En effet dans sa démarche, le Préfet de la Savoie n’a apporté aucune donnée objective et concrète sur les espèces de poissons menacées, leur évolution, la part des prélèvements attribuable au Grand cormoran sur les différents cours d’eau, soit la preuve des risques qu’il ferait courir sur les poissons protégés.
Pour autant, les suivis réalisés par la LPO Auvergne-Rhône-Alpes montrent que la seule colonie savoyarde de grands cormorans est passée de 90 individus en 2012 à une soixantaine actuellement, et font également le constat de la présence du Gand-duc d'Europe, hibou prédateur du Grand cormoran.
Pour rappel, le Grand cormoran est une espèce protégée mais des dérogations peuvent être accordées aux Préfets.
L'annulation de cet arrêté est une victoire pour la LPO, mais qui ne rendra pas à la vie les oiseaux abattus. L'association espère que de tels arrêtés ne seront pas repris dans les prochaines années, sans fondement avéré des dégâts que pourraient causer ces majestueux oiseaux des zones humides.
La situation piscicole en Savoie
En Savoie, le mauvais état global des populations de poissons est bien antérieur à l’arrivée, au développement, et à la dispersion du Grand cormoran dans le département.
Il est la conséquence de grands travaux d’endiguement des principaux systèmes alluviaux (Isère, Arc) dès le 19ème siècle, du développement massif de l’industrie lourde (électrochimie, électrométallurgie) au début du 20ème siècle (aménagement, captage de cours d’eau, pollutions) et de la construction des grands barrages hydroélectriques en montagne après la seconde guerre mondiale (captage d’une multitude de cours d’eau, modification radicale de la physionomie des cours d’eau en aval, des régimes hydriques, des débits solides), puis en plaine (aménagement du Rhône à partir des années 1980).
Les populations de poissons ont également subi la destruction des zones humides, la multiplication des obstacles aux déplacements et à l’accès aux frayères, diverses pollutions, les extractions de granulats dans le lit des cours d’eau, les lâchers massifs de poissons d’élevage (qui ont conduit la truite commune, souche méditerranéenne, au statut d’espèce « en danger critique d’extinction ») etc.
En conséquence, les seuls moyens efficaces pour retrouver des populations de poissons en bon état de conservation passent par la restauration des habitats et la maîtrise des pollutions.