Peu de gens le savent, mais il est déconseillé de les retirer, lorsque l’on souhaite maintenir le sol vivant et préserver la biodiversité. Les feuilles ne sont pas des déchets mais des éléments organiques indispensables à la formation de la litière, elle-même nécessaire à la bonne santé du sol.
Au jardin, seules les allées et les espaces d’activité devraient être nettoyés, car en réalité, les feuilles mortes jouent un rôle essentiel dans l’écosystème. En laissant les feuilles mortes sur place, vous contribuez à préserver les insectes, les mammifères, les oiseaux, les champignons, les micro-organismes… explications.
Pourquoi les feuilles tombent en automne ?
En automne, les arbres à feuilles caduques perdent leurs feuilles. Le froid arrivant et la durée du jour diminuant, les arbres commencent à se préparer à l’hiver, une forme de dormance végétale. La chlorophylle, pigment vert et siège de la photosynthèse, commence à se dégrader.
La couleur verte de la chlorophylle n’étant plus majoritaire, c’est d’autres pigments présents dans la feuille mais qui étaient masqués par l’abondance de chlorophylle qui commencent à apparaître.
Il s’agit principalement de caroténoïdes (présents dans la carotte) qui colorent les feuilles en jaune-orange et d’anthocyanes (pigments présents dans les fruits rouges) qui eux procurent des couleurs variant du rouge orangé. La feuille sèche se détache par le pétiole (base rétrécie de la feuille ou queue) en laissant une marque nette sur le rameau : c’est la cicatrice foliaire. En s’accumulant sur le sol, les feuilles mortes vont former une couche superficielle appelée litière.
Les feuilles mortes composent la litière
La litière est la couche superficielle du sol constituée par les feuilles mortes et autres fragments végétaux tombés au sol (brindilles, graines, petits morceaux d’écorce, de lichens…), mais non encore décomposée par les micro-organismes. La litière est une couche essentielle aux écosystèmes forestiers, mais elle tout aussi utile dans les jardins arborés pour la bonne santé du sol.
Sur le plan chimique, la litière contient, entre autres, de la cellulose et de la lignine (principal constituant du bois).
La litière végétale traverse trois étapes de décomposition pour aboutir à produire de la terre. La couche supérieure visible est la litière. La deuxième couche, composée de feuilles en décomposition, est la couche de fermentation. La dernière couche, complètement décomposée, est constituée d’une matière organique épaisse et sombre, appelée humus, caractérisée par une terre noirâtre, riche en éléments nutritifs nécessaires à la croissance des graines, plantules, fleurs, champignons...
La surface du sol est donc incroyablement vivante et des millions de petites bêtes contribuent à la décomposition et au recyclage de la matière organique. Voir le Geste « Je limite mon emprise sur le sol vivant ».
La litière abrite une multitude d'organismes et d'animaux
La surface du sol est la zone qui abrite le plus d’organismes. Les 15 premiers centimètres du sol abritent environ 90% de la vie souterraine. Au fur et à mesure que l’on s’enfonce, les organismes se raréfient. La majorité de ces organismes sont lucifuges (= ils fuient la lumière).
Le sol est un écosystème complexe où les organismes côtoient les éléments minéraux comme le sable, l’argile, le limon… et il ne faut pas le voir comme une entité simple mais comme un milieu à part entière.
Voir l’article LPO « Connaître la faune du sol » pour découvrir les micro-organismes du sol.
En surface, sous les feuilles de la litière, se cachent de nombreux animaux. En automne, l’humidité maintenue par les feuilles convient aux amphibiens comme la grenouille agile, la salamandre tachetée ou les tritons à présent en phase terrestre, mais aussi aux mollusques tels que les escargots et les limaces.
Les insectes profitent de la litière pour se mettre à l’abri du froid : les bourdons et les mouches se cachent sous les feuilles mortes dès les premiers frimas. On trouvera également des cloportes, des mille-pattes, des lombrics et des araignées (arachnides) parmi les espèces les plus connues.
Mais il en existe d’autres plus étranges et plus petits comme les acariens ou bien les collemboles, des Arthropodes pancrustacés sauteurs, ou encore le bousier, un scarabée coléoptère.
Aménager son jardin pour accueillir la faune sauvage et lui offrir le gîte et le couvert peut donc commencer sans aménagements ou installation : mais tout simplement en laissant les feuilles au sol !
Si vous souhaitez retirer partiellement les feuilles de vos allées
Pour circuler, jouer, profiter de son jardin, il est parfois nécessaire de dégager les allées des feuilles mortes ou bien autour des espaces fréquentés (table de jardin, banc, fil à linge…). Dans ce cas et pour les petites surfaces, il est préférable d’utiliser le râteau à feuilles plutôt que la souffleuse électrique qui génère du bruit et consomme de l’énergie.
Evitez cependant de passer la tondeuse sur ces zones. En effet, le broyage des feuilles détruirait les œufs, les larves des insectes et les adultes (imagos) en diapause, qui s’y développent et s’y réfugient. Laissez effectuer le travail par les micro-organismes qui vont eux-mêmes fragmenter les feuilles.
Les feuilles une fois ramassées peuvent être partiellement ajoutées au compost (voir le Tuto Refuge comment réaliser un compost). Elles peuvent aussi servir à constituer un tas de feuilles dans un coin du jardin, qui plaira au hérisson d’Europe, à l’orvet fragile ou au crapaud commun pour une part. Enfin, une dernière partie peut servir de paillage au pied des arbustes, des massifs, des plates-bandes… les feuilles conservant très bien l’humidité du sol et venant le nourrir en se décomposant.
L’idée est de bien recycler cette ressource localement et de ne pas évacuer les feuilles dans des sacs poubelles en plastique. Le plastique pollue l’environnement, le transport des feuilles par les camions émet du carbone, et les centres d’incinération ou les décharges sont déjà saturés et polluent également.
Tout cela nous fait prendre conscience que la nature est bien là où elle est, et que moins on touche notre environnement, mieux il se porte. Si vous pensiez bien faire, c’est tout le contraire : en automne, laissez les feuilles mortes où elles sont et ne les ramassez pas, vous deviendrez, vous aussi, artisans du sol vivant !
Info plus :
La campagne #LeaveTheLeaves vise à sensibiliser les citoyens à laisser les feuilles mortes en place en automne (Canada, Angleterre, Etats-Unis...).