Des chevêchettes au pays de la bête

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Lorsque le protocole national permet de belles découvertes...

Pour la première fois, la nidification de la chevêchette est attestée en Lozère complétant ainsi la connaissance de sa répartition dans le Massif Central. Mais, revenons à l’origine de ces prospections.

Chevêchette adulte devant sa loge

Chevêchette adulte devant sa loge © Boris Guérin

A la suite de la 3e rencontre du réseau organisée à Florac, un collègue forestier de l’Office national des forêts (ONF) du nord Lozère me sollicite pour rechercher la chouette de Tengmalm sur son triage. Forestier moi-même en forêt de l’Aigoual, chouettologue et membre du réseau avifaune, je saisis cette opportunité. Cela fait déjà plusieurs années que je pense que la Margeride est une terre de chouettes et que j’attends le moment propice pour y traîner mes guêtres et mes raquettes.
L’application du protocole national, dit « protocole national de suivi des petites chouettes de montagne sur sites de références », me semble toute désignée pour mettre en œuvre une méthode standardisée et prospecter en terre inconnue. C’est aussi le moyen d’associer une personne débutante et de l’intégrer à la démarche pour plusieurs années. Le collègue est motivé, c’est parti !

Dès le départ, je propose également la recherche de la chevêchette car je pense qu’elle peut être présente : la Haute-Loire où elle est implantée n’est pas si loin. Croisant la riche connaissance forestière du collègue local et les données d’aménagement, au chaud, dans une chaumière isolée, nous établissons le plan de bataille sur photo aérienne : choix du transect de 2 km, sélection des 5 points d’écoute. Nous sommes le 11 février 2020, dehors la tempête « Ciara » qui a déferlée sur le nord de la France se fait encore sentir même ici. Le 12 février, une éclaircie, on se lance.

Jeune Chevêchette d’Europe sur une branche

Jeune chevêchette © Boris Guérin

Repasse points 2 et 3 : Mobbing ou presque (pas au sens strict du protocole mais pour moi, il n’y a pas photo). Pas de conclusion hâtive, les rondes hivernales de passereaux peuvent venir de loin. Dernier point d’écoute, secteur jugé très favorable lors d’une visite dans l’après-midi : un cri de chevêchette entre chien et loup répond à la repasse. L’individu vient se percher quelques instants en face de l’enceinte. Elle est là !! Individu solitaire ? Non ! Dès la troisième sortie et, notamment lors du deuxième passage du protocole sur le même point, un mâle égraine son chant « Diou »« Diou ». Il rejoint ensuite un autre individu : couple probablement bien établi car malgré plusieurs sorties matinales et vespérales en février et mars, c’est la seule fois où nous entendrons le chant de printemps, et ce, de manière très localisé. Couple établi mais probablement isolé au sein de ces vastes étendues de forêts résineuses.

Vont suivre 4 mois de suivi intensif et de nuits parfois très courtes. Aux accouplements a suivi une ponte vers la fin mars dans une loge de Pic épeiche au sein d’un épicéa vivant. Enfin, 4 jeunes chevêchettes viennent de prendre leur envol ces jours-ci, observés également avec attention par un naturaliste de la LPO à qui nous avons fait découvrir le site et qui nous a apporté un précieux relai pendant la phase d’élevage. Les services forestiers n’ont pas été en reste et un exploitant a également contribué à ce premier succès en acceptant de reporter une coupe de bois qui devait avoir lieu courant juin. A cette heure, les 4 jeunes ont un vol de plus en plus assuré et disparaissent peu à peu dans les mystères de la forêt du Gévaudan… dans l’espoir de nouvelles rencontres !

Boris Guérin, réseau avifaune ONF