La plage est à tout le monde, … même aux oiseaux

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Bécasseaux sanderling © Patrick Beaurain

Dans nos régions, l’être humain est présent partout mais, sait-il laisser de la place, instinctivement, à d’autres êtres vivants que lui, notamment sur les plages ? Et bien cela ne semble pas toujours évident.

À l’image d’Hubert Reeves, qui a intitulé un de ses livres « J’ai vu une fleur sauvage », chacun des usagers des grèves pourrait relater « J’ai vu un oiseau sauvage ».

Et, bien inspiré, il pourrait poursuivre:

« J’ai même vu une nuée d’oiseaux sauvages, parfaitement coordonnés, à moins d’une aile d’écart les uns des autres ; Des dizaines, peut-être des centaines d’individus, exécutant leurs manœuvres comme un seul. À chaque revirement, ils offraient le blanc éclatant de leur ventre avant de se retourner encore, ne laissant plus voir alors que le gris de leur dos. Ils ont ondulé, viré et reviré au-dessus des vagues et se sont enfin posés sur le sable, au plus près de la ligne d’eau. À terre, ils épousaient parfaitement le ressac. Leurs incessants allers-retours et leur démarche mécanique leur donnaient des airs d’acteurs comiques du cinéma muet. Puis ils se sont à nouveau envolés en pépiant, je les ai regardé longuement passer la pointe jusqu’à les perdre de vue, complètement».

La plupart des usagers de la mer a déjà apprécié cette scène, il s’agit des bécasseaux sanderling, les voilà nommés. Et nommer les choses c’est essentiel pour connaître, reconnaître, aimer et protéger. Le bécasseau sanderling est un petit limicole, 50g à peine, qui se reproduit en arctique et qui vient passer le reste du temps sur nos côtes, soit de juillet à avril, environ. Ils sont très nombreux à faire de longs voyages comme lui et à venir chercher repos et nourriture sur le littoral à cette période. Parmi eux, on compte les autres espèces de bécasseaux, les pluviers, les courlis, les barges, les oies et les canards, et bien d’autres encore…

Mais derrière le spectacle magnifique de ces envols répétés, réside souvent un dérangement dû à l’humain. Ces perturbations prolongées sont cependant préjudiciables car coûteuses en énergie et peuvent même conduire les oiseaux à déserter des sites, pourtant favorables à leur alimentation ou leur repos. De très nombreux dérangements pourraient être évités à condition que leurs auteurs soient capables d’apprécier leur environnement comme un espace partagé et vivant. Celui capable de faire cet exercice se trouve grandi puisqu’il n’est non plus simple consommateur du lieu, pour sa beauté, ses ressources, etc, mais qu’il l’intègre en tant qu’être vivant et assume sa part de responsabilité pour que la nature vive.

D’avril à juillet, les enjeux sont élevés également, particulièrement sur les hauts de plage, dunes, cordons de galets et nombreuses zones arrière-littorales où peuvent nicher les gravelots, les huîtriers, les goélands, les sternes, les pipits et alouettes entre autres. Biologiquement c’est très différent, puisqu’il s’agit des oiseaux nicheurs, mais la philosophie est la même : Sommes-nous capables de prêter attention à la nature et de lui laisser de la place ? D’autant plus sur une zone très convoitée : le bord de mer ; Sommes-nous prêts à considérer la plage comme un lieu vivant à partager sans se sentir bafoué dans ses droits ? Et pourquoi pas le faire par plaisir et par fierté ? Fier d’avoir pris soin de ce qui est beau et fragile, soin de ce qui s’érode toujours plus sous les assauts des hommes, soin de ce qui nous est essentiel à l’échelle globale ?

Viviane Troadec