Par une décision du 1er juin 2022, le Conseil d’Etat a enjoint le ministre chargé de la chasse de prendre avant le 15 juillet 2022 un arrêté suspendant la chasse du Grand tétras en France pour une durée de cinq ans. Cette décision a été prise afin de respecter les obligations qui découlent des objectifs de la Directive Oiseaux de l’Union Européenne concernant la conservation des oiseaux sauvages.
La chasse de cette espèce n’est en effet pas compatible avec son mauvais état de conservation et le Conseil d’Etat a donc jugé nécessaire de l’interdire pendant une durée suffisante afin de permettre la reconstitution des populations dans les différents sites de son aire de distribution. Autrefois appelé Grand coq de bruyère, cet oiseau emblématique des forêts de conifères en montagne a aujourd’hui totalement disparu des Alpes, est très fortement menacé dans le Jura et les Vosges et a perdu 80 % de ses effectifs depuis 1960 dans les Pyrénées, où subsistent à peine environ 2000 coqs.
Une consultation publique est ouverte sur le site du Ministère jusqu’au 10 août 2022. La LPO invite ses sympathisants à soutenir le projet de moratoire proposé, réclamé depuis longtemps par de nombreuses associations de protection de la nature telles que le mouvement France Nature Environnement, Nature en Occitanie, Nature Comminges, Comité écologique ariégeois, Groupe ornithologique du Roussillon, etc.
Seul le tir des mâles de la sous-espèce pyrénéenne (Tetrao urogallus aquitanicus) restait autorisé en France selon des quotas annuels en diminution constante. Pour la saison 2021-2022, cette chasse n’a été autorisée dans aucun des départements concernés, les arrêtés préfectoraux correspondants ayant fixé à zéro les prélèvements permis. Les fédérations de chasse avaient alors affirmé être à l’origine de cette décision, en s’autoproclamant « gestionnaires responsables et crédibles des écosystèmes ». Force est de constater qu’il n’en est rien puisqu’elles appellent désormais leurs adhérents à s’opposer à l'adoption du moratoire, contre lequel le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS) a majoritairement voté, reflétant surtout le déséquilibre dans la composition de cette instance partiale où les chasseurs sont surreprésentés. Ces derniers prétendent être "les seuls à financer et à agir dans l'aménagement des habitats de cette espèce" alors que les quelques actions d’«amélioration» du milieu resté intact entreprises, parfois à grand renfort de subventions, notamment par le programme européen Habios, sont en réalité très marginales et ponctuelles et n’ont eu aucun effet sur le rétablissement de la population de tétras.
Le Conseil d’État précise : "une telle mesure pourra, le cas échéant, être abrogée avant son terme si de nouvelles données rendent compte d’une évolution suffisamment favorable de l’état de conservation du Grand tétras." Cette mention parait toutefois superflue tant les principales causes du déclin de l’espèce que sont la création et l’extension des domaines skiables, le dérangement touristique estival (randonnée, VTT) comme hivernal (ski, raquettes), le braconnage à but taxidermique, le réchauffement climatique et le développement de l’exploitation forestière et du pastoralisme, ne semblent pas prêtes de disparaître, à l’inverse du Grand tétras.