Mieux connaître les reptiles pour mieux les protéger

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Rédactrice : Adélaïde Vialla, chargée d'études naturalistes à la LPO Bretagne

Lézard des murailles © Dominique Jourdan

Qu’est-ce qu’un reptile et quelles sont ses particularités?

Un reptile est un animal vertébré à température variable, pourvu d’écailles et pondant des œufs. On y retrouve plusieurs sous-groupes comme les crocodiliens (crocodiles, alligators…) ou encore les tortues. Cet article présente les reptiles terrestres et indigènes en Bretagne : des lézards et des serpents du sous-groupe des squamates.

Pourquoi les reptiles «lézardent» au soleil?

Contrairement aux mammifères que nous sommes, les reptiles ne produisent pas de chaleur corporelle. Leur température interne va donc dépendre des conditions extérieures : température, ensoleillement, vent, humidité… Pour se réchauffer plus rapidement, ils vont s’exposer au soleil et se placer sur ou sous des éléments conduisant la chaleur comme des pierres ou du bois sombre. On peut parfois remarquer qu’ils étalent au maximum leur corps sur la surface qui les réchauffe.

Cette activité est capitale pour ces animaux : ils ont besoin de « faire le plein » de chaleur pour pouvoir se déplacer, pour chasser ou fuir si un danger se présente ou encore pour digérer leur repas ou développer leurs œufs pour les femelles.

Lorsque les températures sont trop basses, les reptiles entrent en « dormance » : ils se mettent à l’abri dans des espaces non soumis au gel et leur cycle ralentit. A l’inverse, si les températures augmentent beaucoup, ils ne sont pas capables de réguler leur température et peuvent y succomber. Ils vont là encore se mettre à l’abri, au frais, dans des trous de micromammifères ou des arbres creux par exemple.

Des déplacements limités

Les lézards et serpents ne sont pas de grands voyageurs, on peut même dire qu’ils sont plutôt casaniers ! La raison est simple : pour survivre, ils ont besoin d’une multitude d’éléments pour se cacher, se réchauffer rapidement, se mettre à l’abri du froid et des fortes chaleurs, chasser, se reproduire… Ils ne se déplacent pas très rapidement et sont aussi des proies. Ils vont donc dépendre de corridors biologiques pour réussir à se déplacer et coloniser de nouveaux espaces.

Que mangent-t-ils?

Les reptiles ont une grande diversité de proies selon leur taille. Ainsi, les lézards et les jeunes serpents dévorent principalement des invertébrés (criquets, limaces, coléoptères…). Les serpents consomment principalement des micromammifères comme les mulots ou les campagnols. Ils vont cependant varier leur régime alimentaire selon leur écologie.

Ainsi la Couleuvre vipérine, très bonne nageuse et liée à l’eau va consommer beaucoup de petits poissons et des amphibiens. La Couleuvre helvétique qui apprécie les zones humides peut aussi consommer des amphibiens et des poissons si elle évolue dans un espace favorable à ces animaux. La Couleuvre d’Esculape est une grimpeuse et ajoute ainsi à son panel de proies les oiseaux et les oisillons. Les reptiles peuvent enfin consommer d’autres reptiles. La Coronelle lisse chasse volontiers les lézards assez petits pour être avalés par exemple.

Les serpents sont-ils dangereux ?

Comme la majorité des animaux sauvages, les serpents ne sont pas des animaux agressifs et évitent les conflits. Ils ne vont pas chercher à mordre des êtres de grande taille sans raison. De manière générale, les reptiles fuient les humains et mordent seulement s’ils se sentent menacés, si par exemple, on les manipule ou si on leur marche dessus.

On compte 5 espèces de serpents autochtones en Bretagne. Une seule est venimeuse : la Vipère péliade. Elle n’injecte pas son venin à chaque morsure : sans venin, ses capacités de chasse sont réduites. La production de ce venin lui demande par ailleurs beaucoup d’énergie. On parle alors de morsure blanche ou sèche. Cette espèce est la seule qui peut représenter un danger pour l’être humain, notamment les personnes ayant des fragilités. On compte plusieurs centaines de morsures par an en France tandis que les données de décès sont moins documentées (1 décès tous les 5 à 10 ans).

Les morsures de serpents sont néanmoins rares. On observe bien plus de cas de piqures d’insectes ou de morsures de chien que de morsures de serpent.

Petit manuel pour ne pas se faire mordre par un serpent:

Pour limiter les risques de morsures, plusieurs actions simples sont possibles :

  • Porter des chaussures couvrantes et un pantalon : on évitera d’aller cueillir des mûres en claquettes par exemple.
  • Privilégier les chemins et éviter les herbes hautes.
  • Regarder où on pose les pieds.
  • Taper le sol avec ses pieds ou un bâton pour créer des vibrations et prévenir les serpents de notre venue.
  • Ne pas attraper ou s’approcher inutilement d’un serpent pour le prendre en photo par exemple.

 Pourquoi protéger les reptiles ? 

Ces animaux rencontrent de nombreuses menaces et disparaissent peu à peu. Par exemple, 92% des Vipères d’un secteur de Loire-Atlantique ont disparu en 20 ans ! Ils jouent pourtant un rôle vital dans l’équilibre des écosystèmes. Ils sont aussi de formidables auxiliaires (prédateurs des rongeurs, limaces et autres invertébrés).

Quelles sont les principales menaces pesant sur les reptiles?

  • En premier lieu la destruction et la fragmentation de leurs habitats : les reptiles vivent dans des milieux bordiers : lisière forestière, haie, muret, friche et fourré. Ces espaces sont de plus rares et espacés du fait des pratiques agricoles ou de l’artificialisation des milieux naturels. Les jardins trop « propres » sont également peu propices à la vie de ces animaux.
  • Le manque de proies induit par les pratiques de gestion des jardins ou d’agriculture intensive ainsi que la destruction et la fragmentation des milieux.
  • Les collisions routières :  la route est un espace apprécié des reptiles : le bitume chauffe rapidement au soleil et se trouve souvent à proximité d’espaces favorables : haies, herbes hautes, talus, fourrés… On observe ainsi régulièrement des reptiles écrasés sur les routes.
  • La destruction volontaire : bien que toutes les espèces de France soient protégées, il est encore courant de tuer les serpents et les orvets par peur qu’ils soient dangereux. Depuis 2021, tous les reptiles de France sont strictement protégés. Il est interdit de les tuer, les capturer, les déplacer ou les mutiler.
  • Les pièges au jardin : piscine, tondeuse, regards d’eau, seau ou arrosoir remplis d’eau... Un bon nombre d’éléments peuvent être des pièges pour les reptiles de nos jardins.
  • Les animaux domestiques : le Chat domestique aime chasser les reptiles et peut opérer un véritable carnage sur une population de lézards. Les chiens peuvent aussi chasser ou jouer avec ces petits animaux. Les poules sont de bonnes prédatrices des reptiles dont les morsures glissent sur les plumes.
  • Le changement climatique : les conditions météorologiques varient beaucoup et jouent sur la survie de ces animaux : canicules, sécheresses… Ces impacts sont d’autant plus forts dans les milieux dégradés.

Comment préserver les reptiles chez soi ?

Les reptiles ont besoin d’une mosaïque de milieux : herbe haute à rase, buissons... Plus les espaces verts sont variés et sauvages, plus ils pourront y vivre. Les haies fournies et les ronces leur sont particulièrement favorables. Nos animaux de compagnie (chat, poule, chien) sont à contenir car ils prédatent un grand nombre de reptiles.

Pour aider encore plus les reptiles, on peut créer çà et là des abris pour eux. Ces espaces seront d’autant plus utiles s’ils sont placés en bordure d’un habitat ou d’un corridor comme une haie et s’ils profitent du soleil une grande partie de la journée.

Un simple tas de bois ou de branches sur une zone ensoleillée constitue un bon abri pour les reptiles. S’il est situé contre une haie ou en lisière d’une zone de fourrés ou de bois c’est encore mieux !

Les pierres peuvent être entassées ou structurées en muret. On pourra alors y intégrer des cavités à l’abri du gel et des fortes chaleurs mais aussi des amas de sable ou de terre meuble pour permettre aux lézards de pondre. Un simple tas de pierres peut ainsi cacher un véritable hôtel 4 étoiles pour lézards avec des espaces à l’abri du gel et de la chaleur, des zones de ponte, des coins et recoins pour se cacher et des surfaces qui chauffent rapidement au soleil. Ce type d’abri est appelé hibernaculum.

Les végétaux entassés vont fermenter créant ainsi un abri chauffant pour les reptiles et même leurs œufs ! La Couleuvre helvétique apprécie ces espaces de compost pour pondre : les œufs pourront terminer leur développement bien au chaud !

Les ardoises constituent de très bons abris : elles chauffent rapidement et restituent de la chaleur dessus et dessous. Les lézards peuvent facilement se faufiler derrière en cas de danger. En les fixant ou simplement en les posant contre un mur on crée des petits abris très utiles.

Des zones de bandes enherbées: en laissant quelques bandes non tondues, on offre des espaces de chasse et de déplacement important à ces espèces ! On pourra couper et exporter les végétaux par tronçons une à deux fois dans l’année.

 

Hibernaculum ©Adélaïde Vialla

Pierrier ou tas de pierres © Adélaïde Vialla

Roncier © Adélaïde Vialla

Vipère péliade sur un tas de bois © Adélaïde Vialla

Coulevre helvetique dans le broyat d'un compost © Sebastien Gervaise

Coulevre helvetique sur un tas de foin © Adélaïde Vialla

Quelles espèces sont présentes en Bretagne?

9 espèces de lézards et serpents sont présentes en Bretagne administrative.

Quatre espèces de lézards:

 

Lézard à deux raies © Jean-Jacques Guiblin

  • Le Lézard à deux raies : Ce lézard aux allures exotiques se confond très bien avec la végétation puisque son corps est d’un beau vert intense. Les mâles arborent une gorge bleue en période de reproduction tandis que les femelles ont des taches noires et deux lignes blanches sur le dos. Cette espèce apprécie les haies et les talus.

 

Lézard des murailles © Adélaïde Vialla

  • Le Lézard des murailles : Lézard commun des maisons et des vieux murs, cette espèce est souvent prédatée par les animaux de compagnie.

 

Lézard vivpare © Dominique Jourdan

  • Le Lézard vivipare : Ce petit lézard a besoin de zones humides et fraiches pour vivre. Il ressemble beaucoup au Lézard des murailles mais a une allure plus épaisse et courtaude. Les petits naissent complétement noirs et prennent les couleurs des adultes en grandissant. Les femelles sont ovovivipares (l’embryon se développe dans un œuf qui éclot dans le ventre de la mère et est expulsé déjà formé).

 

Orvets fragiles durant l'accouplement ©Sebastien Gervaise

  • L’Orvet fragile : Souvent confondu avec un serpent, ce lézard sans patte est pourtant complétement inoffensif et grand consommateur de limaces, une raison supplémentaire pour l’accueillir dans son potager. Les femelles sont ovovivipares (l’embryon se développe dans un œuf qui éclot dans le ventre de la mère et est expulsé déjà formé).

 

Cinq espèces de serpents:

 

Couleuvre helvétique © Adélaïde Vialla

  • La Couleuvre helvétique : serpent le plus commun en Bretagne et autrefois appelée Couleuvre à collier, cette espèce peut chasser dans l’eau. On la reconnaît à son collier noir et jaune pâle.

 

Coronelle lisse © Adélaïde Vialla

  • La Coronelle lisse : cette couleuvre est plus rare et apprécie particulièrement les zones de landes. Sa couleur générale va du gris au marron plus ou moins rougeâtre. Elle arbore deux rangées de taches sur le dos qui donnent parfois l’impression de deux lignes. Les femelles sont ovovivipares (l’embryon se développe dans un œuf qui éclot dans le ventre de la mère et est expulsé déjà formé).

 

Vipère péliade © Olivier Retail

 

  • La Vipère péliade : la Bretagne est l’un des derniers bastions de cette vipère. Elle est en effet plus adaptée aux températures douces de la Bretagne. Le changement climatique risque donc d’avoir un fort impact sur elle. Repérable à son zigzag dorsal et sa tête triangulaire, la Vipère péliade est une espèce assez exigeante dans les milieux qu’elle fréquente. Les femelles sont ovovivipares (l’embryon se développe dans un œuf qui éclot dans le ventre de la mère et est expulsé déjà formé). Le développement des jeunes leur demande tellement d’énergie qu’elles peuvent ne pas survivre. De ce fait, les femelles de cette espèce ne se reproduisent pas tous les ans.

 

Couleuvre vipérine © Adélaïde Vialla

  • La Couleuvre vipérine : cette couleuvre peut faire penser à une vipère : elle arbore une ligne sinueuse sur le dos et donne une forme triangulaire à sa tête lorsqu’elle se sent en danger. Elle ne produit pourtant pas de venin. Sa spécialité c’est la chasse dans l’eau : elle peut rester de longues minutes sous la surface pour y capturer des poissons. Elle est rare en Bretagne.

 

Couleuvre Esculape ©Adélaïde Vialla

  • La Couleuvre d’Esculape : cette espèce peut faire jusqu’à 170 cm, c’est la plus grande espèce de serpent de Bretagne. Elle a la capacité de grimper sur les arbres et les murs en pierres ce qui lui permet de varier son assiette avec des oiseaux ! Cette couleuvre est présente au sud et à l’est de l’Ille-et-Vilaine.

 

La Vipère aspic est présente en Loire-Atlantique et sur une petite zone au nord de l’Ille-et-Vilaine. La Couleuvre verte et jaune est présente au sud de la Loire-Atlantique. Si leurs conditions de vie s’améliorent, ces deux espèces pourraient progressivement remonter en Bretagne, à vitesse de serpent cela pourrait prendre un bon moment !