LPO | Pour quelles raisons vous êtes-vous engagée dans la démarche Refuge LPO ?
Aurélie D. | Je suis salariée de la LPO Pas-de-Calais située à Arques depuis 2018. Mais je suis avant tout citoyenne et je me sens très concernée par la protection des espaces et des espèces d’autant plus qu’avec mon ami nous sommes situés à quelques pas d’une Réserve Naturelle Nationale (RNN) et faisons le constat de la destruction dramatique des milieux comme les coupes d’arbres qui laissent place à des zones désertées. La création d’un Refuge LPO sur notre terrain était une évidence.
LPO | Dans quel contexte se situe le Refuge LPO et quelles sont les principales actions que vous avez mises en place pour protéger la biodiversité sur celui-ci ?
Aurélie D. | Le jardin se trouve dans les Hauts-de-France (Pas-de-Calais) au cœur de la Réserve de Biosphère du Marais Audomarois, à 100 mètres d’une forêt et à 800 mètres de l’entrée de la Réserve Naturelle Nationale des étangs du Romelaëre. Nous avons commencé par supprimer la haie de thuyas, des arbustes d’ornement très répandus dans les jardins, originaire d’Amérique du nord et donc peu intéressants écologiquement. Nous laissons la place à une prairie fleurie sur laquelle nous pratiquons une seule et unique fauche tardive qui consiste à laisser sur pied les herbes hautes pour que les graines se disséminent jusqu’à la fin de l’été. Nous avons constitué un tas de bois et un autre de feuilles qui servent de gîtes aux hérissons, aux amphibiens... Nous avons aussi construit et posé des nichoirs pour mésanges, effraies des clochers et chevêches d’Athena, posé deux gîtes pour hérisson d’Europe, un gîte pour chauves-souris et nous prenons d’ailleurs garde de bien laisser un espace derrière les volets ouverts pour le repos journalier de ces dernières ! Nous avons réalisé un passage pour les crapauds « un crapauduc », car ces amphibiens migrent chaque fin d’hiver entre leur lieu d’hibernation et la mare pour se reproduire. Nous avons construit un hôtel à insectes et participons d’ailleurs au programme SAPOLL (Sauvons nos pollinisateurs), qui est un plan d’action transfrontalier en faveur des pollinisateurs sauvages appliqué en Wallonie, Flandre et le nord de la France.
LPO | Quels sont les autres petits milieux naturels sur le Refuge LPO et avez-vous des pratiques de gestion particulières ?
Aurélie D. | Le jardin possède également des arbres fruitiers sur lesquels sont posés nos différents nichoirs. Le fond du jardin n’est pas tondu afin de laisser la flore s’exprimer. Sur la partie avant de la maison et sur la moitié du jardin, la végétation évolue librement sans taille. Seul un chemin est tondu pour accéder à différentes zones. En octobre, nous pratiquons une fauche tardive avec exportation des résidus de tonte pour couvrir en hiver un potager en permaculture. Mais notre plus grand projet était avant tout la construction de notre mare naturelle !
LPO | Pouvez-vous nous décrire ce projet de mare naturelle ?
Aurélie D. | Fin 2019, nous nous sommes lancé le défi de créer notre mare naturelle avec pour objectif d’accueillir la biodiversité au sein de notre jardin Refuge LPO. Notre terrain disposait de suffisamment de place pour créer de nouveaux aménagements et micro-habitats en faveur de la biodiversité. Afin de varier les habitats et diversifier les milieux de notre Refuge LPO, nous nous sommes lancés dès le mois de décembre dans la réalisation de cette mare. La suppression des thuyas a sonné le début du chantier. Et pour nous aider, les amis et la famille étaient là ! Couper, broyer, exporter puis dessoucher : telles étaient les étapes à franchir pour préparer le terrain. L’utilisation d’une mini pelle mécanique s’est montrée indispensable pour la dernière étape de creusement. L’occasion d’en profiter pour creuser en profondeur tout en respectant le plan prévu. Sur trois côtés, nous avons réalisé des paliers de 25 à 30 cm et sur le reste, une pente douce, et un point plus profond à 80 cm. Cela devrait permettre de garder une zone hors gel en hiver. Les différentes profondeurs d’eau favorisent une plus grande diversité : par exemple les plantes poussent à différentes profondeurs selon les espèces. La mare occupe maintenant une superficie de 20 m2. Nous avons utilisé une bâche EPDM – une membrane géotextile - permettant l’imperméabilisation. Le gros du chantier était en mars. L’ajout de plantes locales en pot avec très peu de terre pour ne pas troubler l’eau (Iris des marais, myosotis des marais,…) apporte la végétation aquatique nécessaire à l’oxygénation de l’eau.
LPO | Quels résultats avez-vous obtenus depuis ? Quels changements voyez-vous ?
Aurélie D. | En quelques semaines, la vie est arrivée et la vie s’est installée rapidement et durablement ! Libellules, grenouilles, tritons, et même deux couleuvres helvétiques… La proximité de la Réserve Naturelle des étangs du Romelaëre et du Marais Audomarois offrent la chance d’un peuplement rapide de la mare par la faune sauvage. En quelques mois, l’eau est devenue claire. Une petite fontaine solaire vient oxygéner le milieu aquatique. Au premier rayon de soleil, les premiers insectes aquatiques sont arrivés de leurs propres moyens par les airs. Parmi eux, on peut citer la notonecte glauque (une punaise aquatique), le gyrin, différents dytiques (des insectes coléoptères) dans un premiers temps. Cet été, les grenouilles vertes se comptaient par dizaine au bord de l’eau et nous avons eu l’excellente surprise d’y voir des larves de libellules et des tritons !
Chaque jour, de nombreux oiseaux viennent s’y baigner et pour éviter les risques de noyade, une branche de saule y a été déposée en guise d’échelle. Le pourtour de la mare se végétalise à un rythme naturel et l’ancienne haie de thuyas laisse désormais place à une prairie fleurie garnie d’un hôtel à insectes, pour le plus grand bonheur de tous. Discrètement le héron cendré est arrivé aux bords de l’eau, mais ce n’est pas ici qu’il y trouvera des poissons rouges (Le poisson rouge ou carassin doré est un poisson domestique introduit partout dans monde. Très carnivore, il mange les larves de libellules, les têtards et détruit l’écosystème de la mare). A peine approché de la fenêtre, il a pris son envol, tout comme le pic épeiche qui était posé sur le tronc de l’arbre. Une chose est sûre, la biodiversité s’est invitée dans notre jardin et assez rapidement !
LPO | Que diriez-vous aux gens pour qu’ils s’engagent dans la démarche Refuge ?
Aurélie D. | Nous nous sommes lancés comme objectif d’accueillir au mieux la biodiversité en un temps très court (1 an) sur ce Refuge LPO. Nous avons réussi notamment grâce à la création de cette mare naturelle, aujourd’hui le milieu naturel le plus riche du terrain, construit avec les moyens du bord.
A côté de cela, nous participons à des actions de sensibilisation et nous ouvrons notamment les portes du Refuge à l’occasion de la Fête de la Nature(1). Nous avons même organisé un rallye nature en 2020 ! Le principe du rallye est simple, il suffit de créer une équipe avec des amis puis, accompagnés par l’animateur nature, vous partez à la recherche d'indices qui vous permettront de découvrir la solution à l'énigme finale : cela peut-être de trouver le nom d’un insecte, d’une plante..., en effectuant un parcours. Les voisins, petits et grands sont invités à tout moment de l’année pour découvrir le jardin et mieux comprendre notre démarche. Nous avons même eu la visite d’élus. Notre Refuge LPO a été récompensé jardin « Trophée de la Biosphère du Marais Audomarois»(2) pour l’année 2020 ! C’est un encouragement et une satisfaction pour nous. Nous avons réussi et allons poursuivre notre démarche ! Alors pourquoi pas vous ?
1-La Fête de la Nature est événement national sur la protection de la biodiversité auquel est associé la LPO. A travers la mise en place d’animations les membres Refuges qui le souhaitent peuvent ouvrir les portes de leur jardin pour inviter le grand public à une découverte de la faune et de la flore sauvages chez eux. Partout en France du 19 au 23 mai 2021.
2- Les « Trophées de la biosphère » sont organisés chaque année par les Réserves de biosphère françaises et l’UNESCO. Ces trophées priment annuellement des initiatives d’acteurs locaux. Ils permettent de promouvoir des initiatives originales dans le domaine du développement durable, menées par des acteurs des Réserves de biosphère.
Année de réalisation : 2018