Suite à la parution dans différents médias locaux d'un article intitulé "le dépeçage d'un mouton par des Vautours Fauves" en Corrèze, nous souhaitons apporter quelques précisions et amener quelques éléments de rigueur scientifique nécessaires à la compréhension des "faits rapportés pour permettre une interprétation objective du phénomène.
Au-delà de la légitime angoisse de l’éleveur et pour rectifier et/ou compléter certaines affirmations hâtives contenues dans ces médias locaux, la LPO Limousin tient à préciser les éléments suivants :
- La présence de Vautours fauves n’est pas une nouveauté en Limousin. Il est vrai qu’à force de persécutions pendant des siècles, les hommes étaient parvenus à les éradiquer d’une grande partie de leur aire originelle de répartition. En France par exemple, ils ne subsistaient plus que dans les Pyrénées jusqu’à ce que, à la fin des années 1970, une tentative de réintroduction soit tentée sur les Causses où les derniers avaient été abattus et empoisonnés dans les années 1940; l’opération couronnée de réussite a fait que ces grands oiseaux charognards n’ont été absents du ciel du Massif-Central que pendant une quarantaine d’années. Ce sont donc des oiseaux essentiellement originaires des gorges du Tarn et de la Jonte qui depuis lors font des visites de plus en plus régulières chez nous depuis la première observation en 1994. Ils n’ont donc pas 500 km à faire mais environ 200, ce qui n’est pas grand-chose pour eux quand le vent et les courants sont porteurs. C’est ainsi que plus de 30 observations de Vautours fauves ont été faites en Limousin en 2020 et qu’en 2021 on en est déjà à une douzaine.
- Ces oiseaux sont en effet majoritairement des jeunes dans la mesure où l’espèce ne se reproduit qu’au-delà de sa quatrième année. Entre leur envol et leur « majorité », ils explorent leurs territoires à la recherche de nourriture et de lieux où s’établir. Par contre ce sont des détails du plumage et non leur taille qui indiquent l’âge de l’oiseau : les jeunes vautours en âge de voler atteignent au moins la même taille que leurs parents : leur envergure dépasse 2,20m (et pas 1,7…).
- Les agents de l’Office Français de la Biodiversité n’ont certainement pas pu « certifier » que la brebis avait été « attaquée » par les oiseaux. Tout au plus ont-ils pu constater que le pauvre animal avait été consommé par eux, ce qui correspond parfaitement au rôle des vautours dans la nature et a déjà été observé en plusieurs endroits de la Corrèze et du Limousin ces dernières années.
- Enfin, la LPO tient à souligner le fait que rien dans l’état actuel des choses ne prouve ni ne suggère le moindre changement ou la moindre « adaptation » dans le comportement des Vautours. Adaptation à quoi d’ailleurs ?
- Si leur retour, aidé par les hommes qui les en avaient fait disparaitre, a si bien marché c’est que les activités pastorales qui prévalent encore dans le Massif Central, ajoutées à l’abondance de grands mammifères fournissent régulièrement aux Vautours les cadavres dont ils ont besoin et qui leur confère leur mission d’éboueurs de la nature. Ce sont en effet des oiseaux spécialisés à l’extrême dans la consommation d’animaux morts, généralement de grande taille, et non des prédateurs. Leur action d’élimination des carcasses en font ainsi de précieux auxiliaires des activités d’élevage dans les massifs montagneux.
- Il est évident que, pour un éleveur qui assiste à ces curées inhabituelles, cela constitue un choc. Choc qui est d’autant plus important que les conditions d’élevage sont souvent difficiles et la précarité croissante dans l’élevage extensif. La détresse de ces agriculteurs est réelle et légitime et n’est donc pas à remettre en question. En revanche, la nature des témoignages récoltés doit être analysée avec la plus grande rigueur, notamment la manière dont leurs observations sont interprétées et retranscrites.
C’est pour éviter les mauvaises interprétations et les conclusions hâtives que nous continuons de dire qu’il faut que des expertises ou contre-expertises indépendantes puissent être réalisées de façon rapide et efficace afin de trouver des solutions adaptées permettant de protéger le bétail comme les vautours.
La LPO continuera d’agir aux côtés des éleveurs pour le maintien de ces activités traditionnelles qui façonnent nos paysages et notre environnement depuis des millénaires et ce dans le respect de la biodiversité.
Le Comité Territorial de la LPO Limousin