Le Blaireau européen (Meles meles) est inscrit en tant qu’espèce protégée au sein de l’annexe III de la convention de Berne. Pourtant, la chasse du blaireau n’est pas interdite et l’espèce est classée comme "gibier" en France (en application de l’arrêté ministériel du 26 juin 1987). Il est donc possible de chasser le blaireau par les méthodes autorisées dont la "vénerie sous terre"* (déterrage) pendant la période d’ouverture générale de la chasse du 15 septembre au 15 janvier.
En 2022, en plus de la période "classique", la préfète de la Loire engage une démarche qui lui permet d’octroyer aux chasseurs une période dite "complémentaire" de chasse au blaireau du 1er juin au 15 août 2022 par la méthode du déterrage alors que cette même période complémentaire n’est plus accordée dans de nombreux départements français.
Les populations de blaireaux sont fragiles, elles souffrent de la disparition de leurs habitats (haies, lisières, prairies…) et sont fortement impactées par le trafic routier. Au cours des cinq dernières années 2017-2021, chaque année en moyenne à minima 31 blaireaux ont été victimes de collisions routières dans la Loire.
Alors pourquoi permettre l’abattage des blaireaux sur une période printanière et estivale complémentaire ?
Le blaireau, bouc émissaire selon le CSPNB
Le blaireau est accusé :
- de causer des dégâts agricoles
- d’endommager les infrastructures hydrauliques ou de transport ainsi qu’entrainer des dommages au matériel agricole (effondrement des galeries au passage d’engins)
- de propager la tuberculose bovine
Selon l’avis du Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel et de la Biodiversité (CSPNB) rendu le 02 juin 2016, "en ce qui concerne les dégâts aux cultures et aux machines agricoles, il s’agit d’abord de mieux identifier la part respective due effectivement aux blaireaux, (…) la protection des champs par des clôtures, la constitution de terriers artificiels ou encore l’indemnisation des dégâts pourraient atténuer l’impact sur les agriculteurs et diminuer significativement le nombre de réactions violentes vis-à-vis du blaireau, devenu un bouc-émissaire. Actuellement, sans évaluation précise des dégâts de ce type effectivement causés par des blaireaux, et chiffrage actualisé de leurs conséquences économiques réelles, rien à ce jour ne justifie pour ce motif des campagnes d’abattage massif de ces animaux".
Selon le même avis, "aucune information scientifique ne permet d’établir que les risques de fragilisation des digues et des talus SNCF sont importants et peuvent être généralisés."
En tout état de cause, si des blaireaux étaient incriminés dans la réalisation de dégâts agricoles ou aux infrastructures, ce qui n’est à l’heure actuelle pas documenté dans la Loire, des solutions alternatives aux destructions existent pour la cohabitation ou l’éloignement.
Par ailleurs, depuis 2001, la France est considérée comme "officiellement indemne de tuberculose bovine" par l’Union européenne, malgré la persistance chaque année d’une centaine de foyers en élevage. Or, comme le précisait en 2019 l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), "dans les zones indemnes, l’élimination préventive des blaireaux (et autres espèces sauvages) ne peut en aucun cas être justifiée au motif de la lutte contre la tuberculose".
De plus, dans le cadre de la lutte contre la tuberculose bovine, l’article 7 de l’arrêté ministériel du 7 décembre 2016 relatif à certaines mesures de surveillance et de lutte contre la tuberculose lors de la mise en évidence de cette maladie dans la faune sauvage énonce, parmi les mesures de prévention dans les zones à risque, "[l’]interdiction de la pratique de la vénerie sous terre pour toutes espèces dont la chasse est autorisée en raison du risque de contamination pour les équipages de chiens".
Une atteinte illégale aux jeunes blaireautins et aux habitats de certaines espèces protégées
Le blaireau est une espèce dont la période d’élevage des jeunes s’étend de janvier à juillet (DO LINH SAN, 2002 et 2006 et BOYAVAL, 2010) alors que l’émancipation totale des parents n’interviendrait pas avant le mois de septembre (LONG & KILLINGLEY, 1983).
Ces données montrent que la période complémentaire de chasse au blaireau à partir du 1er juin est contraire au code de l’environnement car elle porte atteinte aux petits du blaireau, ce qui est interdit par la loi (article L 424-10 du code de l’environnement).
Par ailleurs le déterrage n’est pas non plus sans conséquences pour d’autres espèces animales protégées. En effet, une fois les déterrages réalisés, les terriers se trouvent fortement dégradés.
Or ces derniers sont régulièrement utilisés par d’autres espèces, dont certaines sont réglementairement protégées (arrêtés du 23 avril 2007) et pour lesquelles la destruction de l’habitat constitue une infraction, comme le Chat forestier (Felis silvestris) présent dans la Loire sur au moins 70 communes (TRANCHAND, 2021) ou le Petit Rhinolophe (Rhinlophus hipposideros)… En effet, cette espèce de chiroptère, présente dans la Loire, est connue pour utiliser des terriers de blaireau lors de ses périodes de transit (Groupe Chiroptères de la LPO Rhône-Alpes, 2014).
Une consultation publique est en cours
Mobilisons-nous pour dire non à la période complémentaire 2022 de chasse du blaireau dans la Loire en répondant à la consultation publique avant le 03 mai 2022.
Arguments que vous pouvez reprendre dans vos dépositions à la consultation publique :
/!\ Attention à ne pas les copier à l’identique sous peine d’être invalidés
Bien qu’inscrite en tant qu’espèce protégée au sein de l’annexe III de la convention de Berne, sa chasse n’est pas interdite et l’espèce est classée comme "gibier" en France. Il est donc possible de chasser le blaireau par les méthodes autorisées pendant la période d’ouverture générale de la chasse du 15 septembre au 15 janvier.
La chasse de printemps est contraire aux exigences biologiques des espèces. Chasser une espèce pendant sa période de reproduction est un non-sens biologique. La vénerie sous terre est une chasse cruelle. Elle dure des heures. Elle fait souffrir les animaux, dont notamment des jeunes. Elle va à l’encontre du rejet de plus en plus fort par notre société de la souffrance animale et de sa demande croissante de la prise en compte du bien-être animal.
La période complémentaire de la chasse au blaireau proposée dans la Loire semble illégale au regard de la loi. En effet, l’article L. 424-10 du code de l’environnement dispose : "Il est interdit de détruire, d’enlever, de vendre, d’acheter et de transporter les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée, sous réserve des dispositions relatives aux animaux susceptibles d’occasionner des dégâts."
Il s’agit d’une interdiction permanente, le blaireau n’est pas juridiquement une "Espèce animale susceptible d’occasionner des dégâts" (ESOD), mais une espèce gibier dont la période de reproduction et d’élevage des jeunes s’étend de janvier à juillet (DO LINH SAN, 2002 et 2006 et BOYAVAL, 2010). C’est à partir de septembre que les jeunes sont pleinement indépendants et s’émancipent (LONG & KILLINGLEY, 1983).
Ces données publiées tendent à prouver que la période complémentaire de chasse au blaireau à partir du 1er juin est contraire au code de l’environnement car elle porte atteinte aux petits du blaireau, ce qui est interdit par la loi.
La chasse au blaireau prétend répondre à un besoin de régulation, alors même que cette supposée nécessité de régulation ne s’appuie sur aucune donnée dûment documentée ou scientifique.
Or, le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB) estimait en 2016 qu’ "en ce qui concerne les dégâts aux cultures et aux machines agricoles, il s’agit d’abord de mieux identifier la part respective due effectivement aux blaireaux, (…). Actuellement, sans évaluation précise des dégâts de ce type effectivement causés par des blaireaux, et chiffrage actualisé de leurs conséquences économiques réelles, rien à ce jour ne justifie pour ce motif des campagnes d’abattage massif de ces animaux."
La tuberculose bovine, dont le blaireau peut être porteur, n’est pas actuellement présente en Loire et comme le précisait en 2019 l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), dans les zones indemnes, l’élimination préventive des blaireaux (et autres espèces sauvages) ne peut en aucun cas être justifiée au motif de la lutte contre la tuberculose.
Enfin, la vénerie sous terre contribue, malgré les précautions prises, à détruire les gites d’autres espèces protégées comme le Chat forestier et le Petit Rhinolophe qui utilisent parfois des terriers de blaireaux ou d’autres espèces très utiles comme le renard, principal moyen de lutte biologique contre la prolifération des campagnols.