Ce nouveau texte impose désormais aux préfets d’encadrer ou d’interdire l'utilisation des pesticides dans les sites terrestres Natura 2000 lorsque « cette utilisation n'est pas effectivement prise en compte par les mesures définies dans le cadre des contrats et des chartes.» Or ces outils de gestion reposent sur des mesures volontaires et hétérogènes en fonction des territoires. Leur utilisation ne permet pas de garantir le respect du droit européen en matière de pesticides.
Dans la grande majorité des cas, la décision de restreindre l’utilisation des pesticides dans ces sites Natura 2000 reviendra ainsi aux préfets, qui ne sont contraints par aucun objectif chiffré ni délai et sont soumis à la pression des producteurs et utilisateurs de pesticides. Autrement dit, ce décret n’offre aucune garantie de réduction drastique et il continue, selon nous, de contrevenir à la directive européenne.
Nos associations saisissent donc à nouveau la justice et ont déposé un recours le 28 janvier devant le Conseil d’État pour rappeler de nouveau le gouvernement français à ses obligations de protéger efficacement notre patrimoine naturel inestimable, ce qui sera aussi bénéfique à la santé de nos concitoyens.
Des années de combat juridique qui se prolongent
Instauré par la directive européenne dite « Habitats-Faune-Flore » de 1992, Natura 2000 est le nom d’un réseau écologique de sites naturels désignés pour protéger un certain nombre d’habitats et d’espèces représentatifs ou menacés de la biodiversité européenne. En France, près de 13% du territoire métropolitain sont classés Natura 2000. Une autre directive européenne de 2009 enjoignait aux Etats européens de restreindre ou d’interdire l’utilisation de produits phytosanitaires dans ces sites avant fin 2011. En 2019, France Nature Environnement avait demandé au gouvernement à ce que soient prises les mesures pour faire appliquer le droit européen. Faute de réponse, FNE avait attaqué l’Etat devant la plus haute juridiction administrative, le Conseil d’Etat qui, dans une décision rendue le novembre 2021, avait donné 6 mois au gouvernement pour prendre les décrets nécessaires. Ce délai passé, et rien n’ayant été fait, FNE avait à nouveau saisi la justice pour exiger l’application de la décision du Conseil d’Etat, ce qui a abouti au décret du 28 novembre dernier, en total décalage par rapport aux exigences du droit européen.
Les pesticides constituent l’une des premières causes de l’effondrement de la biodiversité. Il est consternant que la France tarde encore à restreindre leur utilisation dans les sites Natura 2000, spécifiquement créés pour protéger les espaces naturels et les espèces sauvages les plus remarquables de l’Union Européenne. L’exécutif perd une occasion de donner raison au Président de la République qui déclarait en avril 2022 « faire de son quinquennat, un quinquennat écologique !