Malheureusement, la France a joué un rôle majeur dans cette décision, le gouvernement ayant choisi d’inscrire l’objectif de déclassement dans le Plan national d’actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage. C’est une des raisons pour lesquelles nous avions choisi, dès septembre 2023, de suspendre notre participation au GNL.
Faisant fi des réalités scientifiques (6 des 7 populations de loups en Europe n’ont pas atteint un état de conservation favorable), le choix du déclassement entend faciliter les tirs de loups. De ce fait, les loups visés ne seront pas forcément ceux qui ont causé des dommages sur des troupeaux, donc cela ne règlera aucunement les difficultés des éleveurs et bergers.
Aucune étude n’a prouvé que les tirs permettent de prévenir les dommages sur les animaux d’élevage, au contraire, les destructions d’individus provoquent la dispersion des meutes. Cette décision politique est un non-sens qui montre que la parole scientifique n’est pas écoutée et que nos dirigeants, loin de choisir des solutions efficaces sur le long terme, préfèrent céder à la démagogie. La présence du loup est une réalité durable : la seule voie possible est donc celle de la coexistence, qui passe par des mesures de protection efficaces qui ont fait leurs preuves : chiens de protection, clôtures et présence humaine. C’est mentir au monde agricole que de faire croire que les tirs sont la solution prioritaire pour gérer la présence du prédateur.
Malgré le déclassement, la Convention de Berne comme la Directive Habitats prévoient que les gouvernements prennent les mesures nécessaires pour que les “prélèvements” restent compatibles avec le maintien de la population dans un état de conservation favorable. Les autorisations de destruction prises devront faire l’objet d’un système de surveillance afin que l’Etat puisse garantir la viabilité de l’espèce.
D’autre part, ce déclassement va créer un précédent dangereux, puisque certains acteurs ont déjà dit vouloir désormais s’attaquer à d’autres espèces : ours, cormorans ou encore lynx, au prétexte qu’ils peuvent ponctuellement poser des difficultés pour certaines activités humaines.
Enfin, cette décision va à l’encontre des préconisations des scientifiques qui avaient clairement exprimé leur désaccord avec la proposition de déclassement, constatant le développement insuffisant des populations lupines en Europe. Elle va également à l’encontre de la volonté des citoyens, puisque 74 % des Français et 68 % des citoyens des 10 pays sondés de l’UE se déclarent en faveur du maintien d’une protection stricte du loup en Europe (sondage Savanta, novembre 2023). Plus de 205 000 personnes ont signé notre pétition pour que la France ne soutienne pas ce déclassement, et plus de 320 000 une seconde pétition, à l’échelle européenne. Cette forte mobilisation n’aura donc pas été prise en compte, ni par l’Etat français, ni par la Commission européenne.
Alors que la biodiversité a disparu du gouvernement français, l’Europe envoie à son tour un très mauvais signal au reste de la planète avec ce nouveau recul écologique. Au-delà du cas emblématique du loup, c’est le statut même d’espèce protégée qui est remis en cause. L’enjeu est de réapprendre à coexister avec la faune sauvage afin de préserver notre patrimoine naturel commun et enrayer l'effondrement du vivant.