J’ai mis en place mon Refuge LPO en septembre 2022, date à laquelle j'ai fait l'acquisition d'un terrain dans les Préalpes de Grasse, Alpes-Maritimes. Je n'y vis pas à l'année. Ce terrain de 4,5 ha situé sur le plateau de Caussols, lui-même inclus dans une ZNIEFF type I&II et Natura 2000, est composé de boisements mixtes avec des pins majoritairement et des feuillus, qui s'étagent sur d'anciennes restanques de culture. Le site est en partie non clôturé et limitrophe de parcelles sur lesquelles la chasse est pratiquée.
Ce plateau calcaire est un milieu rude où les températures peuvent facilement descendre en dessous de -20°C pendant la saison hivernale, gelant les eaux de surface. Même si ces dernières années les chutes de neige sont moins importantes, elles peuvent être abondantes.
Étant engagé dans plusieurs associations de défense environnementale et de protection de la nature, dont la LPO bien entendu, cela coulait de source pour moi d'essayer de sanctuariser au mieux cet espace pour en faire un havre de paix permanent pour la vie sauvage. Plusieurs options s'offraient à moi et j'ai choisi celle du Refuge LPO car elle correspondait bien à mon projet et simple à mettre en œuvre.
L'espace concerné est par nature relativement sauvage. De ce fait, j'y ai touché le moins possible afin de le préserver. J'ai néanmoins installé plusieurs points d'eau artificiels depuis l'année dernière, lors de l'épisode sévère de sécheresse. Ce point consiste en une auge en pierre alimentée par une cuve d'eau de récupération qui se trouve non loin de là, cachée sous un pin. Un dispositif permet d'alimenter l'auge en eau trois fois par jour afin de garantir sa propreté. En effet, la présence d'eau lors de la sècheresse est une aubaine pour la faune sauvage mais facilite aussi la promiscuité des visiteurs, il était donc important que l'eau soit renouvelée assez régulièrement.
J'ai également installé des tas de bois morts qui servent d'abri à de nombreux animaux, insectes. Trois nichoirs complètent ces aménagements et une mangeoire qui fonctionne uniquement en hiver.
En termes de gestion écologique, je ne tonds évidemment pas la végétation autour du cabanon, juste sur des passages dessinant des sentiers, pour éviter les piétinements intempestifs. Je laisse les arbres morts sur pied pour les multiples avantages qu'ils offrent à de nombreux occupants des lieux. J'essaye de conserver des zones empierrées (pierriers, murs en pierres sèches) quitte à effectuer un entretien de ces dernières car elles abritent aussi une biodiversité bien spécifique. Je sème parfois quelques zones avec des graines de plantes mellifères locales, essentiellement en proche périphérie du cabanon, ou près des buttes de culture en permaculture.
Le piège photo à l'origine de la petite vidéo publiée sur ma page Facebook est installé depuis un an. Concernant les oiseaux il m'a permis d'observer de nombreuses espèces dont on voit un bel échantillon dans la courte séquence. On peut y ajouter le faucon crécerelle, la mésange noire, la grive musicienne, le pouillot de Bonelli, le troglodyte mignon. Dernièrement, les deux nouvelles espèces observées sont le pic noir et deux jeunes hiboux moyen-duc qui sont restés sur site pendant deux bonnes semaines. Pour les déterminations, n'étant pas un spécialiste, je me suis fait aider par un ami ingénieur écologue. Le lieu sert également d'abreuvoir aux mammifères qui vivent ici, renards roux, blaireaux, écureuils roux, fouines, lérot, campagnols, chevreuils, biches et cerfs, sangliers. J'ai choisi de présenter la séquence estivale pour insister sur la problématique de l'eau qui touche de manière transversale toutes les espèces y compris l'humain. On comprend mieux le stress que le manque d'eau peut induire chez les animaux car on le ressent soi-même en pareille situation. Cela ne peut que favoriser une forme d'empathie. Mais l'idée à l'origine est de documenter le vivant autour d'un point d'eau sur une année entière, au fil des saisons.
Ma démarche LPO s'inscrit dans une volonté de créer des alliances avec le vivant, notion qu'évoque le philosophe naturaliste, Baptiste Morizot et à laquelle j'adhère pleinement. Nous devrions revoir notre façon de percevoir et d'interagir avec les autres êtres vivants et la nature en général. Il plaide pour une approche plus respectueuse et inclusive, où l'homme ne se voit pas comme supérieur à la nature, mais plutôt comme faisant partie intégrante de celle-ci. La crise écologique majeure que nous traversons nous oblige à repenser nos relations avec les plantes, les animaux et les écosystèmes, il en est de la survie de notre espèce.
Préserver la biodiversité locale, établir des connexions plus profondes avec la nature en investissant du temps dans la gestion d'un refuge permet de renforcer la compréhension et le respect de cette faune et flore sauvages et d'entrer en relation avec le vivant qui nous entoure. Dans cette démarche, la dimension éducative d'un Refuge LPO est importante car elle est un vecteur de sensibilisation auprès du public.
Texte et photos © Laurent del Fabbro
Année de réalisation : 2023