La quinzième Conférence des parties (COP 15) à la Convention sur la diversité biologique doit se tenir du 5 au 11 décembre 2022 à Montréal. Le gouvernement français attend cette rencontre internationale, qui doit fixer le nouveau cadre mondial pour la biodiversité jusqu'à 2030, pour finaliser sa propre stratégie nationale.
Bérangère Abba, alors secrétaire d'État à la biodiversité, avait dévoilé le 15 mars dernier un premier volet de cette stratégie, listant 72 mesures organisées autour de cinq axes : protection des écosystèmes, utilisation durable et équitable des ressources naturelles, sensibilisation et formation de la société, gouvernance et financements.
Après avoir déjà publié un Livre blanc intitulé « Pour que vive la nature » en mai 2020, les 13 associations réunies dans le collectif CAP Nature et biodiversité, dont la LPO, ont publié de nouvelles propositions en vue de rendre « ambitieuse, efficace et partagée » cette troisième stratégie nationale de la biodiversité (SNB3) dans un Livre vert.
Notre nouvelle contribution entend répondre à « trois critiques majeures et convergentes » formulées par les instances (CNB, CNTE, CNML, Cese) consultées sur le projet SNB3 :
1. Mauvaise définition des cibles visées et des indicateurs proposés
Les indicateurs proposés dans la SNB3 évaluent la mise en œuvre des actions prévues, mais pas leurs résultats. Nous proposons de fixer un nombre restreint d’une dizaine d'objectifs « quantifiés, fondés sur des bases de données fiables et déjà disponibles », dont par exemple la réduction de 50 % des usages des pesticides d'ici à 2025 ou la division par deux du rythme actuel d'artificialisation des terres d'ici à 2030.
2. Caractère non opérationnel de la gouvernance
Nous estimons « indispensable la mise en place d'une gouvernance inclusive et planifiée, coordonnant et mobilisant les acteurs, ainsi que l'instauration d'un portage interministériel fort et continu avec un état d'avancement régulier de chaque ministère ». Si nous saluons la prise en charge de la planification écologique directement par la Première ministre, nous déplorons en revanche que la mer et l'énergie ne soient plus du ressort du ministère de la Transition écologique. Nous demandons également plus de cohérence entre les politiques de biodiversité et de climat, via notamment un élargissement à la biodiversité des missions du Haut Conseil pour le climat.
La gouvernance de la SNB3 devrait en outre associer les collectivités territoriales, les entreprises et la société civile, avec une implication plus importante des acteurs territoriaux s’appuyant par exemple sur les agences de l'eau.
3. Insuffisance des moyens nécessaires
Nous constatons une régression des moyens matériels et humains à la biodiversité. « Dans les stratégies passées comme dans la trame proposée pour la prochaine stratégie nationale, la définition et la mise en œuvre des moyens adéquats aux objectifs définis ont fait défaut. Ce n'est pas la cause unique de l'échec de ces stratégies, mais c'en est un facteur majeur ». Nous estimons à 150 millions d'euros par an (M€/an) les besoins supplémentaires pour la politique biodiversité, auxquels il faudrait également ajouter ceux pour le grand cycle de l'eau (250 M€/an), la stratégie nationale pour les aires protégées (650 M€ en 2023) et l'objectif zéro artificialisation nette (500 M€/an). Afin de les financer, nous proposons différentes réformes budgétaires et fiscales telles qu’une refonte du principe pollueur-payeur, un éco-conditionnement des aides publiques, la modulation de la TVA en fonction de l’impact écologique des produits, etc.
En complément, nous proposons de rehausser le niveau d'ambition des mesures proposées, « incomplètes, mal priorisées et peu engageantes », et incapables de répondre aux enjeux identifiés pour l'échéance 2030. « Nous regrettons que la SNB semble privilégier une approche utilitariste, trop focalisée sur les humains pour saisir l'ensemble des enjeux et permettre de définir des solutions réellement adaptées et durables à la crise globale en cours ». Des questions majeures sont par ailleurs oubliées : la responsabilité des pratiques agricoles et extractives intensives, la surexploitation des ressources naturelles, le rôle des biocides, les liens entre biodiversité et santé, la question de la renaturation et de la nature spontanée, ou encore la prise en compte de la nature ordinaire dans les études d'impact.
La thématique de « la reconnexion des humains à la nature, pour induire des changements transformateurs », n'est pas présente dans la stratégie. « Or, il est fondamental de travailler de façon massive et continue à inventer des relations entre les humains et la biosphère différentes du grand récit techno-scientifique modernisateur, ressourciste et productiviste, qui a cours depuis le XVIIIe siècle : c'est la clé de la réussite de toutes les politiques publiques du siècle en cours en matière de biodiversité et d'environnement ».