Chasse et Refuge LPO
Chasse et Refuge LPO
Début septembre marque l’ouverture de la chasse dans une grande majorité de départements français, et ce jusqu’à la fin du mois de février. Cette activité est pratiquée par près d’un million de chasseurs en France, sur 89 espèces de gibier et oiseaux chassables (arrêté du 26 juin 1987) ce qui impacte directement la faune sauvage.
L’ouverture de la chasse intervient alors que certains oiseaux « chassables » ne sont pas encore émancipés, comme les jeunes anatidés qui n’ont pas encore atteint l’âge adulte. D’autres espèces d’oiseaux, en très forte régression, ont vu leur chasse suspendue en août 2023, mais pour un an seulement : le Courlis cendré, la Barge à queue noire et la Tourterelle des bois.
En 2023 la LPO et les citoyens se sont mobilisés pour faire sortir de la liste des espèces chassables les dites ESOD (Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts), mais l’état en a malheureusement décidé autrement en réitérant pour 3 ans la liste nationale des espèces concernées, comprenant 4 mammifères et 5 oiseaux à abattre : la Martre des pins, la Belette, la Fouine, le Renard roux, la Pie bavarde, le Geai des chênes, la Corneille noire, le Corbeau freux et l’Étourneau sansonnet (arrêté ministériel du 4 août 2023).
Ces animaux parfois désignés comme « nuisibles » fréquentent souvent les Refuges LPO et jouent bien sûr un rôle important dans les écosystèmes. Dans un contexte où la biodiversité s’effondre et là où certaines espèces sauvages font l’objet de destruction par les chasseurs, les Refuges LPO ont un rôle à jouer en constituant des zones de replis. Voir notre article : Espèces susceptibles d'occasionner des dégâts (ESOD) : qui sont-elles ?
L’ouverture de la chasse doit par ailleurs nous rappeler que cette activité est rigoureusement règlementée, notamment aux abords des habitations. Il peut cependant arriver que vous constatiez sur votre terrain des comportements de chasseurs inappropriés. Cet article fait le point pour vous aider à réagir.
Sur la distance de tir près des habitations
Les chasseurs ont l’obligation de ne pas tirer en direction des habitations, routes, stades, voies SNCF, chemins, à portée de fusil, pour des raisons de sécurité publique. C’est donc la direction dans laquelle tire le chasseur qui importe, et non la distance depuis laquelle il tire. Par exemple, si le chasseur est dos à une habitation, une route, une voie SNCF..., il peut chasser sur le terrain proche de ces équipements. Un chasseur a le droit de tirer en direction de votre terrain Refuge LPO s’il ne comporte pas de bâtiment.
Lorsque qu’une ACCA (Association Communale de Chasse Agréée) ou une AICA (Association Intercommunale de Chasse Agréée) est présente dans votre commune, les actes de chasse sont interdits dans un rayon de 150 mètres autour des habitations.
Sur le passage des chasseurs sur votre terrain
Bien que votre terrain soit un Refuge LPO et soit interdit de chasse (voir ici la procédure pour interdire la chasse sur votre Refuge LPO), il peut néanmoins faire l’objet de passage des chasseurs dans les cas particuliers suivants :
- dans le cas d’une battue administrative :
Des battues administratives (municipales ou préfectorales) peuvent être organisées sur un terrain en Refuge LPO même si la chasse y est interdite. Ces battues interviennent ponctuellement dans un but « d’intérêt général » : il s’agit de limiter les populations de certains gibiers comme le sanglier, le chevreuil ou le lapin de garenne qui présentent des caractères invasifs et peuvent localement modifier le milieu (retournement de la terre, piétinement exagéré, dégradation des végétaux...). Vous êtes alors contraint d’accepter ces battues, au même titre que les propriétaires de terrains où la chasse est autorisée. Les battues administratives sont déclarées en mairie par affichage. Assurez-vous qu’il s’agit bien d’une autorisation du maire ou du préfet.
2. dans le cas de poursuite d’un gibier blessé.
Lorsqu’un chasseur blesse mortellement un animal, il peut le récupérer sur tout territoire (sur un Refuge LPO également), car il en est devenu le propriétaire par l’acte de chasse. Il s’agit du « droit de suite » pour un chasseur, qui n’est pas considéré comme un acte de chasse. Toutefois, pour récupérer l’animal, il doit solliciter l’autorisation du propriétaire du Refuge LPO. Dans ce cas, c’est avec votre autorisation seulement que le chasseur pourra venir sur votre terrain.
3. pour le passage des chiens courants sauf si le chasseur a poussé les chiens à le faire.
Un chien courant est un chien de chasse dont la fonction est de poursuivre ou d'attraper le gibier. Il est différent du chien d'arrêt qui désigne au chasseur la présence du gibier, et du chien de rapport qui rapporte le gibier.
En cas de braconniers qui pénètrent sur le Refuge LPO
Le braconnage est l'action de chasser ou de pêcher de manière illégale soit en s'attaquant à des espèces protégées, soit en œuvrant sans autorisation et en utilisant des moyens non autorisés. Il convient de signaler à l’OFB (ou à la gendarmerie) ces faits qui constituent des infractions de destruction d’espèce protégée (délit) et chasse sur le terrain d’autrui (Classe 5). Portez plainte auprès des autorités.
Communiquez leur toute information utile (lieu, récurrence des faits, d’autres plaintes déposées, informations sur l’identité de l’infracteur, plaque d’immatriculation ...) et mentionnez dans votre plainte que vous allez adresser une copie à votre maire, au président de la fédération départementale des chasseurs, au préfet et aux associations de protection de la nature dont vous êtes membre.
A noter : le Refuge LPO n’est pas un statut juridique pour votre terrain, ce n’est donc pas sur ce fondement que vous pourrez porter plainte. C’est le droit du particulier qui s’applique, il est donc important de réaliser les démarches demandant l’interdiction de chasse sur votre terrain auprès des sociétés de chasse ou des mairies. Vous êtes en droit d’obtenir, outre le récépissé de votre plainte, la copie de celle-ci au titre de l’article 15-3 du code de procédure pénale. Enfin, il est utile de conserver une copie de la totalité des pièces et d’envoyer à la LPO un exemplaire de votre plainte ainsi que quelques photos des faits afin que la LPO puisse envisager de porter plainte à vos côtés notamment s’il y a destruction d’espèce protégée.
Articles du Code de l’environnement (CE) qui prévoient et répriment les infractions :
- Chasse sur terrain d’autrui : délit prévu l’article L 422-1 du CE et réprimé par les articles L 428-1 et R 428-1 du CE (contravention de 5ème classe passible de 1 500 € d’amende mais délit si le terrain est clos : 3 mois d’emprisonnement et 3 750 € d’amende)
- Chasse en temps prohibé : infraction prévue par l’article R 424-4 CE et réprimée par l’article R 428-7 du CE (contravention de 5ème classe passible de 1 500 € d’amende)
- Destruction d’un oiseau d’espèce protégée : délit prévu par les articles L 411-1, L 411-2 du CE et l’article 3 de l’arrêté ministériel du 29/10/2009 et réprimé par L 415-3 CE (passible de 150 000 € d’amende et de 3 ans d’emprisonnement).
Recours en cas de non-respect de l'interdiction de chasser sur mon terrain
Essayez dans un premier temps de régler le conflit à l’amiable. Il peut s’agir d’une discussion constructive avec le chasseur en infraction : était-il par exemple bien informé que votre terrain n’était pas chassable ?
Si le dialogue n’est pas possible, vous pouvez faire appel à un médiateur, c’est-à-dire une personne neutre, qui peut résoudre le litige sans avoir recours à la justice. Vous pouvez également signaler le problème au Président de la société de chasse ou de l’ACCA (ou AICA), qui a pour rôle de veiller au respect de la police de la chasse par les membres de son association. Si vous souhaitez exercer une action en justice, commencez par réunir les preuves de l’infraction : votre témoignage, celui de voisins, photos, vidéos, voire cadavres d’animaux tirés sur votre terrain (à conserver au congélateur). Essayez, dans la mesure du possible, d’identifier les auteurs de l’infraction et prévenez un Inspecteur de l’environnement de l’OFB, qui est habilité à constater l’infraction.
Vous pouvez conclure votre démarche en portant plainte pour « chasse sur terrain d’autrui » auprès de la gendarmerie ; apportez si possible les preuves que vous avez réunies. N’oubliez pas de demander une copie de votre plainte, ainsi que son récépissé (Article 15-3 du Code de procédure pénale).
Que risque le contrevenant en cas de non-respect de la loi ?
(Articles R.428-1 1° et 2° et L.428-1 du Code de l’environnement)
L’infraction de « chasse sur propriété d’autrui » est une contravention de 5ème classe, passible d’une amende de 1 500 €, voire 3 000 € en cas de récidive, et de 5 ans de retrait du permis de chasser (R 428-1 1°).
L’infraction est également une contravention de 5ème classe si votre terrain a été intégré à une réserve de chasse et de faune sauvage (R 428-1 3°).
Ce peut être un délit, en cas de circonstances aggravantes : l’article L 428-1 prévoit : « Est puni de trois mois d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros le fait de chasser sur le terrain d’autrui sans son consentement, si ce terrain est attenant à une maison habitée ou servant à l’habitation, et s’il est entouré d’une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins. Si le délit est commis pendant la nuit, la peine d’emprisonnement encourue est de deux ans. »
Que faire contre les menaces verbales et/ou des intimidations de la part de chasseurs ou de personnes du quartier ?
Il peut arriver que l’affichage du panneau Refuge LPO et l’action de protéger la nature chez soi suscitent des remarques désobligeantes de la part de certaines personnes. Si vous jugez que ces remarques verbales ou menaces portent directement atteinte à votre personne, vous pouvez faire une déclaration de main courante ou déposer une plainte auprès de la gendarmerie. Récupérez auprès des autorités une copie de votre plainte ainsi que le récépissé.