La préservation de la biodiversité est portée disparue, la nature est en deuil. Ce jeudi 13 mars, une oraison funèbre est prononcée lors d’une vingtaine de cérémonies organisées partout en France par les antennes régionales de la LPO. Nos bureaux resteront en berne jusqu'au 21 mars afin d’exprimer la consternation de l’association face à l’ampleur du décalage entre la gravité de la crise écologique et l’enchaînement des régressions environnementales depuis plus d’un an.
Les rapports publiés en décembre 2024 par les experts internationaux de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) dressent un bilan sans appel : l’érosion alarmante de ce patrimoine naturel inestimable met en péril les économies, les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire et la santé des populations partout sur Terre. Nous n’avons pas de planète B, même si certains visent Mars.
LOA du plus fort
La France vient pourtant de franchir un nouveau cap en adoptant, à marche forcée, des reculs environnementaux sans précédent lors du vote de la loi d’orientation agricole (LOA) le 20 février dernier. En dépénalisant des atteintes graves telles que la destruction d’espèces protégées ou l’arasement de haies champêtres, et en assouplissant les réglementations sur les pesticides, ce texte enfonce un clou supplémentaire dans le cercueil de la biodiversité.
Il s’agit d’une rupture inédite qui met brutalement fin à un demi-siècle de progrès continus en matière de réglementations environnementales dans notre pays. Depuis la première loi sur la protection de la nature en 1976, jamais le droit n’avait ainsi fait marche arrière.
L’Etat revient méthodiquement sur de trop rares avancées favorables à la biodiversité : détricotage de l’objectif “Zéro artificialisation nette”, facilitation de la commercialisation et épandage par drones des produits phytosanitaires, réintroduction d'insecticides néonicotinoïdes interdits en France depuis 2018 en raison de leur toxicité avérée pour les écosystèmes naturels, déclassement des zones humides, assouplissement des procédures relatives à l’implantation de projets industriels ou de mégabassines, rétablissement de la régulation des cormorans en eaux libres, etc. En parallèle, les lanceurs d’alerte sont criminalisés tandis que des attaques injustifiables sont orchestrées contre des organismes publics dont le rôle est crucial pour la transition écologique des territoires, tels l’OFB, l’ADEME, l’ANSES, la CNDP et l’Agence bio.
La situation n’est guère meilleure à l’échelle de l’UE, qui abdique devant les lobbies industriels, abaisse le statut de protection du loup, renonce aux ambitions de son Pacte vert et de sa Politique agricole commune. Quant au reste du monde, les récentes COP sur le climat, la biodiversité et la réduction de la pollution plastique n’ont été qu’une succession de rendez-vous manqués avec l’avenir, entre discussions stériles et promesses vaines. Dans le contexte géopolitique actuel, que peut-on vraiment attendre de la Conférence des Nations Unies sur l'Océan (UNOC 2025) qui se tiendra à Nice en juin prochain ? Le poumon de notre planète est pourtant à bout de souffle.
La protection de l'environnement doit cesser d’être le bouc émissaire d’un système de production agricole obnubilé par la croissance et le profit, qui asservit les paysans, trompe les citoyens et assassine les écosystèmes. L'Europe a perdu près de 800 millions d’oiseaux en moins de 40 ans. Ne laissons pas nos campagnes s’estomper, se figer comme des cimetières. Chacun, à son échelle, a le pouvoir d’agir. Aujourd’hui nous portons le deuil mais nous conservons notre énergie, notre détermination à effacer le mépris, l’indifférence et l’ignorance. La nature doit nous rassembler. Vive les printemps qui chantent !