L’arrêté ministériel triennal du 27 août 2019 fixe pour chaque département français des plafonds de destruction des grands cormorans dans les limites desquels les préfets peuvent autoriser la régulation de cette espèce. Avec une population nicheuse d’environ 10000 couples, le Grand Cormoran est normalement protégé sur l’ensemble du territoire mais des dérogations peuvent être accordées pour les piscicultures subissant d’importants dommages malgré des mesures de protection ainsi que sur les cours d’eau où la prédation exercée par le Grand cormoran constituerait une menace pour la conservation de poissons patrimoniaux, et en l’absence d’alternative satisfaisante aux tirs.
Considérant que le risque pour les poissons concernés n’était jamais démontré, la LPO a contesté l’application de cet arrêté ministériel dans 17 départements au cours des trois dernières années. Douze arrêtés préfectoraux (Aveyron, Corrèze, Doubs, Eure, Eure-et-Loir, Lot-et-Garonne, Nièvre, Pyrénées-Atlantiques, Savoie, Tarn, Vaucluse, Haute-Loire) ont été annulés par les tribunaux, les 5 autres (Alpes-Maritimes, Côtes-d’Armor, Finistère, Nord, Var) sont toujours en attente de jugement.
Dernier en date, le Tribunal administratif de Pau a annulé par un jugement du 16 juin 2022 l’arrêté du Préfet des Pyrénées-Atlantiques autorisant la destruction de 250 grands cormorans pour la saison 2019-2020. Une nouvelle fois, le juge a constaté qu’un certain nombre d’espèces de poissons menacées étaient effectivement présentes dans ce département mais que le Préfet n’apportait pas la preuve de l’impact du Grand cormoran sur leurs populations.
Présumé coupable
Dès cet été, un nouvel arrêté cadre ministériel devrait renouveler pour trois ans une campagne de destruction de grands cormorans sans tirer les conséquences de ces jugements qui remettent pourtant tous en cause la justification et l’utilité de tels abattages massifs d’individus d’une espèce qui, rappelons-le, est protégée. L’État ne devrait plus autoriser l’élimination de grands cormorans sans avoir au préalable démontré la réalité des prédations, l’absence d’atteinte au bon état de conservation de l’espèce, et le fait qu’aucune autre solution que le tir n’existe.
En accordant les quotas de destruction les plus élevés d’Europe, l’exécutif s’est confortablement installé dans l’idée qu’il est plus facile de rendre le Grand Cormoran coupable du déclin de certaines espèces de poissons que de s’interroger sur la qualité des eaux, les sécheresses meurtrières, les barrages multiples et les pesticides dégoulinant dans les rivières. Il est temps qu’il change son fusil d’épaule.