"La pointe du Vivier est un de mes « local patch » favori, les endroits où je viens le plus souvent possible observer les oiseaux, à cinq minutes en vélo de la maison, et à dix du bureau. Le spectacle y est toujours différent et captivant.
Les conditions météos prévues ce mercredi 28 décembre y étaient très favorables pour le seawatch (guet-à-la-mer en français : observation de la migration des oiseaux de mer depuis un point fixe), avec un vent de sud-ouest soutenu, des rafales entre 70 et 90kmh, et une mer très formée avec des creux de 4 à 5 mètres.
Mais il m’a fallu attendre 13h30 pour que la pluie ne cesse pas tout à fait, et aller y faire ma pause déjeuner, comme souvent. Un passage rapide à Port Maria pour m’acheter un sandwich me permettra d’observer 7 mouettes tridactyles à l’abri du vent, ce qui me laissait présager un bon passage d’oiseaux de mer.
En effet, un flux léger mais constant de fous de Bassans et de mouettes tridactyles offrait un beau spectacle, puis deux océanites culblanc et un océanite tempête passèrent à ras des rochers, ce fût ensuite au tour de deux phalaropes à bec large, de grands labbes, et des wagons d’alcidés, pingouins et guillemot de troïl. Il était 14h30, limite horaire que je m’étais fixé avant de retourner au bureau.
Trempé jusqu’au slip, les joues rosies par le vent et les embruns, je referme la housse de ma longue-vue, prêt à remonter sur mon vélo.
Mais comme à chaque fois, une petite voix me dit « Observe encore, les oiseaux ne s’arrêtent pas de passer... ». Alors je scanne mécaniquement aux jumelles une dernière fois la mer. Au cas où…
Extrêmement loin en direction de l’île de Groix, entre deux énormes vagues, un oiseau noir et blanc immense fait un orbe et disparait. Je dézippe frénétiquement ma longue-vue, sachant très bien ce que je viens de voir (je les connais par cœur les fous et les goélands marins, et ce n’était ni l’un ni l’autre), je cale mon œil dans l’oculaire, et le mets immédiatement dans le rond, un coup dessus, de longues ailes et une queue noires, un coup dessous, c’est noir et blanc, c’est bien un albatros que vois ! UN ALBATROS !
Une énorme montée d’adrénaline, je tremble frénétiquement en essayant d'emboiter mon adaptateur d’Iphone sur ma longue-vue en me disant « Concentres-toi et filme cet albatros ! » et tout en balançant quelques jurons. Je retrouve aux jumelles l’oiseau qui semble venir droit vers moi, il est immense, et réussi tant bien que mal à démarrer une vidéo.
UN ALBATROS !
J’aurais 3 minutes et 28 secondes de vidéos avant qu’il ne passe derrière le mur du bâtiment qui m’abrite du vent, hurlant régulièrement ma joie ! Je le suivrais aux jumelles au sud de la pointe du Vivier pendant encore 2 longues minutes avant de le perdre devant Beg er Vil.
J’ai dû suivre cet oiseau sur près de 4km, sous 90kmh de vent, le perdant de vue de longs moments derrière les vagues, et pas une fois, il n’a battu des ailes. Il était même plutôt paisible, descendant à l'aise plein sud face au vent, croisant, au plus proche, à 500m devant moi.
J’ai passé plus de cinq minutes avec un albatros sur son local patch, quel bonheur, un rêve de gosse ! "
Guillaume Bruneau