Dans une décision rendue ce 9 avril 2025, le Tribunal judiciaire de Montpellier a ordonné pour un an l’arrêt du parc éolien de Bernagues situé sur la commune de Lunas (Hérault). La société Energie Renouvelable du Languedoc (ERL), filiale du groupe Valeco, et son dirigeant ont également été condamnés respectivement à 200 000€ et 40 000 € d’amende, dont la moitié avec sursis.
Le 10 janvier 2023, un aigle royal suivi par GPS avait percuté une pale d'une des sept éoliennes implantées en 2016. L'individu tué était le mâle reproducteur d'un couple installé à proximité du lieu où ont été implanté les éoliennes en 2016. Avant cet aigle, d’autres fleurons de la faune sauvage locale y ont été retrouvés morts, tel un Minioptère de Schreibers en 2017 ou un Vautour moine en 2020.
Depuis de nombreuses années, plusieurs associations dont la LPO ont alerté puis engagé des actions en justice pour dénoncer les impacts écologiques de ce parc éolien. Un premier permis de construire délivré par le préfet de l’Hérault le 20 octobre 2004 avait déjà été annulé par le Tribunal administratif de Montpellier le 23 mars 2006 car contraire au Code de l’urbanisme, décision confirmée en appel le 30 mai 2011. Un autre permis de construire en date du 24 avril 2013 a ensuite été invalidé le 26 janvier 2017, après la construction des éoliennes, par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact environnemental. Le 19 février 2021, le Tribunal judiciaire de Montpellier a logiquement demandé le démantèlement du parc éolien, avant d’être contredit le 3 juin 2021 par une décision de la Cour d’Appel, elle-même annulée par un arrêt de la Cour de cassation le 11 janvier 2023. Le 7 décembre 2023, la cour d’appel de Nîmes a de nouveau ordonné le démontage des éoliennes sous quinze mois, désormais écoulés. L’exploitation se poursuivait pourtant jusqu’à aujourd’hui, dans l’attente d’un prochain jugement en cassation attendu en avril.
Le 7 avril 2025, le même Tribunal judiciaire de Montpellier a ordonné la suspension d’activité immédiate avec exécution provisoire pour les 4 prochains mois de 31 éoliennes situées sur le causse d’Aumelas (Hérault), et condamné l’exploitant EDF Renouvelables et son PDG à de lourdes sanctions pénales et financières. Saisis par l’association FNE Occitanie-Méditerranée, les juges ont reconnu l’énergéticien responsable de la surmortalité de faucons crécerellettes, des rapaces protégés qui font l’objet de mesures de conservation importantes. La LPO anime ainsi le plan national d’actions 2021-2030 pour sauvegarder cette espèce migratrice emblématique de la région méditerranéenne, et contribue également à sa protection sur ses zones d’hivernage au Sénégal avec le programme AGIR. Les effectifs nicheurs en France s’élèvent actuellement à environ 750 couples après avoir frôlé l’extinction dans les années 1980. Les suivis effectués démontrent que les éoliennes sont aujourd’hui responsables de 30 % de la mortalité totale constatée. A noter que ce Parc éolien d’Aumelas avait déjà été condamné par la justice administrative suite à un recours de plusieurs associations dont la LPO Occitanie. Dans une décision rendue le 31 décembre 2024, le Conseil d’Etat avait en effet sanctionné le fait qu’aucune dérogation relative aux espèces protégées n’avait été obtenue ni même sollicitée par EDF Renouvelables, en renvoyant l’affaire devant la Cour administrative d'appel de Toulouse.
Ces précieuses victoires du droit de l’environnement sur le mépris du vivant masquent cependant une réalité plus sombre. Le projet de loi sur la simplification de la vie économique actuellement discutée à l’Assemblée nationale propose justement de faciliter l’obtention de dérogation relative aux espèces protégées pour les projets d’énergie renouvelable, en leur attribuant automatiquement un statut de « raison impérative d’intérêt public majeur », ce qui est déjà le cas pour les parcs éoliens supérieurs à 9 MWc depuis un décret du 9 décembre 2023. Cible d'une saisine du Conseil Constitutionnel, l’article 25 de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Loi DDADUE), récemment adoptée par le Parlement, va également dans le même sens. De telles mesures pourraient ainsi permettre aux futurs projets éoliens d’échapper aux sanctions en cas d’atteinte à la biodiversité.
Le droit et la justice viennent de rappeler qu’aucun projet ne peut s’exonérer du respect du vivant. Les énergies renouvelables sont un outil essentiel de la transition énergétique mais leur déploiement doit s’effectuer sans précipitation et avec précaution, en prenant en compte les conséquences potentielles pour la faune sauvage dans certaines zones sensibles. La protection du climat ne peut pas se faire au détriment de la biodiversité.