens d’éviter l’utilisation de produits toxiques néfastes à l’environnement. En outre, ce charognard opportuniste participe à l’élimination des animaux malades et des cadavres et limite ainsi les propagations de maladies.
Laissons vivre les renards !
1 million de corneilles et de corbeaux massacrés/an
Accusés de manger les semis agricoles, la corneille et le corbeau sont inscrits sur la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD) dans respectivement 86 et 61 départements. En conséquence, environ 1000000 d'individus sont tués chaque année en France.
Tout ce qui nuit aux rendements de l’agriculture intensive des céréales, laquelle détruit pourtant la biodiversité de nos campagnes et épuise les ressources en eau, doit être éliminé. Diverses études ont pourtant démontré que les destructions à l’aveugle d’individus de ces espèces sont inutiles en termes de protection des cultures. Par ailleurs, une proportion très significative des dégâts déclarés par les agriculteurs est liée à l'absence de mise en œuvre des techniques alternatives éprouvées visant à limiter le risque de prédation aviaire dans les champs. Enfin, le montant total de dégâts imputés aux corbeilles et aux corbeaux représente moins de 0,2% des subventions publiques à l'agriculture française.
Les corvidés sont en outre des équarrisseurs naturels qui éliminent les cadavres d’autres oiseaux ou de petits mammifères, ce qui assure ainsi un nettoyage gratuit de nos routes où meurent chaque jour d’innombrables animaux sauvages victimes de collisions. Leur utilité est même avérée pour l’agriculture : les corbeaux freux sont par exemple de grands consommateurs de larves de hannetons qui font de véritables ravages dans les plantations de légumes.
Ces mal-aimés sont aussi victimes de leur mauvaise réputation dans la culture occidentale. Non, le corbeau ne porte pas malheur, pas plus qu’il n’envoie de lettres anonymes.
Laissons vivre les corbeaux et les corneilles
Plus de 200000 geais et pies abattus/an
La Pie bavarde est un oiseau très intelligent, l’un des seuls capables de se reconnaître dans un miroir. Cette intelligence lui a permis de s’adapter remarquablement à l’homme et de survivre mieux que d’autres à la dégradation des habitats naturels. Beaucoup de gens ont l’impression qu’il y a de plus en plus de pies mais c’est une illusion. La réalité est que les autres espèces disparaissent plus rapidement.
Pourtant la pie est inscrite sur la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD) dans 49 départements parce qu’elle est accusée de se nourrir dans les vergers ou de s’en prendre aux poussins d’autres espèces, alors que cette prédation naturelle n’est en rien responsable du déclin des oiseaux. En conséquence, environ 200000 pies sont abattues chaque année en France.
Pour les même raisons, près de 3000 geais sont tués chaque année dans les 5 départements où l'espèce reste classée ESOD, en dépit de déclarations de dégâts insignifiantes voire inexistantes. Le Geai des chênes est pourtant considéré comme le premier planteur d’arbres de France ! Ce passereau forestier possède, sous son bec, une petite poche capable de transporter des glands qu’il dissimule à l’automne sous la mousse ou la litière de feuilles mortes, afin de constituer des réserves de nourriture pour l’hiver. Ceux qui ne sont pas consommés deviennent, au printemps, de nouveaux chênes, contribuant activement à la régénération naturelle des forêts.
Laissons vivre les geais et les pies !
100000 étourneaux détruits/an
L’étourneau sansonnet est un passereau grégaire qui vit principalement au sein de groupes pouvant dépasser plusieurs milliers d’individus, capables de former d'immenses nuages mouvants lors d'extraordinaires ballets aériens appelés murmurations. En milieu urbain, les citadins se plaignent du vacarme assourdissant ou de la quantité de fientes déversées sur leurs voitures et les bâtiments. En conséquence, ce mal-aimé figure sur la liste officielle des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts (ESOD) dans 34 départements et près de 100000 individus se font massacrer chaque année.
Le sansonnet joue pourtant un rôle essentiel dans la régulation des insectes ravageurs et permettrait dans bien des cas de se passer de pesticides toxiques pour l'environnement. Et quand bien même les étourneaux ne seraient d'aucune utilité particulière pour les humains, est-ce vraiment une raison valable pour les tuer à la moindre gêne ?
Laissons vivre les étourneaux !
50000 fouines, martres et belettes éliminées/an
Considérées comme des menaces pour les volailles, environ 50 000 fouines, martres et belettes sont tuées chaque année en France. Des solutions préventives existent pourtant, telles que la pose de grillage à petite maille autour des poulaillers et l’utilisation de répulsifs. En fait, comme dans le cas du renard, ces prédateurs opportunistes s’en prennent au gibier d’élevage relâché par les chasseurs, qui les considèrent donc en ennemis.
La belette est ainsi classée ESOD uniquement dans le Pas-de-Calais, le département du président de la fédération nationale des chasseurs Willy Schraen ! Grace à son influence politique, près de 3000 individus y sont tuées chaque année.
La martre des pins reste classée ESOD dans 26 départements pour prévenir des potentiels dommages sur les activités agricoles alors que ces derniers ont été le plus souvent insignifiants sur la période 2018-2022. Dans quatre départements pyrénéens (11, 31, 65, 66), l’argument de la protection du grand tétras est également utilisé par les chasseurs soucieux de pouvoir reprendre la chasse de cette espèce vulnérable, interdite pour 5 ans depuis l’an dernier. Aucun élément ne permet pourtant de démontrer un quelconque impact de la martre sur les populations de tétras, dont le déclin est essentiellement lié à la dégradation de leur habitat et au dérangement humain. Et quand bien même, il serait inacceptable d’ainsi criminaliser la prédation naturelle d’une espèce sauvage sur une autre.
Les mustélidés comptent parmi les prédateurs les plus efficaces de petits rongeurs, et leur présence dans un écosystème donné peut s'avérer une alliée utile dans leur régulation.
Laissons vivre les belettes, les martres et les fouines !