Dans une déclaration préliminaire, nos organisations de défense de la santé et de l’environnement représentées au COS Ecophyto (Alerte des Médecins sur Les Pesticides, Fondation pour la Nature et l’Homme, France Nature Environnement, Générations Futures, Humanité et Biodiversité, LPO, Réseau Environnement Santé, WWF France) ont refusé de participer à cette plateforme de concertation, qui n’est plus qu’une chambre d’enregistrement de décisions déjà prises et annoncées.
Depuis la conception en 2008 puis le lancement du plan Ecophyto en 2009, sa gouvernance avait toujours été plurielle et démocratique. Alors que le plan a désormais été suspendu pour une durée inconnue et que le Gouvernement a clairement indiqué vouloir se débarrasser de l'indicateur historique, le NODU, que penser aujourd’hui des années de concertation et de recherche de compromis balayées en quelques minutes par le Premier Ministre sous la pression du syndicalisme agricole majoritaire ?
Contrairement à ce que certains prétendent, la crise agricole n’est pas liée à Ecophyto. Le vrai problème des agriculteurs, ce n’est pas ce plan qui vise à réduire de 50% l’usage des pesticides mais bien l’absence d’une juste rémunération, les importations non soumises aux normes européennes, les effets du changement climatique etc. Faire d'Ecophyto un bouc émissaire pour calmer la colère paysanne, c’est faire de la santé publique - à commencer par celle des agriculteurs - et de la biodiversité, les victimes collatérales d’une crise qui est d’abord économique et sociale.
Pourquoi le choix de l’indicateur du plan n’est pas un détail ?
On pourrait penser, ou prétendre, que le débat relancé par le Premier Ministre sur le choix entre le NODU et le HRI 1 comme indicateur de suivi de l’utilisation des pesticides n’est qu’une simple question technique. En réalité, remettre en cause l’indicateur NODU, c’est remettre en cause l’objectif même de la réduction des usages des pesticides en agriculture qui était au cœur du plan !
Le plan Ecophyto a conservé, au travers ses 3 versions publiées depuis 2009, son objectif de réduction de 50% de l’usage des pesticides. Le choix de l’année de référence et celui de l’indicateur pour mesurer cette baisse sont cruciaux. Ainsi une réduction de 20% des ventes de produits phytosanitaires en 2022 par rapport à la moyenne triennale 2015-2017 est constatée, alors qu’en choisissant la période de référence 2009-2011 la hausse serait de 14%. De même le NODU indique une hausse de 3 % entre 2011 et 2021 alors que le HRI 1 indiquerait la baisse de …32% pendant la même période !
Serait-il vraiment sérieux, alors que l’échec du plan Ecophyto était jusqu’à ce jour patent, de prétendre aujourd’hui qu’il aurait en fait été un franc succès juste en opérant un changement cosmétique de période de référence et d’indicateur ? La réponse est dans la question…
Le NODU doit être conservé, car cet indicateur d’usage, reposant sur le nombre de traitements phytosanitaires effectués, est pertinent pour mesurer la dépendance de notre agriculture aux pesticides, avec les impacts sur la biodiversité, l’environnement et la santé qui y sont liés. Si un autre indicateur d’impact peut être utile pour une comparaison entre pays de l’Union européenne, celui-ci devrait alors rester un complément au NODU, et non le remplacer.
Le NODU doit demeurer l’indicateur de référence et de suivi du plan de réduction des pesticides, c’est une ligne rouge pour nos ONG.
Pesticides et santé humaine
Les scientifiques sont formels : la santé est impactée par l’usage des pesticides. Or, le volet sanitaire promis dans le plan ECOPHYTO II + n’a jamais été mis en œuvre malgré les propositions d’indicateurs de santé. Il est pourtant indispensable de publier chaque année le nombre de maladies professionnelles liées aux pesticides répertoriées par la sécurité sociale, ainsi que celles reconnues par le fonds d’indemnisation des victimes des pesticides (FIVP), dont les enfants issus de grossesses de mère exposées. Comment espérer résoudre les effets sanitaires néfastes engendrés par les pesticides si aucun dispositif de surveillance et de signalement efficace (de type Phytosignal) n’est proposé ?
Pesticides et biodiversité
Autre fait démontré par les scientifique : la pollution chimique est l’un des principaux facteurs responsables du déclin de la biodiversité animale et végétale, au même niveau que le changement climatique. Qu’il s’agisse des sols, des eaux souterraines qui alimentent nos captages, des populations d’insectes ou d’oiseaux, le constat est sans appel : les pesticides contaminent durablement notre environnement et causent un préjudice écologique sans précédent.
La future stratégie Ecophyto doit impérativement proposer des actions fortes autour de la protection des zones sensibles pour la ressource en eau et la biodiversité, à savoir des obligations de restriction des usages de pesticides, couplées à un véritable accompagnement au changement des agriculteurs.
Transition agricole
Poursuivre et renforcer les dispositifs d’accompagnement de la transition des fermes vers des systèmes de production plus économes en pesticides est indispensable et doit rester au cœur du plan Ecophyto. Or, actuellement, l’accompagnement de terrain des collectifs d’agriculteurs est le parent pauvre de la nouvelle stratégie, qui focalise ses moyens sur l’approche par filière et par usage.
Nos organisations restent ouvertes à un vrai dialogue sur des bases saines et respectueuses, et sollicitent un échange au plus vite avec le Premier Ministre et ses ministres concernés afin de renouer la concertation avec la société civile et un retour sur les fondamentaux de ce qu’était Ecophyto : un plan pour réduire (vraiment) de 50% l’usage des pesticides et ce au plus vite, car l'agriculture de demain sera écologique ou ne sera pas !