En compilant les données d’un grand sondage de 2012 sur la qualité de vie mené auprès de plus de 26 000 adultes venant de 26 pays européens, des scientifiques allemands du German Centre for Integrative Biodiversity Research (IdIV) ont déterminé que plus un milieu est riche en espèces d’oiseaux, plus l’Homme se sent bien. Le bonheur procuré par la diversité animale serait même comparable à une hausse de salaire. De quoi nous encourager à être ambassadeur de la nature !
"L'argent ne fait pas le bonheur" dit l'adage, mais les oiseaux peut-être ?
A partir des résultats de l'étude « 2012 European quality of life survey » et en les croisant avec des données supplémentaires qualifiées de « données macroécologiques », l’équipe de scientifiques allemands a étudié le sentiment de bien-être des personnes en fonction de la richesse de différents groupes taxonomiques : les arbres, les mammifères (y compris les grandes espèces) et les oiseaux. D’autres indicateurs complémentaires ont été ajoutés à l’enquête comme le climat local, le paysage, le topographie du terrain (plaine, montagne) ainsi que les zones « vertes » et « bleues » et les zones protégées. Les données utilisées sur la richesse floristique et faunistique sont issues des différents atlas de distribution des espèces dont l’atlas européen des oiseaux nicheurs (EBBA). Enfin, d’autres variables ont été ajoutées comme le niveau d’accessibilité aux espaces verts (de très difficile à très facile), la densité de population, le taux de chômage…
Le moineau domestique (Passer domesticus) est une espèce qui vit près de l'Homme. Il est qualifié d'espèce anthropophile © Pixabay
Pour chaque individu interrogé, l’une des principales questions posées dans le questionnaire était : « Toutes choses confondues, comment évaluez-vous votre état de satisfaction dans votre vie aujourd’hui, sur une échelle de 1 à 10 ? ».
Les résultats montrent une nette corrélation entre le nombre d'espèces d'oiseaux présentes et le niveau de satisfaction des personnes, que les auteurs de l’étude expliquent par différentes hypothèses, toutes liées à la qualité de l’environnement :
- L’observation des oiseaux et de leurs comportements dans son jardin ou dans la nature procure des émotions « positives » amenant au bien-être. Et l’une des explications possibles à ce phénomène est que les oiseaux sont faciles à observer, à écouter, comparés à d’autres espèces.
- Plus le milieu est naturel, plus le nombre d’espèces d’oiseaux augmente. Les zones les plus riches étant couvertes de végétation, souvent près de l’eau, dans des environnements calmes. Des caractéristiques naturelles qui influencent « positivement » la santé humaine et le bien-être.
- L’accessibilité aux espaces verts, aux parcs et aux zones naturelles, zones riches en espèces d’oiseaux, accroît le bien-être.
Parc urbain © Nicolas Macaire LPO
"Les Européens les plus heureux sont ceux qui peuvent profiter de nombreuses espèces d'oiseaux différentes dans leur vie quotidienne, ou qui vivent dans des environnements quasi-naturels qui abritent de nombreuses espèces", résume Joel Methorst, post-doctorant du German Centre for Integrative Biodiversity Research.
Curieusement, il n’a pas été trouvé de relation entre le bien-être en fonction de la diversité des espèces de mammifères ou des arbres.
L'équipe de recherche a cependant abouti à une comparaison plus inattendue : la richesse d’un milieu en espèces d’oiseaux pourrait être aussi bénéfique sur le bien-être qu’une hausse de revenus !
Birdwatching en forêt / istockphoto
"Nous avons examiné les données socio-économiques des individus interrogés et, à notre grande surprise, nous avons constaté que la diversité aviaire est aussi importante pour leur joie de vivre que leurs revenus", affirme le professeur Katrin Böhning-Gaese, directrice du Senckenberg Biodiversity and Climate Research Centre.
Ainsi, les résultats ont montré qu'une hausse de 10% de la richesse aviaire - soit environ 14 espèces supplémentaires dans l’environnement et une hausse de 10% des revenus - soit environ 124 euros en prenant en compte un salaire moyen de 1237 euros - étaient associées à une augmentation similaire du degré de satisfaction des européens interrogés.
La protection de la biodiversité, source de bonheur
Le bilan des 10 ans de l’Observatoire Oiseaux des Jardins publié en janvier par la LPO et le MNHN montre qu’au cours des dix dernières années, les effectifs de 41% des espèces rencontrées dans les jardins au printemps ont diminué, confirmant le déclin lié à la déstructuration globale des écosystèmes naturels déjà observé par ailleurs. C’est le cas par exemple du Martinet noir (-46%), victime de la disparition des insectes volants due aux pesticides, de la récurrence des épisodes caniculaires et des rénovations de bâtiments qui réduisent ses possibilités de nicher sous les toitures.
Mésange bleue (Cyanistes caeruleus) © Pixabay
A l’inverse, les résultats des comptages hivernaux mettent en évidence une augmentation pour près de la moitié des espèces, en particulier les granivores (Ex : Chardonneret élégant, Pinson des arbres), alors que leurs populations nationales sont pourtant en forte régression. Ce constat s’explique notamment par la raréfaction des ressources alimentaires dans les zones d’agriculture intensive et le report de ces oiseaux vers les jardins, véritables zones refuges pour eux.
Des résultats qui montrent clairement que la biodiversité connaît actuellement un déclin spectaculaire. Et qui soulignent le risque que le bien-être humain souffre d’un appauvrissement de la biodiversité.
La protection de la nature joue donc un rôle essentiel dans le bien-être de chacun d’entre nous ! Au sein des quartiers, dans nos parcs, dans nos villes, il est possible de concentrer les forces des uns et des autres pour améliorer notre cadre de vie en prenant mieux en compte l’intégration de la nature. Soyez acteur !