Au secours d'une colonie de chauves-souris en péril

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Les mois hivernaux sont habituellement plus calmes en Centre de sauvegarde : les migrateurs ont quitté le territoire français et les jeunes individus sont maintenant autonomes. Nos équipes profitent de ces moments pour se remettre de la saison estivale et pour préparer la prochaine. Cependant, cela était sans compter la découverte d’une colonie de plusieurs centaines de chauve-souris en urgence absolue…

Biberon d'un jeune molosse ©Emeline Pujolas

Biberon d'un jeune molosse ©Emeline Pujolas

Tout a démarré fin août 2022, lorsqu’une colonie de molosses de Cestoni située à Nice rencontre soudainement de grandes difficultés. Des jeunes par dizaines tombent dans la rue alors qu'ils ne sont pas sevrés et qu'ils ne savent pas encore voler. Une fois tombées, ces jeunes chauves-souris se font parfois écraser par les passants par méconnaissance et par crainte. Plusieurs décèdent tandis que d'autres en réchappent avec quelques fractures. La majorité des individus récupérés arrive très faible et maigre dans le Centre de sauvegarde des Alpes-Maritimes, le CSAM, situé à Saint-Cézaire-sur-Siagne. Mais le nombre de jeunes en détresse ne fait qu’augmenter au cours du mois de septembre 2022. Submergé par les accueils avec plus d’une centaine d’individus, le CSAM a sollicité notre aide. Nous avons donc accueilli en urgence au Centre de sauvegarde de la LPO PACA une quarantaine de molosses afin de les soulager.

Face à cette situation sans précédent, nous avons travaillé en étroite collaboration avec le Groupe Chiroptères de Provence (GCP) afin d’améliorer les connaissances sur l’espèce, chercher l’origine de la perturbation de la colonie et les garder en captivité dans les meilleures conditions possibles. Il s’agit en effet d'une espèce soumise à un Plan d'Action National (PNA) et nous avons tout mis en œuvre pour sauver chaque individu. Pour cela, nous leur avons fourni une alimentation spécifique adaptée à leur âge et avons surveillé de près l’évolution de leurs fractures en leur donnant les médicaments nécessaires. Nous avons également organisé des séances d’entraînement au vol régulièrement pour leur permettre de se muscler et d’apprendre à voler.

Grâce au travail de toute l’équipe du Centre de sauvegarde et du GCP, la majorité des individus accueillis en 2022 a pu être replacée dans une colonie existante, 9 mois après leur prise en charge au centre, une fois les individus sevrés, soignés et possédant toutes leurs facultés de vol.

Malheureusement, la situation de crise s’est réitérée en 2023. Nous avons donc de nouveau pris en charge plusieurs individus en détresse qui resteront tout l’hiver au Centre de sauvegarde, dans l’espoir d’être relâchés au printemps prochain.

Les analyses réalisées par le GCP sur les individus malheureusement décédés ont permis d’établir que les molosses avaient été victimes d’une intoxication au plomb via la peinture ou les soudures de l’immeuble. Leur comportement et symptômes correspondent à ce résultat : kystes importants sur les ailes, troubles du comportement avec une sortie précoce du gîte ... Les études se poursuivent actuellement pour éviter que la situation se réitère chaque année.

Une situation inédite depuis la création du Centre de sauvegarde

Depuis son ouverture en 1996, notre structure n’a jamais connu une telle arrivée de chauves-souris en détresse. La situation est d’autant plus complexe que les molosses font partie des plus grandes chauves-souris de France, ils nécessitent donc des installations particulières et une grande quantité d’insectes. Nous remercions tout particulièrement la fondation Nature et Découvertes pour sa participation à hauteur de 3 000 euros grâce au Comité "Coup de main", et la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) pour leur soutien financier débloqué en urgence qui a permis cette prise en charge hors du commun. Nous remercions également le Groupe Chiroptères de Provence pour tout leur travail de recherche et de sensibilisation ainsi que pour leur précieux accompagnement au cours de cette aventure unique.

Une chauve-souris peu étudiée

Deuxième plus grande chauve-souris d’Europe, le Molosse de Cestoni se caractérise par ses grandes oreilles rondes orientées vers l’avant, son poil fin et dense et sa queue développée. Comme les autres espèces de chiroptères, le molosse utilise des cris d'écholocalisation pour se diriger dans l'espace et repérer ses proies. C'est l'unique chauve-souris dont les ultra-sons émis pour la chasse et les déplacements sont audibles par l’Homme. Son vol rapide (jusqu'à 65 km/h !) et l'écholocalisation lui permettent de chasser des insectes sur un vaste territoire aérien allant de 10 à 300 mètres de hauteur. Les Molosses de Cestoni vivent en colonie et nichent dans les fissures des falaises et des immeubles. Il s’agit d’une espèce protégée dont les effectifs sont difficiles à évaluer sur l’ensemble du territoire français.

De nombreuses menaces anthropiques pèsent sur les molosses, comme l'aménagement des voies d'escalade, où les grimpeurs curieux dérangent souvent l'hibernation ou la reproduction des chiroptères. Les éoliennes sont également connues pour avoir un impact important sur les chauves-souris. Ces dernières peuvent entrer en collision avec les pâles ou subir une implosion de de leurs organes internes, à cause des différences de pression d'air qui sont générées localement. Enfin, la rénovation de bâtiments peut se révéler particulièrement dangereuse pour les colonies, qui affectionnent entre autres les immeubles en milieu urbain. Ce genre de travaux peut engendrer la destruction de colonies entières, comme ce fut le cas en 2009 dans un immeuble de Nice. La façade du bâtiment a été rénovée pour obturer les joints de dilatation, ce qui a condamné le groupe qui vivait à l’intérieur. Les pompiers ont retrouvé les corps sans vie de plus de 2000 molosses ayant essayé de fuir par les gouttières de l’immeuble.

Pour nous aider à poursuivre nos actions, vous pouvez faire un don au Centre de sauvegarde ou utiliser le moteur de recherche solidaire Lilo.

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Retrouvez cet article avec davantage d'illustrations sur le site de la LPO Provence-Alpes-Côte d'Azur.