Dans son rapport publié le 26 septembre 2023, le comité note les points suivants :
- Il existe une grande lacune de connaissance sur l’effet des éliminations d’ESOD sur les dégâts agricoles ou privés. En l’absence de telles données, le classement ESOD des espèces incriminées n’a aucun fondement scientifique.
- Recourir aux abattages d’ESOD de manière systématique apparaît être une solution peu efficace pour réduire les dégâts. D’autres mesures existent et pourraient être mises en place.
- Le déclin des espèces communes, même localement et en faible proportion, perturbe la structure et le fonctionnement des écosystèmes naturels. Les dégâts associés aux ESOD devraient être mis en balance avec les bénéfices écologiques apportés par ces espèces.
- Dans les rares cas où elles ont fait l’objet d’une évaluation scientifique indépendante, les économies dues aux dégâts évités par la mise en place de prélèvements se sont révélées moins importantes que les dépenses induites par ces mêmes prélèvements.
La conclusion des scientifiques est sans appel : « Détruire des êtres vivants, a fortiori dans un contexte de déclin de la biodiversité, devrait être justifié par l'urgence à agir pour empêcher un dégât jugé grave par des critères objectifs et mesurables, par l’absence de mesures alternatives, et par une preuve de l’efficacité de la destruction. » Ces conditions n’étant pas réunies, les experts recommandent un changement de paradigme afin d’aboutir à des mesures proportionnées et véritablement utiles.
Action juridique
Cette étude de la FRB conforte notre plaidoyer pour demander la révision de l'arrêté triennal du 3 août 2023 fixant la liste des ESOD du groupe 2 (Belette d'Europe, Fouine, Martre des pins, Renard roux, Corbeau freux, Corneille noire, Pie bavarde, Geai des chênes, Étourneau sansonnet) pour chaque département de 2023 à 2026. En dépit d’une opposition citoyenne massive lors de la consultation publique, 71% des 49000 avis exprimés étant contre l’arrêté, ce dernier a été publié dans sa version initiale par le Ministère de la transition écologique.
La LPO et l’ASPAS ont ainsi déposé des recours juridiques auprès du Conseil d'Etat et contestent 161 classements ESOD départementaux sur les 420 établis par le Ministère de l’écologie en France métropolitaine, dont la totalité pour le renard (88), le geai (5) et la belette (1). La décision sur le fond est attendue dans 1 à 2 ans.
Dans son projet de stratégie nationale pour la biodiversité 2030 dévoilé le 20 juillet 2023, le gouvernement a par ailleurs annoncé des réflexions pour une meilleure efficacité de la régulation des ESOD au regard des couts engendrés. La prise en compte de ces études est annoncée en 2026 pour les mammifères et en 2029 pour les oiseaux. Pourquoi ne pas suspendre dès aujourd’hui l’abattage massif de ces espèces afin d’étudier l’impact de l’absence de régulation sur les dégâts constatés ?
Ce rapport de la FRB éclaire, pour la première fois, un débat obscurci par les mauvaises habitudes. On sait désormais que la destruction systématique des ESOD est à la fois injuste et inefficace. Alors que la biodiversité connait un effondrement dramatique, il est inacceptable de perpétuer le massacre. Puisque le gouvernement refuse d’écouter la science, nous nous en remettons donc à la justice.
Allain Bougrain Dubourg Président de la LPO
Lire aussi notre communiqué du 4 août :
L’État perpétue l’inacceptable massacre d’animaux sauvages considérés comme nuisibles