Quand la nature s'apaise...

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Les fortes chaleurs estivales sont derrière nous et les jours raccourcissent. Les premières gelées sont revenues la nuit. Un doux parfum d’humus, de feuilles mortes et d’humidité a envahi le sous-bois. Les oiseaux ne chantent plus hormis le trille mélancolique du rougegorge familier, alors que le hérisson d’Europe s’empresse de fabriquer un nid de feuilles pour hiberner. La nature s’apaise, tout semble ralentir, c’est l’automne qui s’installe.

Sous-bois en automne © Jean-Jacques Carlier

Sous-bois en automne © Jean-Jacques Carlier

De fascinantes préparations chez les animaux

Avec le raccourcissement de la durée du jour influant le rythme journalier (appelé rythme nycthéméral), de nombreux animaux s’affairent à préparer l’hiver. Certaines espèces restent dans nos régions en ne réalisant que de petits déplacements, d’autres préfèrent migrer vers des contrées plus clémentes. Les stratégies pour survivre à la proche saison froide sont bien différentes selon les espèces.

Chez les oiseaux, le geai des chênes fait des réserves de glands en automne en les enterrant dans des cachettes aléatoires. Ce fruit est riche en amidon et il est recherché par bon nombre d’animaux (sangliers, mésanges, sittelles…). En réalité, le geai ne retrouve qu’une infime partie de ce trésor et les glands ainsi disséminés finissent par germer. Le geai participe ainsi au reboisement de la forêt.

Geai des chênes (Garrulus glandarius) © Jean-Jacques Carlier

Geai des chênes (Garrulus glandarius) © Jean-Jacques Carlier

La mésange noire est insectivore l’été – elle chasse des petites araignées, des chenilles…- mais en hiver, elle change son régime alimentaire et se nourrit des graines d’épicéa, des cônes du pin et bien sûr des graines de tournesol de la mangeoire. Elle stocke, elle aussi, de la nourriture toute l’année en cachant les graines derrière l’écorce des arbres. Celles-ci bénéficieront aux autres mésanges de la communauté.

La migration, une stratégie pour trouver assez de nourriture

Chez les oiseaux strictement insectivores, la stratégie est différente : ils sont migrateurs. Malgré les dangers que représente le voyage de la migration (mauvaise météo, épuisement…), les espèces y trouvent plusieurs avantages. La migration est une réponse au manque de ressources alimentaires : pour trouver les insectes en hiver, un retour vers des contrées plus chaudes est nécessaire. Dès le mois d’août, les gobemouches noirs amorcent ainsi une migration à travers l’Europe continentale pour rejoindre leurs aires d’hivernage en Afrique de l’ouest, au sud du Sahara. C’est le cas d’autres espèces de passereaux typiquement insectivores : hirondelles, martinets, fauvettes, rossignol philomèle, pouillot siffleur, rougequeue à front blanc

Quel intérêt à revenir en Europe au printemps ? La compétition entre espèces différentes (compétition interspécifique) est réduite, ce qui permet aux oiseaux de trouver plus de proies (insectes) mais aussi davantage de lieux disponibles où nicher. Les opportunités seraient plus difficiles à trouver en restant sur les quartiers d’hiver africain. De plus, l’émergence des insectes au printemps dans nos régions tempérées correspond au pic de nourrissage de ces espèces. Les journées, plus longues, offrent aussi des heures supplémentaires aux oiseaux pour l’activité de reproduction.

D’autres oiseaux de montagne comme l’accenteur alpin ou le tichodrome échelette entreprennent un changement de site en perdant de l’altitude ! Ils descendent en plaine l’hiver pour échapper à l’enneigement, trouver davantage de chaleur et de nourriture. La grande facilité qu’offre le vol aux oiseaux leur permet de fuir les mauvaises conditions, ce qui n’est pas le cas des mammifères, des reptiles et des amphibiens.

Hérisson d'Europe (Erinaceus europaeus) © Pixabay

Hérisson d'Europe (Erinaceus europaeus) © Pixabay

L'hibernation, un sommeil protecteur

L’hibernation permet aux animaux de garder leur énergie durant la mauvaise saison. Chez le hérisson d’Europe, l’hibernation commence en automne, généralement en novembre quand la température descend sous 11°C. Ce mammifère confectionne un nid de feuilles mortes et de mousses qu’il installe sous un tas de bois, sous le plancher d’une cabane de jardin, un dessous d’escalier extérieur ou autres niches à l’abri de la pluie et du vent. Il se réveille souvent durant l’hiver et son sommeil n’est pas continu. Même s’il puise dans ses réserves de graisse, les réveils sont normaux mais mal connus. Les variations de température ou le dérangement sont cependant impliqués.

Une grande partie des chauves-souris européennes hibernent également. Elles s’abritent dans des lieux calmes où la température et le taux d’humidité sont constants. L’humidité est importante pour éviter le dessèchement de leurs membranes alaires. Elles hibernent dans les grottes, les souterrains, les caves, les tunnels ou les arbres creux. Dès que la température ambiante passe en dessous de 10°C, leur activité ralentie.

Leur température corporelle passe en moyenne de 38°C à 17°C, c’est un état d’hypothermie, et la pulsation cardiaque descend à moins d’un battement par minute. Certaines espèces aiment avoir de l’espace, d’autres au contraire se regroupent « en essaim ». Cette léthargie hivernale est souvent interrompue par quelques réveils pour chercher un autre point d’accrochage plus favorable, ou profiter d’une période de redoux pour aller chasser. Ainsi, il est possible d’observer des pipistrelles en vol lors des journées ensoleillées d’hiver. Avant l’endormissement hivernal, elles se seront gavées d’insectes pour constituer leurs réserves énergétiques.

Grands Rhinolophes (Rhinolophus ferrumequinum) en hibernation © Philippe Jourde LPO

Grands Rhinolophes (Rhinolophus ferrumequinum) en hibernation © Philippe Jourde LPO

Les amphibiens et les reptiles hibernent également. Ces animaux à sang froid (poïkilothermes) passent l’hiver sous un tas de feuilles, un tas de bois, sous une souche, parfois dans une cave comme les tritons. Leur activité reprendra dès le mois de février.

Eloge de la diapause

Chez bon nombre d’invertébrés, araignées, insectes, vers… intervient le phénomène de diapause à la mauvaise saison. Cet important et passionnant mécanisme adaptatif permet aux animaux de résister et de survivre aux variations extrêmes saisonnières de l'habitat (température, humidité…).

La diapause est l'arrêt temporaire de l'activité ou du développement d'un organisme dans des conditions difficiles, comme en hiver ou à la saison sèche ou en cas de carence alimentaire. Elle concerne aussi bien le stade embryonnaire, larvaire ou adulte d’un organisme invertébré.

Certains papillons des jardins comme le vulcain, le paon du jour ou la petite tortue passent l’hiver à l’état adulte, au repos dans un coin sombre d’un garage, d’une cave ou d’un grenier. Ils sont en diapause jusqu’aux premiers beaux jours du printemps. Il en va de même pour les coccinelles adultes qui hivernent ainsi dans des trous d’arbres, sous les écorces, dans des fissures de murs ou encore sous des tas de pierres.

De novembre à mars, les colonies de fourmis sont, elles aussi, en diapause. Elles se nourrissent alors très peu, et l’activité de la colonie est réduite (pas de ponte, ralentissement du travail des ouvrières…), la colonie est mise en pause. Les fourmis auront cependant stocké de la nourriture pour passer l’hiver. Des phénomènes similaires existent chez les plantes.

Paon du jour (Aglais io), remarquer les ailes noires dessous © Monaco Nature Encyclopédia

Paon du jour (Aglais io), remarquer les ailes noires dessous © Monaco Nature Encyclopédia

Le monde végétal vers la dormance

Chez les végétaux, la lumière joue un rôle primordial sur la croissance. Les plantes et les arbres s’orientent pour capter la lumière du soleil : c’est le phototropisme. Sous l’action du soleil, les feuilles réalisent le processus de la photosynthèse qui permet à la plante de synthétiser sa propre matière organique. La réaction chimique est rendue possible par la chlorophylle (pigment qui donne aux végétaux leur couleur verte), qui capture l’énergie solaire contenue dans les radiations rouges.

En automne, la durée du jour diminuant, le processus de photosynthèse ralenti puis s’arrête. À ce moment-là, la chlorophylle disparait et des couleurs plus chaudes sont révélées dans les feuilles. Elles sont causées par des pigments déjà présents dans les feuilles : les xanthophylles (jaunes) et les carotènes (orangés).

Feuilles jaunies en automne © Pixabay

Feuilles jaunies en automne © Pixabay

Chez les arbres à feuilles caduques (chêne, hêtre, érables…), les feuilles tombent en automne. La circulation de sève ralentie également. C’est un mécanisme naturel de protection qui permet aux arbres de survivre aux basses températures.

Certains arbres à feuilles caduques, comme les charmes, vont conserver leurs feuilles séchées sur les branches jusqu’au printemps suivant, comme mécanisme de protection : c’est la marcescence.

Pour les plantes et arbustes producteurs de graines (Conifères, Poacées, chardons…), la germination n’est pas immédiate. Elle nécessite une période de repos, un état de dormance où leur croissance est temporairement bloquée l’hiver, en attendant que les conditions environnementales soient idéales pour germer. La dormance permet aux graines de germer durant la bonne saison, d’éviter que tous les rejetons d’une plante se développent au même endroit et entrent en compétition pour des ressources limitées et favorise la dispersion des plantes.

Châtaignes dans leur bogue © Pixabay

Châtaignes dans leur bogue © Pixabay

Certaines graines ne peuvent d’ailleurs germer qu’après une période de froid intense, ou encore après le passage dans le tube digestif d’un animal (mammifère, oiseaux…), ou même le passage du feu pour certaines plantes pyrophytes.

La durée de vie des graines est variable en fonction des espèces, elle se situe généralement entre 2 et 10 ans. Mais certaines peuvent facilement rester 50 ans dans le sol avant de germer. Des graines de palmier dattier vieilles de 2 000 ans, retrouvées sur plusieurs sites archéologiques au Moyen-Orient ont même pu être cultivées et ont pu regermer !

En automne, les espèces, qu’elles soient animales ou végétales déploient toutes des transformations, mutations et changements pour se préparer à l’hiver.  La nature nous étonne et nous émerveille, elle peut aussi nous inspirer l’apaisement.