Conseil d’Etat : le Courlis cendré n’aurait pas dû être chassé l’an dernier

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Dernier épisode de l’interminable combat juridique pour protéger cet oiseau migrateur menacé dont la France est le dernier pays de l’UE à autoriser la chasse. 

courlis cendré dans un viseur

Courlis cendré © David Allemand

Saisi en référé par la LPO, le Conseil d’Etat avait suspendu fin août 2019 l’arrêté ministériel du 31 juillet 2019 autorisant la chasse de 6000 Courlis cendrés. Par une décision du 17 décembre 2020, il vient maintenant d'annuler sur le fond ledit arrêté : la Ministre de l'écologie Elizabeth Borne n’aurait donc jamais dû autoriser la chasse de ce limicole en déclin.

Le Conseil d’Etat a notamment considéré que la chasse au courlis cendré ne pouvait pas être permise en France tant qu’elle ne respectait pas les principes d’une gestion durable des prélèvements imposée par le plan international pour la conservation de l’espèce mis en place en 2015 dans le cadre de l’Accord pour la conservation des oiseaux migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA), dont la France est signataire depuis 1996. Or, le Comité d’experts sur la gestion adaptative (CEGA) institué par le décret du 5 mars 2019, a souligné dans son avis du 13 mai 2019 le mauvais état de conservation de l’espèce et fait état des lacunes importantes des connaissances et des carences des données scientifiques sur sa démographie et sa répartition spatiale, faisant obstacle à l’évaluation d’un niveau de prélèvement soutenable du courlis cendré en France.

Pourtant, la Ministre en charge de la biodiversité avait signé cet arrêté illégal la veille de l’ouverture de la chasse. Elle a ainsi permis la pratique de cette activité litigieuse dès le samedi 1er aout 2019 et jusqu’à la suspension effective le 27 août. Résultat : au moins 422 courlis cendrés (selon les déclarations partielles sur l’application ChassAdapt) ont été illégalement tués dans cet intervalle. Y compris un Courlis relâché deux mois auparavant par nos collègues polonais de l’ONG OCIAN dans le cadre d’un programme de réintroduction et dont la balise GPS a subitement cessé d’émettre la nuit du 26 au 27 août en traversant une zone de chasse en Normandie. Or, si au titre de la Directive Européenne du 30 novembre 2009 pour la conservation des oiseaux sauvages le courlis cendré figure dans l’Annexe 2-B listant les espèces dont certains pays membres peuvent autoriser la chasse sous certaines conditions, une des ces conditions est précisément ne pas compromette les efforts de conservation entrepris dans leur aire de distribution. 

 Saga juridique 

La France avait suspendu pour 5 ans la chasse du Courlis cendré sur l’ensemble du territoire métropolitain par un arrêté du 30 juillet 2008 en raison du mauvais état de conservation de l’espèce, classée vulnérable sur la liste rouge de l’UICN. Sous la pression des chasseurs, ce moratoire a été restreint avant son terme et la chasse du courlis cendré a été de nouveau autorisée sur le domaine public maritime, qui abrite justement l’essentiel de la population de cet oiseau, par un arrêté ministériel du 3 février 2012, reconduit une première fois pour 5 ans par un arrêté ministériel du 24 juillet 2013 et une seconde fois pour 1 an par un arrêté ministériel du 1er août 2018, annulé par une décision du Conseil d’Etat du 12 juillet 2019 suite à un recours de la Fédération nationale des chasseurs.

Peu après, malgré l’avis négatif du CEGA, Elizabeth Borne signait l’arrêté ministériel du 31 juillet 2019 rétablissant la chasse du courlis sur l’ensemble du territoire, mais fixant pour la première fois un quota à 6000 individus dans le cadre du concept de « gestion adaptative » introduit dans la loi du 24 juillet 2019 votée la semaine précédente. Suite au recours de la LPO, cet arrêté a donc été ensuite suspendu en référé par une ordonnance du 26 août 2019 du Conseil d’Etat, qui vient désormais de l’annuler définitivement.

Cette année, afin d’éviter une nouvelle déconvenue juridique,  l’arrêté ministériel du 27 juillet 2020 a instauré une suspension de la chasse du courlis cendré sur l’ensemble du territoire métropolitain jusqu’au 30 juillet 2021. La LPO s’est réjouie de cette décision tout en regrettant qu’elle ne soit prise que pour une durée d’un an, ouvrant ainsi la porte en 2021 à un nouvel épisode probable de cette consternante saga juridique. Pour y mettre enfin un terme, il suffirait pourtant à Emmanuel Macron de simplement respecter son engagement pris en 2017 en retirant les espèces d'oiseaux en mauvais état de conservation et inscrites sur la liste rouge de l'UICN, qui sont au nombre de 20, de la liste du gibier chassable en France fixée par l'arrêté ministériel du 26 juin 1987, où figurent 64 oiseaux (triste record d'Europe !).