Premier élevage en captivité de l'oiseau le plus menacé de France

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Il reste moins de 20 monarques de Fatu Hiva à l'état sauvage. Cette espèce endémique des Îles Marquises fait l'objet d'un programme international de conservation en vue de la sauver de l'extinction.

Poussin de Monarque de Fatu Hiva © Stella Jorgensen/SOP Manu

L’unique population au monde de Monarque de Fatu Iva est au bord de l’extinction avec 19 individus. Un programme d’élevage en captivité a été mis en place en 2023 par la Société Ornithologique de Polynésie (SOP Manu) et le Zoo d'Auckland (Nouvelle Zélande), partenaires de ce projet. La construction en urgence d’un centre d’élevage sur cette île reculée des Marquises a été possible grâce à l’implication financière de plusieurs partenaires : Beauval Nature, UNIVET Nature, LPO France, la DIREN, EDT Engie, Air Tahiti et d’autres donateurs. Les 3 tentatives d’élevage de 2023 se sont soldées par un échec mais le 2 février dernier, un oisillon de cinq jours (pesant 14 grammes) a été prélevé de son nid, qui penchait dangereusement lors d’une tempête.

Cette intervention vitale pour cet oisillon sauvage dont l’espèce est une des plus menacée au monde est une première ! Elle fait suite à 10 tentatives de reproduction infructueuses par les 4 couples de Monarques de Fatu Iva, au cours de l'année 2023, et s’inscrit dans les premiers efforts ex-situ (cad d’élevage en captivité) du programme de sauvetage urgent de l’espèce mis en place par ces deux partenaires avec l’accord du Pays et le soutien de la DIREN, qui inclut des prélèvements d'œufs et leur transfert dans un centre d’élevage construit à cet effet sur l’île.

"Cet oisillon, issu de l'une des plus jeunes femelles reproductrices (quatre ans), est une étape excitante dans notre course pour sauver de l'extinction l'une des espèces d'oiseaux les plus rares au monde", déclare Ben Ignace, chargé du programme Monarque de Fatu Iva.

"Ce fut un effort titanesque et exigeant, et le résultat d'un formidable travail d'équipe", déclare Chiara Ciardiello, biologiste à la SOP Manu, qui, avec l'aide de la bénévole Stella Jorgensen, a été chargée de nourrir l'oisillon à la main.

"Au cours des premières semaines, nous avons nourri l'oisillon toutes les 30 minutes, de 5 heures du matin à 22 heures, pour qu'il reçoive l’apport quotidien en nourriture nécessaire - soit l'équivalent de la moitié de son poids corporel ! Il pèse aujourd'hui près de 40 grammes (presque son poids adulte) et est sur le point de prendre son envol, cependant il y a encore du chemin à faire.  Avec le soutien et l'expertise du Zoo d'Auckland, nous poursuivrons l'approche rigoureuse que nous avons adoptée afin de donner à ce juvénile toutes les chances de s'épanouir et, nous l'espérons, d'atteindre l'âge adulte et de contribuer à l'avenir de son espèce", déclare Chiara.

Le Dr Juan Cornejo, chargé de conservation des oiseaux au Zoo d'Auckland, qui dirige le programme ex-situ, estime que cette dernière réalisation est une avancée prometteuse après l'incroyable travail accompli par l'équipe au cours de l'année écoulée. Il faut signaler que personne n’a déjà élevé d’espèce proche de celle de Fatu Iva ; le challenge est très important.

La malaria est aujourd’hui reconnue comme un risque pour l'espèce. Elle empêche la survie des jeunes individus dans la nature. Notre approche consiste à collecter les œufs dans des nids sauvages pour les incuber en laboratoire, afin de protéger les oisillons nouvellement éclos des moustiques porteurs de la malaria et de leur donner le meilleur départ possible dans la vie. Nous avons réussi à faire éclore trois poussins en 2023 de 3,6 à 4,8 grammes qui n'ont malheureusement survécu que quelques jours. Nous attendons maintenant les résultats d’autopsie de ces oisillons, qui nous aideront à comprendre quels ont été leurs problèmes (notamment ceux liés à la consanguinité) et de décider de la marche à suivre.

"Avec nos collègues de la SOP Manu, nous évaluons et révisons constamment nos méthodes et nos actions. Les enjeux sont toujours particulièrement élevés lorsqu'il s'agit de minuscules poussins fraîchement éclos, mais ce récent succès avec un oisillon de cinq jours nous conforte dans l'idée que nous sommes sur la bonne voie", explique Juan.

Une fois qu'il aura pris son envol, ce nouveau venu dans la population de Fatu Iva sera transféré de sa couveuse à une volière extérieure, munie d'une moustiquaire pour le protéger des moustiques et donc de la malaria aviaire.

Informations complémentaires

  • L'île de Fatu Hiva (8 400 ha/85 km2), uniquement accessible par bateau (600 habitants), est l'île la plus méridionale des îles Marquises/Polynésie française (1100 km au nord de Tahiti).
  • Le Monarque de Fatu Iva (Pomarea whitneyi) ou Omaò keekee, insectivore arboricole territorial, est endémique strict de  l'île de Fatu Iva et classé "en danger critique d'extinction" par l'Union internationale pour la conservation de la nature. En raison de l'introduction de mammifères prédateurs (rats noir et chats), sa population a diminué de 97 % au cours des 21 dernières années. Il est désormais également menacé par la malaria aviaire. Sa population actuelle est de 20 individus.
  • Autrefois commun dans toute l'île de Fatu Hiva, il est maintenant limité à seulement 29 ha de la vallée de Ta’i'u sur Fatu Iva, dans une zone centrale de gestion des prédateurs de 600 ha. Le rat noir est arrivé sur l'île dans les années 80 et s'est répandu sur toute l'île en moins de 20 ans.
  • Longévité et reproduction : Le monarque de Fatu Hiva est considéré comme longévif, entre 20 et 30 ans. Cependant, il a une système de reproduction très lent, en tant qu'espèce insulaire. Il commence à se reproduire à partir de 2 à 3 ans, ne pond qu'un seul œuf et les deux parents s'occupent de leur juvénile pendant 4 à 6 mois.
  • La Société d'Ornithologie de Polynésie, également appelée SOP Manu (Manu signifie oiseau en polynésien), a été fondée en 1990 et est le représentant local de BirdLife International, un partenariat mondial d'organisations de conservation. Elle a mis en place un programme de conservation pour les ò keekee en 2008.
  • Partenariat Auckland Zoo/SOP Manu : par l'intermédiaire de son Fonds de conservation (qui collecte des fonds pour soutenir des projets de conservation d'espèces sauvages menacées dans tout Aotearoa et à l'étranger), Auckland Zoo soutient les efforts de la SOP Manu pour le monarque de Fatu Iva depuis 2014

Les partenaires du projet

Ce projet ex-situ a été rendu possible grâce au soutien financier d'organisations françaises (FONDS VERT, Beauval Nature, Ligue pour la Protection des Oiseaux, UNIVET Nature), Zoos Victoria et Auckland Zoo Conservation Fund. Le gouvernement de la Polynésie française a également alloué des fonds et donné son autorisation pour la gestion en captivité de l'espèce. Un certain nombre d'organisations internationales et de personnes ont aidé l'équipe à définir la stratégie et à renforcer les capacités locales (Hester Whitehead, Meagan Cromp, BirdLife International, European Association of Zoos and Aquaria (EAZA), Marlow Bird Park, Pendl Lab, Pacific Bird Conservation, Australian Society of Zoo Keeping, Keauhou Bird Conservation Center, Copenhagen Zoo). D'autres organisations locales apportent leur soutien, notamment AIR TAHITI, NautiSport Industries, EDT Engie, ILM, IRD, Institut de France et la Commune de Fatu Hiva.