Connaître la faune du sol
Connaître la faune du sol
Le sol est un milieu vivant. Des millions d’espèces y habitent, aussi bien en surface qu’en profondeur. C’est un monde invisible, en trois dimensions, abritant une riche biodiversité. Ainsi, les 15 premiers centimètres du sol abritent environ 90% de la vie souterraine. Cette faune, très variée, constitue la pédofaune(1). La plupart des représentants sont des animaux microscopiques (quelques dixièmes de mm), souvent méconnus, mais indispensables. Ils contribuent au bon fonctionnement des écosystèmes dont l’une des principales fonctions est la formation de l’humus.
L’humus est la couche naturelle supérieure du sol, créée par la décomposition de la matière organique (feuilles, aiguilles, tiges…). Sous l’action combinée des invertébrés, des bactéries(2) et des champignons du sol, la pédofaune contribue à transformer la matière organique en éléments minéraux : carbone (C), azote (N), phosphore (P)... C’est un maillon essentiel des réseaux trophiques(3).
La pédofaune peut être classée(4) en fonction de l’endroit où vivent les animaux dans le sol : en surface (animaux épigés), juste sous la surface (animaux hypogés) ou dans les profondeurs du sol (animaux endogés).
Animaux épigés
Il s’agit d’organismes présents dans la litière en décomposition, comme les tous petits collemboles, le cloporte ou bien le carabe qui est un coléoptère.
Les collemboles sont des petits arthropodes sauteurs (2-3 mm) qui jouent un rôle écologique majeur dans le cycle de la matière organique. Ils sont munis d’une « furca », sorte de fourche à deux pointes qui leur sert à faire des bonds dans la litière (la furca est absente chez les collemboles vivant en profondeur). On trouve de 20 000 à 400 000 collemboles par m2 de sol. La plupart sont saprophages : ils se nourrissent principalement de végétaux en décomposition et de microorganismes présents dans la litière (champignons, bactéries, algues).
Le cloporte est le seul crustacé entièrement terrestre. Il est muni d’un exosquelette qui consiste en une carapace rigide et segmentée. Le cloporte est bien connu pour se rouler en boule quand il se sent menacé. Il s’alimente de matière végétale en décomposition, sous les feuilles mortes : c’est une espèce détritivore.
Les carabes sont quant à eux de redoutables insectes prédateurs, de grande taille (15 à 40 mm) qui mangent de tout. Certains carabes sont néanmoins spécialisés comme les Cychrus (mangeurs d’escargots) ou les Loricera (prédateurs des collemboles).
On trouve en surface bien d’autres animaux comme les escargots, les limaces ou de nombreuses petites espèces d’araignées comme celles de la famille des Linyphiidés qui construisent une toile en nappe au ras du sol, capturant collemboles et petits insectes.
Animaux hypogés
Ces animaux vivent juste en dessous de la surface du sol mais remontent parfois en surface. On trouve notamment la courtilière, un insecte de la famille des grillons (orthoptère). La courtilière aime les sols riches en matière organique comme ceux des jardins (légers et frais) où elle se nourrit de racines ou de petits vers. Elle creuse des galeries souterraines et ses pattes ressemblent à celles des taupes. Néanmoins elle a la capacité de voler, d’où son classement dans les organismes hypogés. Le nom français « courtilière » dérive de « courtil », signifiant petit jardin en ancien français.
La fourmi noire des jardins fait aussi partie des organismes hypogés. Elle installe ses colonies sous terre, mais connaît une phase de vie aérienne appelé essaimage. La colonie est fondée en été, généralement en fin de journée, après un orage. Mâles et femelles s’envolent en même temps pour s’accoupler et former une nouvelle colonie.
La taupe d’Europe est un mammifère fouisseur qui se remarque à la présence de taupinières en surface. Sa morphologie est particulièrement adaptée à la vie souterraine : un corps cylindrique couvert de poils courts très doux, des yeux minuscules, un museau pointu et surtout deux larges pattes antérieures en forme de pelle. La taupe a une préférence pour les prairies où les lombriciens (vers de terre) abondent. Ils représentent 95% de son régime alimentaire.
On trouve de 100 à 200 vers de terre par m2 de sol. Les vers de terre (lombrics ou vers anéciques) sont à la base des réseaux trophiques. Ces vers, de grande taille, transforment la matière organique végétale morte en humus. Ils peuvent représenter jusqu’à 80% de la biomasse du sol. Ils sont aussi une importante source de nourriture pour de nombreux animaux du jardin lorsqu’ils remontent en surface : hérisson d’Europe, taupe, orvet fragile et de nombreux oiseaux comme le merle noir ou le rougegorge familier. Les lombrics s’alimentent la nuit à la surface du sol et s’enfouissent le jour dans les profondeurs de la terre jusqu’à trois mètres. Les turricules sont leurs rejets (ou excréments) qui forment des tourbillons de terre à la surface du sol. Les turricules renferment beaucoup d'éléments fertilisants comme l’azote (N) ou le phosphore (P).
Animaux endogés
Les organismes endogés effectuent leur cycle vital à l’intérieur du sol sans jamais remonter à la surface. On trouve dans ce groupe des vers de terre beaucoup plus petits (entre 1 et 16 cm), qui vivent en permanence dans les premiers centimètres du sol, sans jamais aller à la surface : ils fuient même la lumière.
Si les vers de terre sont les principaux représentants de ce groupe, on trouve également des coléoptères dépigmentés, dépourvus d’yeux et aptères(5), comme le staphylin de Païolive découvert récemment en 2018. Cette espèce, endémique, vit dans le sol en zone boisée en Ardèche. Sa longueur (2,1 mm) en fait un organisme « géant » parmi les organismes endogés. C’est une espèce patrimoniale remarquable.
Dans le sol vivent également les diploures et protoures, de petits invertébrés terrestres primitifs (de 3 à 10 mm) proches des insectes, entièrement blancs ou transparents, qui vivent toujours dans le sol.
Tous ces animaux se trouvent sous nos pieds, mais nous oublions souvent leur présence et leurs rôles. Certains sols sont néanmoins fortement dégradés (cultures) voire artificialisés (surfaces cimentées, pavées) et ne comportent plus la diversité des organismes nécessaire à leur bon équilibre. Il appartient à chacun d’adopter les bons gestes pour préserver au mieux le sol vivant.
Voir le geste « je limite mon emprise sur le sol vivant »
- Pédofaune : désigne la faune du sol, constituée par divers groupes d’animaux épigée, hypogée et endogée.
- Les sols fertiles comportent jusqu’à 1 milliard de bactéries par m2.
- Réseau trophique : ensemble des chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d'un écosystème.
- La faune du sol peut aussi être classée en fonction de la taille des êtres vivants : microfaune, mésofaune ou macrofaune comme exposé dans le geste « Je limite mon emprise sur le sol vivant ».
- Aptère : qualifie un animal dépourvu d'ailes, qui ne peut donc pas voler.