La violence n’est jamais une solution, toujours un échec. Trois jours après les affrontements à Sainte-Soline, le bilan s’avère terriblement lourd. Des dizaines, voire des centaines de blessés de chaque côté, trois personnes toujours en état d’urgence vitale à l’heure où nous écrivons ces lignes, des images affligeantes pour une grande démocratie comme la France. Comment se satisfaire d’une pareille situation ? Ne serait-il pas temps de sortir des invectives et des certitudes, de baisser les armes, de casser cette spirale des violences, d’enfin oser la désescalade et le cessez-le-feu ?
Ce qui se joue actuellement ne vise pas simplement l’avenir des mégabassines dans les Deux-Sèvres. Il s’agit de la capacité de notre pays à faire face au changement climatique, à la perte de biodiversité et à la raréfaction de la ressource en eau. Mais aussi de démontrer que nous sommes capables de trouver des solutions collectivement. Et, pour l’instant, nous bloquons. Regardons la réalité en face : comment pouvons-nous prétendre vouloir préparer et adapter notre pays aux futurs désordres écologiques si nous ne sommes même pas capables de réguler la gestion agricole de l’eau sur un seul département ?
Réussir ensemble ou échouer collectivement
Pourtant, la crise de l’eau figure au centre du dernier rapport du Giec. Publié il y a quelques jours, il nous éclaire sur les enjeux à venir. Avec les changements climatiques, la moitié de l’humanité souffrira du manque d’eau au moins un mois chaque année. Jusqu’à 79 % des bassins hydrographiques du monde devraient être affectés de manière critique d’ici à 2050. La part de la population soumise à une sécheresse extrême pourrait atteindre 8 % d’ici la fin du siècle. La France ne sera pas épargnée. Voilà ce que nous devons regarder lucidement. Soyons à la hauteur. Nous réussirons tous ensemble, ou nous échouerons collectivement.
En novembre 2014, à l’occasion de la troisième conférence environnementale, le président François Hollande annonçait vouloir tirer les leçons du drame de Sivens, en promettant des mesures pour améliorer la participation citoyenne autour des grands projets d’infrastructures, notamment par l’organisation de référendums locaux. Nos associations avaient salué l’initiative, mais elle n’a malheureusement pas été suffisamment traduite dans les faits. Près de dix ans après, nous en sommes quasiment au même point. Il est temps d’agir.
La LPO propose aujourd’hui de mettre en pause pour quelques mois les projets conflictuels. S’agissant d’infrastructures financées à 70 % par des fonds publics (agences de l’eau, plan de relance), cette demande est légitime. Elle permettra, par ailleurs de laisser le temps des conclusions aux nombreux recours juridiques encore en cours.
Le dialogue demeure l’unique solution
Notre association propose également que soit organisé un référendum local, par exemple à l’échelle de la grande région Nouvelle-Aquitaine, comme le prévoit notre Constitution. Inspirons-nous des votations citoyennes suisses, où les taux de participation sont très élevés. Chaque électeur reçoit chez lui un petit livret où sont détaillés, d’une manière neutre, les enjeux sur la question posée ; la Commission nationale du Débat public (CNDP) pourrait s’en charger. Chaque parti politique représentatif, mais aussi chaque corps intermédiaire concerné, y exposerait sa position. Les experts ayant participé aux travaux du Giec et de l’IPBES éclaireraient le débat à travers les évaluations scientifiques.
Pourquoi ne pas imaginer des réponses graduées soumises au vote, au-delà du « OUI ou NON » aux bassines. Des options intermédiaires (par exemple avec des conditions fortes sur le changement de modèle agricole, la réduction de l’usage des pesticides, la cohérence avec le projet de territoire, la mise en place de débouchés locaux pour les productions agricoles concernées…) pourraient enrichir le dossier. A travers les territoires, dans les médias et sur les réseaux sociaux, les débats prospéreraient dans le respect des positions des uns et des autres. Cette démarche constituerait une réponse à la hauteur de l’impérieux renouveau démocratique dont notre pays a besoin.
Qui est prêt à relever ce défi ? Nous espérons qu’une telle proposition trouvera sa place dans le plan qui sera annoncé prochainement par le gouvernement.
Concernant Sainte-Soline, la position actuelle de la LPO est claire : notre association ne pense pas que les bassines, surtout les projets actuels, constituent la solution satisfaisante pour nos agriculteurs et notre pays. Mais nous restons prêts à un débat démocratique sur le sujet et à nous y investir, avec toutes les parties prenantes concernées, qu’elles partagent ou non notre analyse. Le dialogue demeure l’unique solution.