[Méga-bassines] L’État passe en force, les associations restent mobilisées

Actualité

Les associations restent unies et engagées pour une meilleure répartition de l'eau, pour une meilleure préservation de cette ressource commune et de la biodiversité, et renouvellent leur demande d’un moratoire sur les projets de réserves de substitution.

 

Communiqué de presse du collectif d’associations engagées dans les recours contre les 93 « réserves de substitution » (méga-bassines) du Poitou-Charentes

En mars 2023, quelques jours avant les événements de Sainte-Soline, les associations soussignées faisaient le point dans un communiqué de presse sur leurs recours entrepris contre les méga-bassines en Poitou-Charentes. Aujourd’hui, nous déplorons de nouveau le passage en force de l’État pour imposer ces méga-bassines, soumettant l’intérêt général à l’intérêt de quelques-uns. La violence commence ici, dans l’accaparement de l’eau !

 

1. Le rôle ambigu des services de l’État

Dans nos recours et dans les instances de l’eau, c’est bien l’État qui, manquant à son devoir de neutralité et à son rôle de médiation, agit pour pérenniser l’irrigation intensive d’une minorité d’exploitations agricoles au détriment des milieux, de l’eau potable, des agriculteurs non connectés aux méga-bassines, des autres usagers économiques, de l’environnement et de la nature en général.

Ce passage en force se caractérise ainsi pour les quatre réserves, dites de substitution, construites ou en cours de construction en Deux-Sèvres :
• Mauzé-sur-le-Mignon : le remplissage de la première méga-bassine est entrepris en décembre 2022 alors que le Mignon est à sec ! Démonstration que les seuils permettant le remplissage sont parfaitement inadaptés.
• Sainte-Soline : alors que les travaux sont commencés, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) s’autosaisit du dossier pour évaluer si une demande préalable de dérogation espèces protégées aurait été nécessaire. La conclusion est sans appel « les arrêtés préfectoraux d’autorisation de 2017 et de 2020 auraient dû être précédés de la procédure de demande de dérogation espèces protégées ». L’État négligeant vis-à-vis du code de l’environnement !
• Priaires : possible conflit d’intérêt de Madame la maire de Val-du-Mignon, signataire du permis de construire et future bénéficiaire de la méga-bassine.
• Épannes : cette réserve, comme l’ensemble des 93 en Poitou-Charentes, pérennise un modèle agricole responsable du déclin de la biodiversité et, plus particulièrement, de l’avifaune de plaine composée des espèces busards cendré et Saint-Martin, œdicnème criard et outarde canepetière.

Plus généralement, le calendrier des travaux de construction des 16 réserves de la Sèvre Niortaise-Mignon étant validé dans une commission présidée par la Préfète des Deux-Sèvres, l’État soutient de fait les démarrages de travaux en ayant connaissance des contentieux juridiques en cours.

2. L’État garant de la concertation pour la gestion de l’eau

Dans d’autres territoires, pour obtenir les subventions publiques pour la construction des méga-bassines, des projets territoriaux pour la gestion de l’eau (PTGE) sont entrepris à la hâte. L'État par l'intermédiaire des préfets est garant de ces procédures de concertation. Les associations soussignées, qui s’impliquent à des degrés divers dans ces PTGE, ont des exigences :
• L’État doit faire respecter le cadre des instructions gouvernementales et des textes et règlements en vigueur.
• Les études sur les volumes prélevables et les débits biologiques doivent être intégrées dans les projets de PTGE pour être soumis aux Commissions Locales de l'Eau des SAGE.
• Avant toute validation, les associations exigent des engagements fermes de la profession agricole sur des économies d'eau et sur des mesures agroenvironnementales chiffrées et planifiées, avec notamment des mesures spécifiques sur les aires d'alimentation des captages en eau potable, ainsi que sur les zones humides et zones soumises à des protections règlementaires (Natura 2000, Arrêtés préfectoraux de protection de biotope, Arrêtés de protection des habitats naturels, …).

Nous sommes, par exemple, particulièrement vigilants sur le PTGE du Clain où le portage a été confié au Conseil Départemental de la Vienne, qui persiste dans son déni quant à l’état préoccupant de la ressource en eau tel que révélé par les études scientifiques. Sur ce bassin, 41 méga-bassines sont en projet (Auxances, Clain moyen, La Clouère, Dive–Bouleure–Clain amont et La Pallu). Or, le Conseil Départemental et le Préfet de la Vienne ont exercé une très forte pression sur l’EPTB Vienne qui avait accepté le principe d'un pilotage du PTGE et qui, de ce fait, y a renoncé.

3. Les données scientifiques remises en cause au profit de l’irrigation

L’état des masses d’eau en Poitou-Charentes est catastrophique. À l’exception de quelques fleuves côtiers, tous les bassins sont classés en Zone de Répartition des Eaux (ZRE), classement justifié par un déséquilibre entre les usages et la ressource en eau. Nous « fêtons » en 2024 les 30 ans de ces classements ZRE pour bon nombre de bassins et, malheureusement, nous ne voyons pas de sortie de crise avant de nombreuses années !

Les études scientifiques, études Hydrologie-Milieux-Usages-Climat (HMUC) pour le bassin Loire-Bretagne et autres études basées sur des débits biologiques pour le bassin Adour-Garonne, démontrent les unes après les autres cet état alarmant de la ressource en eau. Cependant, ces études tant attendues, sont sans cesse repoussées et contestées par les irrigants, voire par les représentants de l’État.
Citons, par exemple :
• La Commission Locale de l’Eau (CLE) du SAGE Clain du 7 juin 2023 où le Préfet de la Vienne et le Conseil Départemental de la Vienne se sont opposés à la validation de l’étude HMUC sur ce sous-bassin, souhaitant in fine beaucoup plus d'eau pour l'irrigation agricole que ce que préconise l’étude.
• La Commission Locale de l’Eau (CLE) du SAGE Charente où, dans la révision des seuils estivaux sur l’Aume et la Couture, les scénarios les plus restrictifs pour l’irrigation ont mystérieusement disparu.
• Sur le bassin du Curé, l’étude HMUC est tout simplement impossible à réaliser par les méthodes classiques car les appareils de mesure des niveaux d’eau n’ont jamais été installés.

4. Notre engagement reste intact

Notre collectif dresse en Annexe 1 l’état des recours contre les 93 méga-bassines en projet dans le Poitou-Charentes et rappelle les raisons de son engagement :
• Il ne s’agit pas de substitution parce que les réserves permettront de prélever des volumes d’eau d’irrigation supérieurs à ceux prélevés actuellement, alors que la ressource en eau diminue.
• Il s’agit de l’accaparement de volumes d’eau colossaux par quelques exploitants au détriment d’un accès raisonnable et équitable à l’eau pour tous les usagers. Rappelons que les irrigants ne représentent qu’entre 6 et 10% des agriculteurs alors qu’ils consomment 58% de l’eau douce en France (Chiffres 2010-2019 https://www.notre-environnement.gouv.fr/).
• Les projets, par leurs dimensions, font courir un risque à la ressource en eau, au détriment des milieux naturels et de l’approvisionnement en eau potable.
•    Les pompages massifs dans les nappes, mêmes hivernaux, conduiront à détériorer encore plus les milieux aquatiques et leur cortège de biodiversité : poissons, amphibiens, odonates…
• Le modèle agricole sous-jacent aux projets impactera significativement l’avifaune de plaine (outarde canepetière, œdicnème criard, busards cendré et Saint-Martin), espèces patrimoniales qui ont motivé pour leur protection la création de neuf sites Natura 2000 sur le territoire picto-charentais.
• Les études d’impact des projets sont insuffisantes, inadaptées aux enjeux locaux et le niveau de respect de la réglementation européenne concernant les sites Natura 2000 pose question.
•    L’usage de l’eau pour l’irrigation doit avoir une contrepartie sérieuse en matière d’agroécologie, ce qui n’est pas réellement prévu dans les projets actuels. La façon dont les « protocoles d’accord » Sèvre niortaise-Mignon et Clain ont été établis et mis en œuvre jusqu’à présent ne peut qu’inquiéter quant à la sincérité des promoteurs des projets concernés. Les engagements pris par les bénéficiaires de méga-bassines ne sont pas à la hauteur des enjeux.  Ce point a été clairement mis en évidence dans l’étude indépendante commandité par le Comité de Bassin Loire Bretagne et restituée fin 2023.
•    Les projets représentent une mal-adaptation aux changements climatiques et une contribution supplémentaire au déclin de la biodiversité.

Les associations soussignées renouvellent leur demande d’un moratoire sur les projets de réserves de substitution.

Retrouvez-ci-dessous les détails des recours contre les 93 réserves de substitution du Poitou-Charentes

 

Les signataires :

L’Association agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises,
L’Association de Défense de l’Environnement de Migné-Auxances (ADEMA),
L’Association de Protection, d’Information, d’Etude de l’Eau et son Environnement (APIEEE),
L’Association Protection et Avenir du Patrimoine en Pays d’Aigre et en Nord Charente (APAPPA),
La Confédération paysanne de la Vienne,
La Fédération Poitou-Charentes Nature (PCN),
La Fédération de Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu Aquatique,
La Fédération des Deux-Sèvres des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA),
Le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS),
La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO),
Nature Environnement 17 (NE17),
SOS Rivières et Environnement,
UFC Que choisir de la Vienne,
Vienne Nature.

Documents à télécharger

Annexe CP 24-06 Collectif Recours contre les réserves de substitution du Poitou-Charentes
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