Le 4 mai dernier, un jeune Pygargue à queue blanche né en avril 2023 et baptisé Michel Terrasse, en hommage à l’illustre ornithologue disparu quelques mois auparavant, a été retrouvé mort à côté d'un étang piscicole des Ardennes. L'autopsie a révélé que l'aigle pêcheur avait ingéré du poisson recouvert d'un insecticide toxique, interdit en France depuis 2008 : le Carbofuran. L’enquête a rapidement permis d'identifier le propriétaire de l'étang, un pisciculteur déjà connu de la justice pour des faits similaires, chez qui plusieurs dizaines de kilos de produits toxiques ont alors été retrouvés.
Ce dernier et son salarié ont comparu ce 30 août devant le Tribunal correctionnel de Troyes pour destruction d'espèces protégées ainsi qu’utilisation et détention de produits phytopharmaceutiques illégaux. Ils ont été condamnés respectivement à huit et quatre mois de prison avec sursis. Également poursuivie, son entreprise de pisciculture a été condamnée à 40.000€ d'amende dont 20.000€ assortis d'un sursis. Les deux prévenus et l'entreprise devront en outre verser ensemble plus de 32.000€ à l’État en réparation du préjudice écologique et un total de plus de 5.000€ à une dizaine d'associations parties civiles, dont la LPO. Notre association se réserve le droit de faire appel de ce jugement, les peines restant en deçà de nos attentes. Selon le Code de l’environnement, la destruction volontaire d’espèce protégée est passible de 3 ans d’emprisonnement et 150 000€ d’amende.
Dans un jugement rendu le 17 juillet dernier, le Tribunal correctionnel de Grenoble avait condamné un braconnier à quatre mois de prison avec sursis et 61.301 euros de dommages et intérêts pour avoir abattu en février 2024 un autre jeune pygargue réintroduit dans le cadre d’un programme de sauvegarde de l’espèce.
Le Pygargue à queue blanche est le rapace nicheur le plus rare de France métropolitaine avec 7 couples reproducteurs recensés sur le territoire pour moins d’une trentaine d’individus au total. L’espèce avait officiellement disparu de notre pays en 1959 avant de s’y reproduire de nouveau à partir de 2011. Elle bénéficie d’un Plan national d’action animé par la LPO.
Il est essentiel que la justice prenne des sanctions véritablement dissuasives contre la destruction d’espèces protégées, afin de mettre fin au sentiment d’impunité qui a prévalu jusqu’ici. Alors que la biodiversité s’effondre, il n’est pas acceptable d’éliminer des animaux sauvages au prétexte qu’ils interfèrent avec les activités humaines, qu’il s’agisse de pygargues, de loups ou de dauphins.