LPO | Bonjour Benjamin, vous êtes chargé des Refuges LPO Collectivités et Entreprises à la LPO Isère, mais vous avez aussi à titre privé un Refuge LPO chez vous. Que vous apporte t-il ?
Benjamin TOSI | Bonjour, effectivement je m’occupe de certains Refuges LPO de l’Isère et j’ai inscrit mon jardin en Refuge LPO particulier depuis quatre ans. Cette démarche est militante, mais surtout pour sensibiliser mes enfants déjà, et puis aussi les amis qui viennent à la maison.
LPO | Comment avez-vous connu la LPO et de quand datent vos premières sorties naturalistes ? Comment est venue cette passion pour la nature ?
Benjamin TOSI | A l’âge de dix ans j’ai rencontré un ami de mes parents qui était garde forestier. Durant la discussion, il a parlé d’un lynx boréal qu’il avait vu la semaine précédente en Chartreuse. De là est née une passion, puis mon métier depuis 20 ans. La LPO, je la connais depuis toujours avec Allain Bougrain Dubourg qui présentait l’émission TV « Animalia » que je suivais sur notre vieille télévision. Mais c’est surtout grâce à mes parents avec qui j’ai partagé très tôt des balades et des randonnées dans la nature que m’est venue cette passion.
LPO | Quand le Refuge LPO a-t-il été créé ?
Benjamin TOSI | J’ai entamé la création du Refuge en 2017, au cours d’une journée d’échange (séminaire LPO France REFUGE LPO), depuis mon téléphone portable. Quelques jours après, je recevais par la poste le coffret d’accueil « jardin » avec le nichoir à mésanges, le panneau Refuge LPO et les trois livrets mini-guides.
LPO | Quel était le projet au début de ce Refuge LPO situé en Isère ?
Benjamin TOSI | J’ai trois petit jardins, un devant ma maison, un autre sur les coteaux pour les abeilles, et un autre pour mon jardin en permaculture. Il était évident de valoriser ce que je faisais déjà depuis longtemps et d’être cohérent avec ma mission au sein de la LPO. Dans le même élan, j’ai pris une adhésion familiale à la LPO pour toute ma famille.
LPO | Pouvez-vous nous décrire en quelques mots ce jardin naturel et dans quel contexte s’inscrit la préservation de cet espace ?
Benjamin TOSI | Mes trois jardins se situent en plaine de Bièvre dans le Dauphiné dans le département de l’Isère. Au total, cela représente 1 000 m2. On y retrouve du bâti ancien (pour les chauves-souris, moineaux, rapaces nocturnes), des coteaux ensoleillés en prairies naturelles, des noyeraies et des pâtures. La plaine de Bièvre est réputée pour ses nombreuses espèces nicheuses ou de passage dans des zones de cultures, zones humides et châtaigneraies.
LPO | Concernant ce terrain, quelles est la principale action de protection ? Et comment avez-vous réussi à préserver les petits biotopes ?
Benjamin TOSI | J’ai installé différents types de nichoirs pour les oiseaux, des gîtes à chauves-souris, des gîtes pour les insectes et j’ai créé différents étages de végétation en plantant des arbustes, des plantes grimpantes, des plantes mellifères. Et bien évidemment la première action fut de ne plus utiliser de produit chimique.
LPO | Quels sont les principaux aménagements bénéfiques à la faune et la flore sauvages dans ce jardin ?
Benjamin TOSI | En tout j’ai installé trois nichoirs à mésanges (avec des trous d’envol de 28 mm pour les mésanges bleues et 32 mm de diamètre pour la mésange charbonnière), cinq gîtes à chiroptères, des gîtes pour les osmies surtout, des abeilles sauvages, un hibernaculum pour les reptiles, une mangeoire pour l’hiver et des récipients pour l’eau.
LPO | Avez-vous d’autres méthodes de gestion écologiques particulières à partager ?
Benjamin TOSI | C’est le coeur de mon métier donc j’ai mis en place la fauche tardive, la tonte avec export pour appauvrir le sol et faire venir des végétaux locaux, je ne taille pas en période de nidification, le compostage sur place idéal pour les micromammifères et je laisse le bois sur place. Mes terrains ne sont pas clôturés afin de permettre à la faune de circuler librement, notamment le hérisson d’Europe. C’est une notion fondamentale pour qui gère des milieux naturels que de laisser des continuités écologiques afin que les animaux puissent se déplacer librement, pour chasser, migrer ou trouver un partenaire pour se reproduire !
LPO | Quel geste simple aimeriez-vous partager en faveur de la biodiversité ?
Benjamin TOSI | Un geste simple que tout le monde peut faire chez soi ou ailleurs, c’est observer et contempler la nature, les fleurs sauvages et le vivant qui nous entourent. Cela favorisera sûrement une prise de conscience et nous rendra plus sensibles pour mieux préserver la biodiversité. Que ce soit avec ou sans jumelles, la nature est source de beauté et d’émerveillement.
LPO | Avez-vous relevé une augmentation de la biodiversité, de nouvelles espèces animales et végétales apparues sur ce terrain ? Quelles sont les espèces phares du jardin ?
Benjamin TOSI | Oui tout à fait, le troglodyte mignon est revenu, la chouette hulotte et la chevêche d’Athéna, et un couple de rougequeue à front blanc que je n’avais pas revu depuis des années. J’ai même trouvé récemment des pelotes d’effraie des clochers dans la grange, alors que depuis trois ans elle avait disparu du village.
LPO | Faites-vous connaître ce terrain et votre démarche autour de vous ?
Benjamin TOSI | Quand on est passionné, la biodiversité nous anime tous les jours. On veut partager cette passion avec tout le monde ! C’était peut-être une évidence pour moi de devenir le référent Refuges LPO à la LPO Isère.
LPO | Faites-vous de la photo sur ce terrain ?
Benjamin TOSI | Je ne fais plus de photo actuellement par manque de temps. Mais j’aime observer la mangeoire en hiver, derrière ma fenêtre au chaud, et parfois je réalise des vidéos en ralenti sur le départ et les arrivées des mésanges, toujours pressées d’emporter une graine et d’aller la manger plus loin.
LPO | Pour conclure, que diriez-vous aux autres propriétaires de Refuges ?
Benjamin TOSI | Même sur de toutes petites surfaces on peut améliorer et faire revenir la biodiversité. Il n’est pas nécessaire d’acheter dans le commerce car, avec un peu de bricolage, on peut créer des habitats pour la faune. Laissez aussi des zones de quiétude, des zones non tondues, vous verrez plus d’insectes et d’oiseaux. La nature demande peu pour s’installer et revenir, le respect du milieu est sans nul doute le premier pas pour l’installation de la biodiversité.
Interview : Nicolas Macaire LPO - publiée dans l'OISEAU magazine n°145 (octobre, novembre, décembre 2021).