Luscinia svecica
Ordre : Passériformes
Famille : Muscicapidés
Son ramage est aussi éclatant que son plumage…
Élancé, coloré et chanteur hors pair
La Gorgebleue est un petit passereau de la taille du Rougegorge familier : de 13-14 cm de long et pesant de 14 à 22 grammes selon les sous-espèces. Son corps est assez fin, le dos d’un gris-brun uniforme, le ventre blanc ou beige, les grandes plumes de la queue (rectrices) sont rousses avec le bout brun foncé, très visibles en vol. Ses pattes sont noires, son bec fin et son œil brun foncé.
Le mâle arbore un plastron d’un bleu éclatant, bordé d’une bande noire, d’une ligne blanche et d’une frange inférieure marron-roux. Au centre du plastron, une tache appelée « miroir », blanche ou rousse selon les sous-espèces. Cette gorge d’un bleu lumineux, avec le miroir blanc ou roux opère une attraction sexuelle chez la femelle…et permet une identification aisée.
La femelle possède un plumage assez semblable à celui du mâle, à l’exception du plastron qui chez elle est d’un blanc grisâtre, sans miroir, à quelques exceptions près – on a observé des femelles à plastron bleu...
Le juvénile possède un plumage noir tacheté, strié de roux, il n’est pas facile de l’identifier à coup sûr du jeune Rougegorge familier, sauf par ses rectrices.
La mue complète de l’adulte a lieu après la nidification, fin juillet – août, une mue partielle affectant la tête et le plastron a lieu chez le mâle en janvier-février, période prénuptiale, les jeunes muent aussi à cette période.
Le chant du mâle, qu’il pousse avec force en période nuptiale depuis un perchoir élevé, démontre une grande maîtrise de sons et trilles très variés : des sons métalliques suivis de phrases musicales, sifflets, chuintements proches de ceux du Rougequeue noir, ainsi que l’imitation d’autres oiseaux comme la Mésange charbonnière, le Pouillot véloce ou l’Hirondelle rustique.
On connaît dix sous-espèces de la Gorgebleue, mais seulement deux nichent sur le territoire de la France métropolitaine : Luscinia svecica namnetum, et Luscinia svecica cyanecula, plus petite, toutes deux à miroir blanc. La sous-espèce svecica, qui ne fait que traverser notre pays, est à miroir roux. La longévité varie d’une sous-espèce à l’autre : 11 ans pour cyanecula, 8 ans pour svecica.
Ecologie de l’espèce
Un habitant des zones humides
La Gorgebleue à miroir est classée par le MNHN dans les espèces aquatiques protégées : en effet, elle affectionne les milieux humides et marécageux où l’on trouve des buissons bas et des fossés vaseux : zones littorales, schorres, forêts riveraines des cours d’eau plantées d’aulnes, saules et peupliers, marais salants, lagunes littorales salées ou saumâtres. La végétation idéale pour la Gorgebleue doit permettre un déplacement aisé au sol, où elle passe la plupart de son temps, en se faufilant entre les buissons comme une souris, toujours proche d’un couvert végétal plus dense où elle se réfugie à la moindre alerte.
C’est dans la vase ou au sol qu’elle trouve l’essentiel de sa nourriture faite d’arthropodes de petite taille : insectes, larves, mollusques, petits crustacés, araignées. En automne-hiver, ce menu peut s’agrémenter de graines et de fruits.
Monsieur choisit, madame construit
C’est le mâle qui détermine son aire de reproduction, sur laquelle il tente d’attirer une partenaire par son chant mélodieux. Le territoire de reproduction peut avoisiner 4.000 m2.
Le nid, d’une taille modeste (5 à 6 cm) est construit par la femelle, au sol ou à faible hauteur, à l’abri d’une souche ou d’un buisson, souvent près de l’eau. Il est constitué d’herbes sèches, de mousses, de feuilles mortes et tapissé de matériaux plus doux (crins, plumes). L’accouplement a lieu à couvert. Une ponte de 4 à 6 œufs a lieu lors de la seconde quinzaine d’avril. Durant la période de reproduction, le mâle reste proche de la femelle. Une seconde ponte est possible lors de la seconde quinzaine de mai.
Les œufs sont couvés par la femelle environ deux semaines, puis les jeunes restent au nid deux semaines supplémentaires, nourris par les deux parents. Le taux de réussite de la reproduction tel qu’observé sur le rivage atlantique est de 46,7% alors qu’en Scandinavie ce taux peut atteindre 74%, (les œufs étant recherchés par les prédateurs, beaucoup plus abondants sur le littoral atlantique).
L’hiver, on ne s’éloigne pas trop
Les individus de la sous-espèce namnetum ne migrent pas très loin de leur lieu de nidification, tout au plus 1.000 km, en Espagne ou sur le pourtour méditerranéen - à comparer avec les 4.000 km couramment parcourus par les individus scandinaves. Les Gorgebleues de la sous-espèce cyanecula peuvent hiverner au sud de la France ou en Espagne mais aussi en Afrique du Nord voire dans les grands bassins fluviaux d’Afrique tropicale. La migration peut débuter dès les premiers jours d’août et se prolonger jusqu’en octobre. Les retours sont observés en mars, les mâles précédant les femelles de deux semaines environ. Les populations se déplacent de nuit, par étapes, parcourant de 40 à 100 km par jour.
Possessif et fidèle
Durant la période nuptiale, les Gorgebleue mâles défendent leur territoire avec énergie, usant de leur chant et manifestant des comportements agressifs envers les éventuels visiteurs. Cette compétition territoriale diminue cependant le succès reproducteur et la survie des jeunes. Dans la mesure du possible (s’il n’y a pas trop de concurrence !), les adultes restent fidèles à leur site de reproduction comme à leur site d’hivernage.
Effectifs, tendances et statut
Essentiellement paléarctique (UICN monde)
La Gorgebleue à miroir se reproduit essentiellement dans le Paléarctique, depuis l’Espagne jusqu’à la Sibérie.
La disparition des zones humides, talus, rigoles, petits marais est préjudiciable à cette espèce qui les affectionne. Elle est classée préoccupation en mineure (LC) sur la liste rouge UICN des oiseaux menacés dans le monde et en Europe.
En France (UICN)
L’espèce est classée en « Préoccupation mineure » (LC) sur la liste rouge UICN des oiseaux menacés de France métropolitaine, et elle est protégée par la législation française depuis 2009. Elle est cependant considérée comme fragile par les experts, du fait qu’elle niche dans des zones humides menacées, que sa population est fragmentée, et fluctue plutôt à la baisse.
Comme mentionné plus haut, des dix sous-espèces connues de la Gorgebleue, deux seulement nichent dans notre pays : Luscinia svecica namnetum et Luscinia svecica cyanecula.
La présence de namnetum est endémique sur la plupart des zones côtières du rivage atlantique avec 10.000 couples répertoriés dans les années 2000, dont 2.700 à 3.000 couples nicheurs rien que dans les pays de la Loire ; au nord d’une ligne joignant le Mont Saint Michel à l’Isère, à l’exception de l’extrême est, on peut compter entre 3.000 et 5.000 couples de cyanecula selon les observations faites en 2007 et 2008. On ne connaît pas encore les raisons de cette séparation en deux territoires bien distincts. Les deux sous-espèces nichent cependant en sympatrie dans la baie du Mont Saint-Michel.
Dans nos régions
En Ile de France
L’espèce est répertoriée comme très rare (TR) et vulnérable (VU) dans l’Atlas des oiseaux nicheurs du Grand Paris (2015-2018). Elle est d’implantation récente (la première observation date de 1987). Le nombre d’observations se compte sur les doigts d’une main : la sous-espèce observée – cyanecula – sans doute d’origine néerlandaise, est localisée au nord-est, vers Tremblay-en-France et les Boucles de la Marne. Plusieurs nidifications qualifiées de “certaines” ou “probables” ont été rapportées en Seine-et Marne. Si l’on arrive à préserver ou réhabiliter des zones humides dans notre région, peut-être verrons-nous s’accroître cette population qui sait manifestement bien choisir son environnement.
Le saviez-vous ?
Dans la baie de l’Aiguillon en Vendée, on a récemment observé que des Gorgebleues de la sous-espèce namnetum élisaient domicile dans …des champs de colza ! En effet ces champs, bordés de canaux, riches en populations d’insectes, présentent toutes les caractéristiques de l’habitat idéal pour la Gorgebleue : un sol dégagé, des tiges de 1 à 1,5 m de haut enchevêtrées à leur sommet donc offrant un couvert protégeant des prédateurs.
Bibliographie
Ouvrages
- N. Issa, Y. Muller (2015). Atlas des oiseaux de France métropolitaine, Delachaux et Niestlé
- Atlas des oiseaux nicheurs du Grand Paris (2015-2018) p.171
- Paul GEROUDET – les passereaux d’Europe : des mésanges aux fauvettes (1974). Tome 2. Delachaux et Niestlé
- MEEDDAT-MNHN – Cahiers d’habitat « Oiseaux » - Fiche projet sur la Gorgebleue à miroir
- MNHN – Fiches d’information sur les espèces aquatiques protégées – Gorgebleue à miroir
Sites internet
- Répartition
- Synthèse bibliographique sur les déplacements et besoins de continuité d’espèces animales
- Description
- oiseaux.net
- Fiche d’information sur les espèces aquatiques protégées – Gorgebleue à miroir
- Chant sur l'onglet Sons
Article de Christiane Deh