Samedi 3 juillet 2010, 14h, nous (Pascal Cavallin et ses enfants, Sébastien Bonillo et moi) arrivons sur le site de nidification d'un couple de Milan royal sur la Planèze de Saint-Flour. Le site est idéal, à 25 mètres d'une petite route peu fréquentée, dans une prairie maigre, le nid (occupé au moins depuis 2004) est situé dans un des 4 ou 5 pins laricio ayant survécu à la tempête de 1999. A peine garé au bord de la route, 100 m avant le nid, le couple vient alarmer, il s'agit du seul couple, parmi les 70 suivis cette année en Auvergne à avoir élevé 3 jeunes, un couple téméraire qui a alarmer avec vigueur 15 jours auparavant lors du baguage des jeunes au nid. La femelle âgée (à bec jaune) avait même attaqué Serge, grimpeur pour l'occasion, plus de 15 fois ! ce qui ne nous était encore jamais arrivé en 6 ans de campagne de baguage... C'est dire si nous mettons, cette fois, toutes les chances de notre côté après l'échec connu dans le Puy-de-Dôme à la mi-juin. La météo est avec nous, il fait beau et chaud, les cumulonimbus se forment à l'ouest sur le massif du Cantal et vont bientôt nous abriter du soleil trop intense... Les trois jeunes, proches de l'envol, se sont couchés sur le nid.
Nous installons le dispositif de capture : 15 minutes de travail méticuleux sur les directives de Pascal. Le couple alarme sans cesse, juste au dessus de nous, à très faible hauteur. Pas besoin de se mettre à l'affût, nous pourrons surveiller le dispositif depuis les véhicules garés 100 m plus loin au bord de la petite route...
Çà y est, c'est fini. Mais où est donc passé le couple ? Probablement las d'alarmer, les oiseaux ont du s'éloigner...
Nous nous écartons du dispositif pour rejoindre la route : 5 m... 10 m... 15 m... 20 m... 25 m... nous avons à peine le temps d'enjamber la clôture que des alarmes retentissent, le couple est là, un milan plonge, percute le filet mais en ressort, fait une boucle et attaque à nouveau, çà y est, il est pris dans le filet. Pascal se précipite et immobilise le milan alors que le deuxième s'apprêtait à plonger à son tour. Il démaille l'oiseau, nous repartons avec, franchissons de nouveau la clôture et partons vers la voiture, mais l'autre oiseau est déjà là, je reste au bord de la route, à peine caché par une petite aubépine... Ni une ni deux, les collègues n'ont pas encore rejoint la voiture que le milan attaque et se prend dans le filet exactement au même endroit que le premier. Je me précipite pour l'immobiliser, Pascal refile le bébé à Seb et court me rejoindre et démaille l'oiseau, c'est la femelle ! Le premier à avoir attaqué était donc le mâle, pourtant bien moins agressif que la femelle lors de l'ascension du nid au moment du baguage des poussins !
Nous voilà avec le couple, çà n'était pas prévu... Que faire ? Nous n'avons qu'une seule balise à mettre, quel dommage de ne pas pouvoir équiper le couple ! C'est le dilemme... Bon ! Le plus important, c'est d'obtenir des données sur l'utilisation du territoire, le choix est fait, si le mâle est assez gros, c'est lui qu'on équipe !
820 g, un mâle en bonne condition corporelle, c'est décidé ! La balise sera pour lui et délivrera des données bien plus intéressantes que sur une femelle qui passe près de 5 mois sur le site à pas faire grand chose. Celle-ci sera équipée de marques alaires comme celles dont ses trois rejetons sont maintenant décorés.
Prises de mesures biométriques, équipements, photos souvenir avec Bernard Raynaud, président de la LPO Auvergne venu nous rejoindre, relâchés des deux oiseaux qui partent se brancher et faire leur toilette, l'affaire est rondement menée !!
A cette famille de milans royaux, nous faisons nos excuses pour tout le stress enduré, mais c'est pour le bien de leur espèce, les données ainsi récoltées permettront en effet de mieux connaître leur biologie et ainsi de mieux cibler les mesures de conservation à mettre en place en leur faveur.
Remerciements infinis :
à Pascal Cavallin, bagueur agréé CRBPO et son pote Goliath,
à Sébastien Bonillo, grimpeur d'arbres à nid de milan et aide bagueur à ses heures perdues,
à Adrian Aebischer, MHN de Fribourg, pour sa générosité inconditionnelle, son aide précieuse, et à qui on doit la chance d'avoir disposer d'une balise et de son harnais.
à Fabienne David, LPO Mission Rapaces, qui a coordonné toute cette aventure et permis à la LPO Auvergne de récupérer cette balise.
à CLS Argos pour le don d'une balise Argos GPS de 22 g d'une valeur de près de 4000 € et la prise en charge du fonctionnement.
Une pensée particulière à Aymeric Mionnet, dépositaire du programme de baguage du Milan royal en France et à Fabienne David qui ont, 15 jours auparavant, espéré en vain, sous la pluie, assister à ce grand évènement !