En accord avec l’avis du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), nous portons plainte pour destruction de 17 hectares d’habitat d’une espèce protégée du fait des travaux exécutés sur la méga-bassine de Sainte-Soline en l’absence de dérogation espèce protégée.
Depuis 2018, nos associations sont engagées dans des recours administratifs contre le projet des 16 réserves de substitution sur la Sèvre Niortaise. Si nous dénonçons des impacts en termes de gestion de l’eau, nous signalons également des atteintes à la biodiversité. La localisation de certains ouvrages est en effet problématique au regard de la préservation d’espèces protégées.
Tel est le cas de la méga-bassine de Sainte-Soline, dite « SEV15 ». D’une surface de 160 894 m², cet ouvrage se situe sur un habitat sensible abritant des espèces protégées (Outarde canepetière, Busard cendré, Courlis cendré, Œdicnème criard …).
À ce titre, conformément au code de l’environnement, nos associations soulignent depuis des années la nécessité pour le porteur de projet de déposer une demande de « dérogation espèce protégée » conformément à l’article L.411-2 du code de l’environnement. Le respect de cette procédure n’aurait pas porté atteinte à l’existence de la bassine mais aurait permis de mettre en place des mesures compensatoires adéquates pour compenser la perte d’habitat du fait de la construction de la bassine de Sainte-Soline.
Le porteur de projet, la Société Coopérative Anonyme de l'Eau des Deux-Sèvres, a toujours refusé de déposer une telle demande. Les Préfectures ne l’ont pas non plus imposé.
Or, après s’être auto-saisi du dossier, le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) a rendu un avis le 22 novembre 2023 sur les enjeux biodiversité entourant la méga-bassine de Sainte-Soline (voir l'avis du CNPN en bas de page).
Dans cet avis, les experts du CNPN ont démontré que les impacts directs et indirects sur l’Outarde canepetière étaient bien réels. Le CNPN en a déduit, d’une part, qu’il aurait dû être sollicité par le porteur de projet et, d’autre part, qu’une dérogation espèce protégée aurait dû être déposée et obtenue avant tout travaux.
Sur la base de cet avis du CNPN, le 3 janvier 2024, nos associations ont déposé plainte pour destruction de 17 hectares d’habitat protégé auprès du Procureur de la République du Tribunal Judiciaire de Niort du fait des travaux exécutés sur la méga-bassine de Sainte-Soline en l’absence de dérogation espèce protégée. Il s’agit d’un délit prévu à l’article L.415-3 du code de l’environnement.
Des enjeux biologiques forts
Les dernières outardes migratrices en Europe ne subsistent que dans le centre-ouest de la France (Poitou-Charentes, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire et Indre). Pourtant, lors du recensement national de 1978-1979, cette population était évaluée à 6 800 mâles sur les terres agricoles céréalières du centre-ouest à l'est de la France. 22 ans plus tard, lors du recensement de 1999-2000, seulement 460 mâles ont été dénombrés, soit un déclin de 94 %. Pour protéger cette espèce, des mesures agro-environnementales (MAE) sont mises en place depuis les années 2000. Nous remercions les agriculteurs engagés dans les MAE qui ont permis de stabiliser l’effectif autour de 350 mâles chanteurs.
La commune de Sainte-Soline et la réserve dite « SEV15 » se situent dans une Zone de Protection Spéciale (ZPS/Natura 2000) désignée pour la protection de l’avifaune de plaine et pour l’Outarde canepetière. Les outardes nichant à proximité de la zone d’emprise de SEV15 fréquentent régulièrement cette zone d’emprise, comme l’attestent les suivis GPS (voir carte ci-dessous ; Données sur trois outardes équipées).
Plus généralement, en plus d’impacter les espèces protégées, nous considérons que les 93 méga-bassines en projet dans le Poitou-Charentes permettront de pérenniser le modèle agricole responsable du déclin de la biodiversité comme le montre l’étude [1] du CNRS et du MNHN à l’échelle européenne.
Des noyaux de populations d’outardes subsistent dans certaines zones éligibles aux mesures MAE mentionnées ci-avant (voir les zones vertes sur la carte ci-dessous). Ce zonage couvre les 9 ZPS/Natura 2000 « oiseaux de plaine » et les territoires où l’outarde est potentiellement ou a été historiquement présente.
L’Outarde canepetière est une espèce philopatrique : elle revient instinctivement à l'endroit où elle est née pour se reproduire. Par conséquent, le renforcement des populations passe nécessairement par le maintien des zones de reconquête favorables pour l’espèce : zonages MAE et leur périphérie. Nous observerons tous les autres projets de réserves avec la même attention.
Nous sommes prompts à vouloir sauver des espèces en danger à l’autre bout de la planète… nous en avons une à sauver en Poitou-Charentes !
- Les signataires :
L’Association agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises,
L’Association de Protection, d’Information, d’Etude de l’Eau et son Environnement (APIEEE),
La Fédération Poitou-Charentes Nature (PCN),
La Fédération de Charente-Maritime pour la pêche et la protection du milieu Aquatique,
La Fédération des Deux-Sèvres des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA),
Le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS),
La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO),
Nature Environnement 17 (NE17),
SOS Rivières et Environnement,
Vienne Nature.
[1] https://www.cnrs.fr/fr/presse/lintensification-de-lagriculture-est-lorigine-de-la-disparition-des-oiseaux-en-europe