L'empoisonnement par le plomb des zones humides européennes prend fin aujourd’hui. Près de 5000 tonnes de ce métal toxique sont répandues chaque année par les activités de chasse dans ces réservoirs de biodiversité. BirdLife International, et la LPO qui est sa représentante en France, militent pour l'interdiction de ce type de munitions depuis plus de 20 ans. Des alternatives existent, composées d’alliages à base d’acier, de cuivre ou de bismuth.
La grenaille de plomb consiste en de minuscules billes rondes contenues par centaines dans les cartouches que les chasseurs utilisent pour tirer sur les oiseaux et autres petits animaux. Responsable du saturnisme, l’ingestion de plomb affecte les fonctions cérébrales et cognitives, provoque des états d’anémie, perturbe les systèmes reproducteur, nerveux et digestif, et s’avère souvent mortelle. Elle est particulièrement problématique pour certaines espèces d’oiseaux, par exemple les canards et les cygnes, qui la confondent avec les « gastrolithes », cailloux ingérés pour faciliter le broyage de la nourriture dans leur gésier. Le plomb de chasse est également responsable de l’intoxication de nombreux rapaces et charognards, qui consomment des proies contaminées. L'Agence européenne des produits chimiques estime que plus d’1 million d’oiseaux meurent chaque année d’empoisonnement au plomb dans l’Union Européenne. Le plomb peut aussi avoir de graves conséquences pour la santé des personnes exposées en mangeant des animaux tués à la chasse. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) recommande ainsi aux femmes en âge de procréer et aux enfants d’éviter toute consommation de gibier sauvage.
L'Europe durcit la législation française
En France, l’utilisation de grenaille de plomb à moins de 30 mètres des zones humides (marais, tourbières, prairies humides, lagunes, mangroves, deltas, baies, berges de lacs et de rivière) est déjà interdite depuis le 1er juin 2006 en application de l’arrêté ministériel du 9 mai 2005 modifiant l’arrêté du 1er août 1986 relatif à divers procédés de chasse. Plus de 15 ans après l’interdiction, les infractions demeurent très fréquentes. Ainsi, sur 67 chasseurs de gibier d’eau contrôlés en Picardie par les inspecteurs de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) les 28 et 29 janvier dernier, plus du tiers ont été verbalisés pour usage prohibé de grenaille de plomb.
Le nouveau règlement européen est beaucoup plus ambitieux et renforce la législation en vigueur dans notre pays en étendant la distance d’interdiction à 100 mètres et en élargissant la définition d’une zone humide aux étendues naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres. Un règlement dans le droit européen est d’effet direct et obligatoire. La mise en application au niveau français devra ainsi passer par une révision de l’arrêté de 1986.
En outre, le règlement précise que si au moins 20 % de son territoire total sont des zones humides, un État membre peut interdire la mise sur le marché et l’utilisation de grenailles de plomb sur l’ensemble de son territoire national à partir du 15 février 2024. Or les travaux cartographiques les plus récents estiment que les milieux potentiellement humides en France couvrent près de 13 millions d’hectares, soit environ 23 % du territoire métropolitain. La LPO réclame donc l’application de cette disposition et l’interdiction totale dès l’an prochain de toutes les munitions au plomb en France. Environ 250 millions de cartouches sont tirées chaque année dans notre pays, les trois-quarts pour la chasse et le quart pour le ball-trap, représentant près de 8000 tonnes de plomb déversées dans l’environnement.
Le plomb a été banni de la plupart de nos utilisations industrielles comme les peintures, les canalisations ou l’essence. Il est incompréhensible qu’on permette encore aux chasseurs d’en répandre des milliers de tonnes dans la nature. Les oiseaux meurent plombés à deux reprises : par le tir et par ingestion ! Lors de la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron s’était engagé à étendre l’interdiction des munitions qui contiennent du plomb à l’ensemble du territoire et pas seulement dans les zones humides. Le temps est venu de tenir parole.