C’est en 1921 qu’est créé le premier Refuge LPO. C’est le Refuge de La Cabine situé dans la Forêt domaniale de Mormal [1] dans le Nord. Après la dévastation du site par la première guerre mondiale, la LPO envisage de reboiser la forêt détruite, grâce à un fond américain. Le témoignage ci-dessous, rédigé par Adrien Legros [2] est publié en 1921 dans le bulletin de la LPO.
« C’est dans la forêt de Mormal que la Ligue française pour la Protection des Oiseaux vient d’installer le premier Refuge d’Oiseaux grâce au don généreux de la Société nationale d’Acclimatation par le Permanent Wild Life Protection Fund. […] La forêt de Mormal a – ou plutôt avait - une superficie de 9000 hectares en chiffres ronds, dont plus des deux tiers ont été complètement rasés à blanc durant l’occupation allemande. […] Nous laissons aux forestiers le soin de repeupler l’espace vide. […] Après avoir visité plusieurs parcelles, notre choix s’est arrêté sur une surface boisée d’environ 17 hectares. […] Comme la maison forestière porte le nom de la Cabine, nous avons décidé de donner à notre refuge le nom de Refuge de la Cabine. […] « L’oiseau constitue le défenseur le plus économique et le plus efficace de l’agriculture contre les Insectes. […] Nous ne connaissons pas encore les résultats donnés par la première campagne, mais nous savons par un rapport du garde de la Cabine que ces nichoirs ont été fréquemment visités par les espèces d’Oiseaux auxquelles ils sont destinés. […] La Cabine est, nous l’espérons, le premier anneau d’une chaîne que nous commençons de forger. C’est le modèle, qu’on peut grandement améliorer, du Refuge d’Oiseaux, dont la création peut rendre à notre agriculture en général, à la sylviculture et à la viticulture en particulier les plus signalés services. […] Nous n’épargnons du reste ni notre temps ni notre peine pour mener à bien tout ce qui concerne les Refuges d’Oiseaux dont la Ligue a bien voulu nous charger ».
Extraits du bulletin de la Ligue française pour la Protection des Oiseaux (août-septembre 1921) - par M. Adrien Legros.
Mise en place des premiers Refuges d’Oiseaux - 1933
Texte d’origine rédigé par Adrien Legros pour la mise en place des Refuges LPO, publié en 1933 dans le bulletin de la LPO.
"Qu’est-ce qu’un Refuge d’Oiseaux et comment l’organiser ?
En France, comme en Amérique où ils sont si nombreux, la création d’un Refuge d’Oiseaux doit reposer sur une base très simple. Il ne s’agit pas, comme on pourrait d’abord le croire, pour un particulier, d’abandonner quoi que ce soit de son terrain à l’usage exclusif du Refuge, ni de grever son domaine d’une servitude quelconque.
L’engagement du propriétaire est purement moral et son adhésion simplement de principe. Il s’engage à ne pas tuer les Oiseaux qui vivent en liberté sur son bien, à ne pas permettre qu’on détruise ou les dérange ; (...)
Ne pas chasser sur le Refuge, ne pas tirer de coups de feu pendant la nidification, laisser aux Oiseaux la tranquillité et la sécurité dont ils ont besoin pour remplir leur rôle naturel et pour se reproduire en toute liberté, voilà le premier point négatif, que nous envisageons.
En se bornant à cela, on collaborerait déjà à une oeuvre d’une incontestable utilité. Les fermiers américains, par milliers, s’engagent, eux, à protéger tous les animaux sauvages reconnus non nuisibles, et l’expérience a montré qu’en rétablissant un équilibre entre la vie sauvage et les besoins de la terre, on obtenait des résultats surprenants. Est-ce que la valeur de la chair d’un animal inoffensif, d’une Alouette par exemple, est à mettre en balance avec la valeur des services qu’il rend ? Donc, chaque fois que nous tuons un de ces animaux, nous tuons en quelque sorte la Poule aux oeufs d’or dont parle le fabuliste. Le fermier américain qui protège les animaux sauvages, estime qu’il fait une bonne affaire et qu’il est très rapidement récompensé de la peine qu’il prend. Le fermier français serait-il moins intelligent ?
Celui qui établit un Refuge n’abandonne aucun de ses droits, ne renonce à rien. Bien mieux, il fortifie ses propres droits et montre sa volonté de les faire valoir contre les gens mal intentionnés. Il n’a pas à craindre non plus de notre part une surveillance quelconque, un contrôle qu’il pourrait trouver abusif : notre rôle est de lui faciliter sa tâche par des conseils généraux et particuliers.
Mais la plupart des personnes qui transforment leur propriété ou leur domaine en Refuge en arrivent rapidement à se persuader qu’un rôle négatif n’est pas suffisant. Elles installent donc pour l’hiver, en des points judicieusement choisis, des stations de nourrissage hivernal qui attirent les Oiseaux, les retiennent et les familiarisent avec le site choisi. Si la propriété manque d’eau, ils créent à l’usage des Oiseaux de petits abreuvoirs où ceux-ci - qui boivent tout comme nous - vont se désaltérer. Dans les arbres, ils fixent des nichoirs ou nids artificiels de différents modèles où les Oiseaux trouvent un abri tout préparé pour y élever leur jeune couvée.
Enfin, d’autres plantent dans leurs propriétés, des arbres ou des arbustes dont les fruits ou les baies peuvent servir d’aliments à certaines espèces d’Oiseaux. C’est là le cycle complet de la protection, mais on peut en négliger certains éléments, qui, du reste, peuvent être plus ou moins développés naturellement dans la propriété."
[1] La Forêt domaniale de Mormal (Nord) se situe sur les communes de Locquignol, Hargnies, Landrecies, Pont-sur-Sambre, Preux-au-Bois et Sassegnies. Elle occupe une superficie de 9 141 ha. Elle est composée de chênes pédonculé (54%), hêtres (17%), charmes (15%), frênes (3%) et autres feuillus (11%). Son altitude est de 155m.
[2] Adrien Legros était délégué LPO à Valencienne, et deviendra référent Refuge de la LPO par la suite.
Année de réalisation : 1921