Son nom était Angèle mais c’était bien un mâle. Né le 21 février 2020 au Zoo de Liberec en République Tchèque, le rapace avait été libéré dans le sud de la Drôme le 28 mai 2020 par l’association Vautours en Baronnies. Peu après leur envol, la plupart des jeunes gypaètes barbus réintroduits entament une phase d’erratisme qui peut les conduire à traverser plusieurs pays d’Europe au cours d’un long périple semé d’embuches. Equipé d'une balise GPS, Angèle est parti le 14 mai vers le Massif central ; il survole Paris le 22, puis la frontière belge 2 jours plus tard. Le 25 mai, il fait une halte au lac de l’Yssel, le plus grand des Pays-Bas. Il reprend son envol le lendemain dès 8 h 36, avant d’être happé à 9 h27 par les pales d’une éolienne près du village de Wieringerwerf sur la commune de Hollands Kroon, dans la province de la Hollande-Septentrionale.
Lorsqu’Angèle a survolé à faible hauteur le parc éolien, l’un des exploitants a été contacté pour lui demander de stopper les éoliennes le temps que l’oiseau s’éloigne, en vain.
Bien qu’il s’agisse du premier cas de mortalité liée à une éolienne recensé en Europe pour le Gypaète barbu, il convient de ne pas mésestimer cet incident du fait d’une part de la multiplication des éoliennes en zones sensibles, y compris en France, et d’autre part des très faibles effectifs de cette espèce. Les probabilités d’une telle collision devraient s’accroître avec l’augmentation de l’aire de répartition et du nombre des gypaètes, qui bénéficient d’importants programmes de conservation pour restaurer leurs populations en Europe, d’où ils avaient disparu durant le 20e siècle.
En France, les parcs éoliens en fonctionnement ou en projet se multiplient dangereusement sur les zones de présence ou de passage de l’espèce, malgré les alertes formulées par la LPO auprès des exploitants ou lors de l’instruction des autorisations administratives. La LPO et l’équipe du projet GYPCONNECT ont réalisé plusieurs documents, dont des cartographies des zones les plus sensibles, à l’attention des services instructeurs de l’Etat et des porteurs de projets, qui s’obstinent pourtant à ignorer les risques auxquels ils exposent le Gypaète barbu ainsi que d’autres grands rapaces qui sont aujourd’hui victimes d’éoliennes sans être équipés de GPS permettant de les retrouver.
Porté par des ambitions louables en matière de transition écologique, le gouvernement mène aujourd’hui une politique très incitative en faveur de l’énergie éolienne sans respecter ses propres engagements internationaux en matière de biodiversité. Il en est ainsi de nombreux projets développés dans les zones Natura 2000 comme celui au large d’Oléron. La lutte contre le changement climatique ne se fera pas sur le dos de la biodiversité. Il est temps d’arrêter le développement des parcs photovoltaïques plein champs et des parcs éoliens dans les zones européennes Natura 2000 classées pour protéger notamment les oiseaux et les chauves-souris.