Les intimidations et invectives vont-elles stopper le changement climatique ?
Certains semblent le croire. Ce sont les auteurs de menaces contre François Bock et Jérémie Godet, respectivement vice-président et président de l’EPTB Vienne, structure porteuse de l’étude HMUC. Nous exprimons à ces deux élus notre pleine solidarité. Rien ne peut justifier ces agissements et nous regrettons que le report de 9 mois du vote de HMUC1 par la CLE2 du SAGE3 Clain semble récompenser les pressions exercées depuis plus d’un an sur ce malheureux « Parlement de l’eau »4.
Le 12 septembre 2024, pour la deuxième fois après une première tentative le 7 juin 2023 (voir notre communiqué de presse), les membres de la CLE ont reporté sous la pression de gros irrigants le vote de cette étude scientifique HMUC à la fin du premier semestre 2025.
De quoi l’étude HMUC est-elle donc coupable ?
De quantifier la diminution des volumes d’eau mobilisables qu’il faut désormais partager équitablement entre tous les usages, sous bassin par sous-bassin, été et hiver, mois par mois, eaux superficielles et souterraines. Elle est le socle scientifique et technique qui permet enfin de bâtir sur du solide des solutions d’adaptation au changement climatique afin de sécuriser l’eau potable, de remettre les milieux en bon état et de garantir de l’irrigation aux productions agricoles destinées à l’alimentation humaine et à l’élevage. Il est urgent d’appliquer les mesures techniques listées par l’étude HMUC ; producteurs d’eau potable et
agriculteurs ont besoin de visibilité. Alors pourquoi attendre ?
Achevée depuis deux ans, l’étude HMUC est un acquis : elle n’a pas à être votée ! La justice administrative en a pris acte dans son jugement sur les projets de méga-bassines de La Pallu. Le Préfet l’a rappelé lors de la dernière CLE alors même qu’il prétend lui apporter des « correctifs ».
Alors pourquoi tant de bruit et de fureur pour retarder ce vote ?
Le lobby des méga-bassines a d’abord compté sur une étude partiale sur l’économie agricole du territoire du Clain pour réviser les résultats d’HMUC au motif qu’ils ne sont pas compatibles avec le modèle d’irrigation agricole dominant, considéré comme le seul possible.
Ce détricotage d’HMUC étant aujourd’hui exclu, ces lobbyistes cherchent simplement à gagner du temps pour ne rien changer. Ils visent à retarder le moment d’intégrer les résultats d’HMUC dans le SAGE Clain. Ils n’ont pas d’autre projet que de pomper jusqu’à ce que les coupures d’eau potable, les assecs de rivières et les vidanges précoces des nappes imposent en catastrophe des changements qui n’auront pas été préparés.
Nous ne voulons pas de cette politique du pire
Une étude socio-économique indépendante des lobbies et de l’État sera la colonne vertébrale du véritable Projet de Territoire de Gestion de l’Eau (PTGE) que nous réclamons depuis 2015. D’abord un état des lieux s’impose sur les coûts des impacts de l’agriculture intensive pratiquée aujourd’hui dans le bassin du Clain sur la qualité de l’eau, la santé publique et la biodiversité. Une étude prospective précisera les avancées sur les emplois et les revenus agricoles qu’aura le passage à un système de production agricole sobre en eau et en intrants chimiques. Elle définira les conditions de faisabilité économique, technique et d’accompagnement des agriculteurs qui permettront le nécessaire recentrage de l’irrigation sur des filières alimentaires à forte
valeur ajoutée qu’il conviendra de créer ou de développer. Elle traitera de tous les enjeux économiques, eau potable et biodiversité compris.
Le 12 septembre 2024, la CLE du SAGE Clain s’est sabordée. Elle a reconnu son incapacité à débattre et à décider. Sous les pressions, elle se met en sommeil pour près d’un an, en pleine tourmente. Et pourtant ça urge de toutes parts.
Que faut-il de plus pour démontrer qu’il faut changer de gouvernance ?
Un parlement de l’eau digne de ce nom sera représentatif avec une participation à parts égales des trois grands blocs d’intérêts en jeu : eau potable ; milieux naturels ; usages (agricoles comme industriels). Il ne sera l’outil ni des services de l’État, ni d’un syndicat agricole, ni d’une poignée d’exploitants qui n’expriment pas les besoins des 800 fermes irrigantes, ni ceux des 4 000 fermes de la Vienne.
Nous rappelons que, dans les limites de ce que permettaient les chiffres, les choix nécessaires à la réalisation de l’étude HMUC ont toujours été très favorables à l’irrigation et que l’hypothèse climatique (plus un degré en 2050) est antérieure à l’accélération du changement climatique que nous connaissons aujourd’hui. Raison de plus pour se mettre tout de suite au travail et choisir collectivement des solutions d’économie d’eau qui pourront s’adapter à l’évolution du volume prélevable.
1 Hydrologie Milieux Usage Climat
2 Commission Locale de l’Eau
3 Société Coopérative Anonyme de Gestion de l’Eau
4 Nom abusivement donné à la CLE pour faire croire à un semblant de démocratie (cf. article du Monde intitulé "La démocratie de l’eau, une promesse inachevée" (6/09/24))
Associations signataires :
Confédération Paysanne Vienne
LPO Poitou-Charentes
UFC-Que Choisir 86
Vienne Nature
Communiqué de presse inter-associatif du 26 septembre 2024