La LPO milite depuis de nombreuses années pour une stricte protection de ces trois espèces menacées, inscrites sur la liste rouge de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN). Notre association soutient donc les propositions d’en interdire la chasse sur le territoire national tout en regrettant qu’il ne s’agisse à nouveau que de suspensions pour une durée d’un an.
Courlis cendré
Espèce à maturité sexuelle tardive et faible fécondité, le Courlis cendré (Numenius arquata) est un limicole très sensible à la chasse, que la France était le dernier pays d’Europe à autoriser. En raison du déclin prononcé de ses effectifs (-43% depuis 1980 en Europe), le plan d’action international pour la conservation de sa population européenne recommande depuis 2008 d’appliquer un moratoire total sur la chasse du Courlis cendré. La France a mis en place ce moratoire pendant 5 ans avant d'autoriser à nouveau la chasse des courlis sur son territoire maritime dès 2012.
En juillet 2019, le ministère a étendu l'autorisation de chasser les courlis à l'ensemble du territoire national mais en fixant, au nom de la gestion adaptative, un quota de chasse de 6000 courlis pour la saison 2019-2020, ce que la LPO a aussitôt contesté avec succès devant le Conseil d’État : l’arrêté fut suspendu le 26 août 2019 avant d’être annulé le 17 décembre 2020, confirmant que le quota aurait dû être de zéro individu chassé. Depuis, le gouvernement a décrété un moratoire suspendant la chasse du Courlis cendré pour la saison 2020-2021, reconduit en 2021-2022, 2022-2023 et sans doute prochainement pour 2023-2024 avec le projet d'arrêté soumis à consultation.
Barge à queue noire
En raison du déclin prononcé de la sous-espèce continentale de Barge à queue noire (Limosa limosa limosa), l’ensemble des pays de la voie de migration s’est engagé dès 2008 dans le plan international d’action de l'AEWA, reconduit en décembre 2018 pour une période de 10 ans, soit jusqu’en 2028, à ne plus ni chasser la sous-espèce continentale, ni la sous-espèce islandaise (L. l.islandica). Après avoir respecté cet engagement en mettant en œuvre des moratoires de 5 ans entre 2008 et 2018, le gouvernement préfère désormais renouveler chaque année l'interdiction de chasser les barges à queue noire plutôt que d’instaurer une interdiction pérenne garantissant la protection de cette espèce menacée.
Tourterelle des bois
La population de tourterelles des bois en Europe a diminué de près de 80 % depuis 1980. En juillet 2019, la Commission Européenne avait mis en demeure la France de suspendre la chasse de cet oiseau faute de quoi elle saisirait la Cour de justice de l’Union européenne.
Le 28 août 2020, le ministère avait pourtant autorisé un quota de chasse de 17 460 tourterelles des bois pour la saison 2020-2021. Le Conseil d’État avait suspendu l’arrêté deux semaines plus tard, le 11 septembre 2020, suite à un recours de la LPO, ce qui a permis de soustraire aux fusils plusieurs milliers d’oiseaux.
Le 3 décembre 2020, la Commission Européenne avait cette fois envoyé un avis motivé à la France pour exiger une meilleure protection des tourterelles des bois. Suite à ce dernier avertissement avant la mise en place de sanctions financières, le gouvernement français avait finalement obtempéré et décrété une suspension de la chasse à la Tourterelle des bois sur l’ensemble du territoire métropolitain pendant la saison 2021-2022, puis 2022-2023.
L’État s’apprête donc à renouveler également cette suspension pour un an seulement, pendant la saison 2023-2024.
A quand une protection durable ?
Chaque année au mois de juillet, la LPO doit se mobiliser pour s'assurer que les courlis cendrés, les tourterelles des bois et les barges à queue noire ne soient pas chassés au cours de la saison suivante. Le rétablissement de ces espèces à un niveau démographique suffisant pour éventuellement envisager d'en autoriser à nouveau la chasse reste pourtant hautement improbable à court ou moyen termes, car la dégradation de leurs habitats naturels, principale cause de leur déclin, se poursuit inexorablement.
Pour mettre enfin un terme à ces consternantes sagas juridiques, il suffirait à Emmanuel Macron de simplement respecter son engagement pris en 2017 en retirant les espèces d'oiseaux en mauvais état de conservation et inscrites sur la liste rouge de l'UICN, qui sont au nombre de 20, de la liste du gibier chassable en France fixée par l'arrêté ministériel du 26 juin 1987, où figurent 64 oiseaux (triste record d'Europe !).