Avant de changer de vie et de produire du fromage de chèvre, Lorette Vugier était naturaliste, comme Thomas Maurice, spécialiste du milan royal et passionné par les grands prédateurs. Après ce que celui-ci qualifie d’un « interminable parcours à l’installation » la ferme Biquettes et compagnie voit le jour durant l’été 2013. Si le but de la ferme est bien sûr avant tout de produire du fromage, l’un comme l’autre, revendiquent le double objectif d’utiliser au mieux les ressources locales pour élaborer des produits de qualité et de préserver la biodiversité présente sur les terres à haute valeur environnementale qu’ils exploitent. Dans cette optique, le choix d’un troupeau de chèvres au patrimoine génétique varié, rustiques mais également bonnes laitières, permet de tirer au mieux partie des pâturages maigres où poussent le cornouiller et l’aubépine mais également la rare gentiane croisette. Celle-ci, hôte de l’argus bleu marine, classé en danger d’extinction en Bourgogne, est préservée grâce à un système de pâturage tournant qui permet à l’espèce d’arriver jusqu’à la floraison et ainsi d’héberger le futur papillon !
Sur ces terres où la roche affleure régulièrement et où le climat à des accents à la fois méditerranéen et sub-montagnard, la volonté de Thomas et Lorette est également de diversifier la production tout en gardant une exploitation à taille humaine : « on gère ainsi les problèmes éventuels de manière plus facile, qu’il s’agisse de la santé des chèvres ou de la qualité des fromages. Et puis ça permet également d’expérimenter de nouveaux produits ou de prendre le temps de faire connaître notre mode de production aux personnes de passage ». Aujourd’hui forte d’une cinquantaine de chèvres, la ferme s’est vue adjoindre un petit verger de sauvegarde de variétés anciennes et depuis l’année dernière, Lorette a installé son jardin de plantes aromatiques et médicinales, « des fleurs plein les poches », sur place. Hormis pour le sel, les fromages aromatisés de la ferme sont donc désormais 100 % locaux !
Car Thomas l’affirme : « montrer qu’il est possible de produire des fromages bio et locaux à un prix raisonnable, tout en prenant en compte la nature qui nous entoure, c’est un acte militant ! ». Autre bataille qu’ils mènent depuis qu’ils sont agriculteurs : la cohabitation avec le retour du loup et du lynx aux portes de la ferme. Ce retour est vécu avec un mélange de joie naturaliste et de crainte pour l’exploitation car une attaque pourrait causer de grosses pertes financières. Mais Thomas et Lorette ont là aussi, fait le choix d’être proactifs : depuis le début de l’année, Queso, chien de montagne des Pyrénées, a rejoint le troupeau pour permettre de faire cohabiter production agricole et préservation de la biodiversité !
Propos recueillis par Simon-Pierre Babski (LPO Bourgogne Franche-Comté)