Cadre juridique de la nature en ville
La protection de la biodiversité en ville
La protection des espèces animales
La préservation des espèces (animales et végétales) protégées est un principe d’intérêt général inscrit dans la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (codifiée aux articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement). Le code de l’environnement encadre un système de protection stricte des espèces de faune et de flore sauvages.
Il est strictement interdit de les détruire, capturer, transporter, perturber intentionnellement ou de les commercialiser. Ces interdictions concernent aussi les habitats des espèces protégées pour lesquels la réglementation peut prévoir des interdictions de destruction, de dégradation et d’altération. Dans certains cas encadrés législativement, il est possible d’obtenir des dérogations à condition qu’il n’existe pas d'autre solution satisfaisante
La liste de ces espèces protégées est déterminée par arrêté ministériel. Parmi les espèces protégées au niveau national, certaines vivent dans nos villes, à titre d’exemple : les chauves-souris, le Hérisson d’Europe, le Martinet noir, l’Hirondelle rustique ou de fenêtre,…
Ainsi, les règles d’urbanisme doivent se conformer au principe d’intérêt général de préservation de ces espèces. Les projets doivent être conçus et menés à bien sans porter atteinte aux espèces de faune et de flore sauvages protégées et à leur habitat.
La protection des espaces
Les réserves naturelles :
Les réserves naturelles sont des espaces naturels protégés d’importance nationale. Elles protègent chacune des milieux très spécifiques et forment un réseau représentatif de la richesse du territoire (articles L.332-1 et suivants du code de l’environnement).
Leurs objectifs de conservation, énumérés par la loi, sont la préservation :
- D’espèces animales ou végétales et d’habitats en voie de disparition sur tout ou partie du territoire national ;
- De biotopes et de formations géologiques, géomorphologiques ou spéléologiques remarquables, d’étapes sur les grandes voies de migration de la faune sauvage (ou la constitution de ces étapes).
Les monuments naturels et sites :
Certains monuments naturels ou sites font l’objet d’une inscription ou d’un classement (articles L. 341-1 et suivants du code de l’environnement). Ils bénéficient ainsi d’un système de protection spécifique. Il s’agit de monuments naturels ou de sites d’échelle plus vaste dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général.
Une fois ce monument ou ce site classé ou inscrit selon ses spécificités, son encadrement et sa gestion relèvent d’un régime particulier. L’inscription ou le classement ne comporte pas de règlement mais a pour effet de déclencher des procédures de contrôle spécifique sur les activités susceptibles d’affecter le monument naturel ou le site.
Les sites d’intérêt géologiques, d’habitats naturels, d’espèces animales ou végétales et de leurs habitats :
Certains sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales ou végétales et de leurs habitats peuvent faire l’objet de mesures conservatoires particulières s’ils représentent un intérêt scientifique particulier, jouent un rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel (articles L.411-1 du code de l’environnement). Cela se traduit de manière générale par des interdictions de destruction, d’altération ou de dégradation (des sites, habitats et espèces animales et végétales).
Les sites Natura 2000 :
Les sites Natura 2000 sont issus de deux directives Européennes : la Directive « Oiseaux » de 1979 et la Directive « Habitats, faune, flore » de 1992 (codifiées aux articles L.414-1 et suivants du code de l’environnement). L’objet de ces deux directives est de lutter contre l’érosion de la biodiversité sur le continent européen en préservant les espèces animales et végétales menacées et leurs habitats.
La réglementation Natura 2000 n’a pas vocation à interdire une activité qui est réalisée dans le respect des textes et lois en vigueur. Toutefois, certains éléments susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, devront faire l’objet d’une évaluation d’incidence afin de s’assurer qu’ils n’aient pas un impact significatif sur les habitats et les espèces d’intérêt communautaire :
- Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation ;
- Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ;
- Les manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage.
Les trames vertes et bleues :
Les trames vertes et bleues sont une mesure phare des lois Grenelle I et II (codifiées aux articles L.371-1 et suivants du code de l’environnement). Les trames ont pour « objectif d'enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural ainsi que la gestion de la lumière artificielle la nuit ». Ces continuités écologiques sont composées de réservoirs de biodiversité (notamment constitués des espaces protégés présentés ci-dessus) connectés entre eux par des corridors écologiques.
Les documents d’urbanisme doivent à la fois prendre en compte les enjeux régionaux de continuités écologiques identifiés dans le schéma régional de cohérence écologique en les déclinant à l’échelle locale et intégrer, le cas échéant, les enjeux de continuités écologiques propres au territoire concerné. La mise en place de continuités écologiques dans la ville permet de maintenir une biodiversité ordinaire jusqu’au cœur de la ville.
La lutte contre l’artificialisation des sols
Le rapport de l’IPBES place l’altération des habitats au rang de la principale cause d’érosion de la biodiversité à l’échelle planétaire. Les deux principaux facteurs d’altération sont l’extension des terres agricoles et la croissance des zones urbaines et des infrastructures. Cette dernière dynamique est qualifiée d’artificialisation.
Plusieurs engagements ont été pris par le législateur pour lutter contre ce phénomène :
- Les lois Solidarité et Renouvellement Urbain (2000), Grenelle II (2010) et ALUR (2014) visaient à limiter la périurbanisation à travers les documents d’urbanisme.
- La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (2010) a fixé un objectif de réduction de moitié à l’horizon 2020 du rythme d’artificialisation des terres agricoles.
- Le plan biodiversité publié en juillet 2018 est venu conforter et renforcer cette ambition en fixant un objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN).
- La loi pour l’Evolution du Logement de l’Aménagement et du Numérique (ELAN) en novembre 2018 encourage les collectivités territoriales à développer des projets locaux d’intensification urbaine, afin de diminuer l’étalement urbain.
- L’ordonnance relative à la modernisation des Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) du 17 juin 2020 vient formater le contenu des SCOT en introduisant notamment une obligation de fixer des « objectifs chiffrés de consommation économe de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain par secteur géographique » (article L.141-10 du Code de l’urbanisme) dans le Document d’Orientation et d’Objectifs.
En juillet 2019, l'État a mis en ligne un observatoire de l’artificialisation des sols. Cet observatoire répond à l’objectif fixé par le Plan biodiversité (action 7) de publier un état annuel de la consommation d’espaces et de mettre à disposition des territoires et des citoyens des données transparentes et comparables à toutes les échelles territoriales.
La séquence Eviter, Réduire, Compenser (ERC)
Le principe de la séquence ERC :
La séquence Eviter Réduire Compenser (ERC) a pour objectif l'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité. La séquence ERC se présente autour de 3 axes à actionner dans l’ordre donné par l’article L.110-1 du Code de l’environnement :
- « Eviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit,
- A défaut, réduire la portée des atteintes,
- En dernier lieu, compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ».
La séquence ERC vise un objectif de résultat et doit être effective pendant toute la durée de l’atteinte à la biodiversité.
Le socle législatif et réglementaire régissant la séquence ERC, et plus généralement l’évaluation environnementale, s’est progressivement constitué depuis la loi du 10 juillet 1976 (loi relative à la protection de la nature), notamment sous l’influence du droit de l’Union européenne et international. En France, la loi du 3 août 2009 (Grenelle I) et la loi du 12 juillet 2010 (Grenelle II) complètent la réglementation de la séquence ERC en renforçant notamment les procédures de contrôle des mesures ERC (L. 122-3-1 du code de l’environnement). Enfin, la loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 et la réforme de l’évaluation environnementale du 3 août 2016 viennent préciser et consolider le dispositif.
Les modalités d’application de la séquence ERC :
Le champ d’application de la séquence ERC :
La séquence ERC est activée pour toutes les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou par la réalisation d'activités ou l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification. La séquence est obligatoire pour tout projet, plan ou programme soumis à évaluation environnementale ou tout projet soumis à diverses procédures relevant du code de l’environnement.
Le rôle de la planification dans la protection des espèces et des espaces
Actuellement, l’articulation de très nombreux documents de planification du territoire dans le cadre de la protection de la biodiversité s’échelonne du niveau national (socles législatif et réglementaire) au niveau local. Ces documents d’urbanisme ont une interaction allant de la simple consultation, à la prise en compte ou à la compatibilité obligatoire. Le schéma ci-dessus illustre, les relations des principaux outils de planification à la croisée des chemins entre aménagement du territoire, urbanisation et biodiversité avec, en dernier lieu, l’échelle locale :
Le Plan Local d’Urbanisme (pouvant également être réalisé à l’échelle de l’intercommunalité) est certainement l’outil le plus pertinent à l’échelle locale pour intégrer les enjeux de biodiversité, des trames vertes et bleues, et de lutte contre l’artificialisation. Cependant, il reste un outil spécifique du Code de l’urbanisme dont la vocation est de définir les modalités d’occupation du sol dans la commune.
Le PLU est composé d’un ensemble de documents parmi lesquels :
Le rapport de présentation :
- S’appuie sur un diagnostic au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services,
- Analyse la consommation d'espace des 10 dernières années,
- Analyse la capacité de densification et de mutation du bâti,
- Expose les solutions pour favoriser la densification et limiter la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers,
- Justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain, au regard des objectifs donnés dans le SCOT.
Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) :
- Définit les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques,
- Fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain.
Les orientations d’Aménagement et de Programmation :
- Définissent les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, et permettre le renouvellement urbain, favoriser la densification.
Le règlement et ses documents graphiques :
- Identifient et localisent les éléments de paysage et délimitent les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques (TVB) et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation.
- Localisent les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles.
- Définissent de manière opérationnelle et cartographient précisément les secteurs à conserver : les espaces boisés classés, les espaces naturels, les corridors écologiques, les éléments de végétation existants (haies, arbres isolés...),
- Permettent de réserver des espaces pour des projets écologiques (espaces verts, corridors, éco-quartiers...),
- Peuvent imposer une part minimale de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables, afin de contribuer au maintien de la biodiversité et de la nature en ville.
Les enjeux de demain
Le cadre juridique a fait l’objet de récentes évolutions qui pourraient avoir un impact, positif ou négatif, sur la biodiversité présente en ville et l’artificialisation des sols.
La loi Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) de novembre 2018 prévoit l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation thermique venant remplacer la RT2012 instaurée par la loi Grenelle II (2010). Cette nouvelle réglementation thermique sera applicable aux bâtiments neufs et aux bâtiments tertiaires déjà construits : la RE2020. Ces dispositions, dont l’entrée en vigueur a été repoussée au 1er janvier 2022, vont entraîner :
- De nombreux travaux de réhabilitation des bâtiments tertiaires risquant de supprimer les habitats de la faune du bâti (obstruction des cavités) si aucune solution spécifique n’est mise en œuvre,
- Des nouvelles constructions lisses (sans anfractuosités, sans rugosité) qui ne sont pas favorables à l’installation des espèces du bâti.
La loi climat et résilience, adoptée par le parlement en juillet 2021 pourrait elle aussi avoir des impacts :
- La rénovation énergétique des logements en fonction de leur classement énergétique sous peine d’interdiction de louer ces logements et/ou de gel des loyers (ces mesures s’étaleront de 2022 à 2034). La rénovation énergétique entraînera donc des risques de perte d’habitat pour les espèces du bâti.
- La lutte contre l’artificialisation devrait s’accélérer avec l’objectif de ne pas dépasser, dans les dix années suivant la promulgation de la loi, la moitié de la consommation d’espace observée sur les dix années précédentes, et le principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraînerait une artificialisation des sols. Néanmoins, les dispositions de lutte contre l’artificialisation des sols sont assorties de nombreuses dérogations qui pourraient en limiter les effets, et adoptent une définition de l’artificialisation des sols contestable.
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