Je limite mon emprise sur le sol vivant

Je limite mon emprise sur le sol vivant

Le sol est bien souvent vu uniquement comme une surface sur laquelle on marche et sur laquelle nos habitations sont construites. Il est négligé voire même détruit par l’artificialisation1 alors même qu’il est au fondement de la vie terrestre. C’est l’équivalent d’un département français qui est artificialisé tous les 8 ans2. Le sol a la particularité d’abriter un monde invisible et complexe dont la protection est absolument essentielle. Voici quelques notions sur la vie du sol et la façon de mieux le préserver.

Le sol est la couche la plus externe de la croûte terrestre. Il résulte de la transformation de la roche-mère, couche minérale superficielle, dégradée et enrichie en apports organiques par les cycles biologiques de différents organismes vivants : bactéries, champignons, vers de terre et autre faune du sol... Le sol peut se présenter à l’état naturel et il en existe différents types et de différentes compositions. Le sol peut également être aménagé par l’Homme. En science de la Terre, l’étude du sol s’appelle la pédologie3.

Sol vivant : champignon

© Nicolas Macaire

Types de sol

Il existe différentes compositions de sols dont la classification est représentée à l’aide d’un triangle, appelé triangle des textures, dont les trois côtés correspondent respectivement aux pourcentages de sable, de limon et d’argile. Il existe des sols de type calcaire, majoritairement secs, poussiéreux, dotés de nombreux cailloux et riches en chaux : ce sont des sols généralement basiques (pH>7) ; alors que les sols de type sableux (riches en silice) sont généralement acides (pH<7). Il existe aussi des sols limoneux ou bien argileux.

Le sol est donc un milieu naturel à part entière. C’est un milieu en constante évolution qui est altéré et transformé par le vent, l’eau et aussi les êtres vivants. Un sol non modifié par l’Homme est normalement en équilibre et, suivant sa composition, accueille dans ses premiers centimètres de profondeur et à sa surface une grande diversité faunistique, floristique et fongique4.

Triangle des textures du sol

Triangle des textures du sol

Principaux rôles du sol

  • Le sol est le lieu de vie de nombreuses espèces vivantes aussi bien à sa surface qu’en profondeur.
  • Le sol participe aux cycles des éléments minéraux et des nutriments nécessaires au développement des êtres vivants (plantes, animaux).
    On parle aussi de services écosystémiques… c’est-à-dire les services que la nature rend à l’Homme.
  • Le sol joue le rôle de filtre et de milieu tampon de l’eau de pluie et permet d’avoir de l’eau potable.
  • Le sol régule les inondations en permettant la rétention ou l’infiltration des eaux de pluie notamment au sein des zones humides (marais) aujourd’hui menacées de disparition.
Crapaud commun (Bufo bufo)

Crapaud commun (Bufo bufo), un amphibien qui vit au contact des sols humides © Pixabay

La vie du sol

Les 15 premiers centimètres du sol abritent environ 90% de la vie souterraine. Il est possible de distinguer différents groupes faunistiques en fonction de la taille des êtres vivants.

  • La microfaune (animaux inférieurs à 0,1 mm) – appelée aussi pédofaune : elle est indiscernable à l’œil nu, mais peut être étudiée à l’aide d’un microscope. Elle regroupe des millions de micro-organismes dont les bactéries, les protozoaires5, … et joue un rôle essentiel dans les chaînes alimentaires (appelées réseaux trophiques). Des espèces consomment des bactéries et champignons quand d’autres décomposent la matière organique.
  • La mésofaune (taille comprise entre 0,2 à 4 mm) : elle est visible à l’aide d’une loupe, elle regroupe les acariens, les collemboles6 et autres petits arthropodes7.
  • La macrofaune (taille supérieure à 0,5 mm) : elle regroupe les animaux visibles à l’œil nu dont les vers de terre (lombrics), les mollusques, les araignées, limaces, termites, cloportes, etc. Sur la surface du sol, il est possible d’observer des animaux plus gros comme les crapauds, la grenouille agile ou rousse, l’orvet fragile mais aussi des reptiles, des micromammifères, le hérisson d’Europe et des oiseaux.
  • La flore : Le sol participe également aux cycles de l’azote (N), du phosphore (P) et du potassium (K), éléments nécessaires au développement des plantes. En plus d’y trouver un point d’ancrage en fixant leurs racines, les plantes et les arbres peuvent puiser les éléments minéraux du sol, indispensables à leur croissance.
Lombric

Les lombrics jouent un rôle majeur en aérant les sols © Pixabay

Le sol comporte une flore diversifiée non visible à l’œil nu comme les micro-algues. Le sol est aussi peuplé de nombreux champignons, véritables « intermédiaires » entre le sol et les racines. En effet, les mycorhizes8 favorisent l’absorption des nutriments et de l’eau dont les plantes ont besoin. Par « sol vivant », on désigne un sol où le milieu est en équilibre, mais « sol vivant » désigne aussi au sens large un sol fertile où poussent de nombreuses plantes.

Problématiques de dégradation des sols

De manière générale, les sols sont aujourd’hui soumis à différentes contraintes dues à l’activité humaine. Ils font l’objet de modification, dégradation, décapage en raison de l’urbanisation et de l’artificialisation mais aussi d’exploitation intensive dans les domaines minier ou agricole. Ils sont soumis à l’érosion, subissent diverses pollutions : enfouissement des déchets, pollution industrielle, chimique, eaux usées, engrais agricole… Enfin, l’activité minière est une grosse problématique de destruction des sols. Comme nous l’avons vu le sol est incontournable sur Terre et il doit être absolument préservé. Voici les gestes qui limiteront en grande partie votre impact sur le sol, vous permettront de le protéger, et qui favoriseront la biodiversité associée.

Que pouvez-vous faire ?

  • Réduire l’artificialisation du sol : L’artificialisation, y compris à l’échelle du jardin, impacte directement la biodiversité et aseptise les sols. Elle abîme et modifie la structure du sol car il n’y a plus d’apport de matière organique ni de contact avec l’air. Les sols ainsi morcelés conduisent à la fragmentation des milieux et limite le déplacement de la faune (voir geste circulation de la faune sauvage) en raison du morcellement des continuités écologiques. On parle de « Trame Brune » qui désigne ainsi les continuités écologiques liées au sol. A l’échelle même d’un jardin, chacun peut limiter l’emploi de matériaux artificiels tels que les surfaces cimentées, goudronnées, imperméabilisées, dallées ou pavées. Le sol accueille de nombreux insectes à sa surface et dans ses premiers centimètres de profondeur comme les abeilles terricoles ou les carabes et bien sûr des plantes. Ensuite, bannissez toutes allées bétonnées et imperméables et préférez des allées d’herbes, ou bien avec quelques dalles posées au sol sans jointure si un passage est nécessaire, qui laissent l’eau s’infiltrer. Il est important de ne pas bâcher dessous : cela étouffe le sol et l’eau ne peut pas s’infiltrer non plus. Les jardins très artificialisés de type "japonais" ou "zen" sont très minéralisés et donnent peu de place au sol vivant. De même, les gazons synthétiques sont à bannir : ils recouvrent le sol et introduisent du plastique sur le terrain. Faites passer le message autour de vous !
  • Limiter l’érosion du sol : la disparition des haies, des talus et le déboisement facilitent le lessivage des sols et le ruissellement de l’eau de pluie. C’est une cause majeure des inondations. Le travail de l’eau conduit à l’érosion du sol et à son appauvrissement en surface. En préservant les haies sauvages, les arbres d’essences locales et en plantant de nouveaux arbustes, vous favorisez la stabilité du sol et l’infiltration de l’eau. La mise en place de haies sèches (ou haies mortes) consiste à créer une haie à partir de branches mortes. Elle sert d’abri pour de nombreuses espèces sauvages dont le hérisson d’Europe, les amphibiens et de nombreux insectes. La haie sèche permet à l’eau de mieux s’infiltrer dans le sol. Elle sert aussi de coupe-vent en limitant l’érosion et de continuité écologique (corridor). C’est un milieu riche pour la faune et la flore sauvages.
  • Ne pas retourner le sol : contrairement aux pratiques de nos anciens, retourner le sol va contre-nature. Le fait de retourner le sol modifie la structure des couches et donc de la faune et de la flore associée. A chaque niveau de profondeur, la vie des micro-organismes est alors perturbée. Le risque est que des organismes se retrouvent dans des couches où ils ne sont pas normalement présents, déstructurant son équilibre. Donc pour éviter cela, dites stop au passage du motoculteur ou de la herse sur le sol. Limiter les travaux qui impactent le sol comme le raclage ou la scarification des mousses, etc.
  • Ne pas répandre de produits : veiller à ce que tout produit étranger au sol ne se répande dessus au risque de le dénaturer ou de le tuer : produits chimiques (chaux vive, sulfate de cuivre), engrais, effluents industriel ou ménager (eau polluée, excréments d’animaux domestiques, ordures ménagères) et puis les hydrocarbures : essences, alcool à brûler, huile de vidange (vidange sauvage)...
  • Laisser pousser les herbes hautes, et de manière générale toute la végétation sans l’arracher : le système racinaire du couvert herbeux (plantes spontanées indigènes) maintient la couche superficielle du sol, facilite la pénétration de l’eau de pluie et évite son érosion. Les herbes fournissent le gîte et le couvert à la multitude d’êtres vivants. Laisser sur pieds les herbes même lorsqu’elles sont sèches le plus tard possible jusqu’au début de l’automne
  • Retrouver le sol d’origine : pour aller plus loin et si vous en avez la possibilité, l’idée consiste à réhabiliter le sol en démolissant les zones artificialisées : comme la débitumisation du sol. Certains propriétaires entreprennent de démonter une terrasse en béton, ou de démolir une allée goudronnée, ou un mur de parpaings pour retrouver un espace naturel qui pourra être réinvesti par la flore spontanée.
Une violette sauvage (Viola sp.)

Une violette sauvage (Viola sp.) pousse entre des pavés de béton © Pixabay

Conclusion

Le sol est un milieu naturel vivant et fragile. Il est soumis à différentes problématiques, dont l’artificialisation est un problème majeur. L’activité humaine exerce un grignotage perpétuel des territoires mais nous pouvons, même à l’échelle des jardins, agir pour sa protection.

1 Artificialisation : l’artificialisation du sol ou d’un milieu, d’un habitat naturel ou semi-naturel, est la perte des qualités qui sont celles d’un milieu naturel : sa naturalité, qualité qui inclut une capacité autoentretenue à abriter une certaine biodiversité, des cycles naturels et ses qualités biogéochimiques.

2 Etude du Commissariat général au développement durable (CGDD) – 2018.

3 Pédologie : science ayant pour but d’étudier la pédogenèse, c’est-à-dire la formation et l’évolution des sols. La pédologie examine les constituants de la terre (ses minéraux, ses matières organiques), leur agencement (granulométrie, structure, porosité), leurs propriétés physiques (transfert de l’eau et de l’air), leurs propriétés chimiques (rétention des ions, pH) et leurs propriétés biologiques (activité des microorganismes). Elle porte des diagnostics sur les types de sol (classification) et sur leur dynamique (type de genèse : pédogenèse). Elle en déduit des applications (fertilité).

4 La diversité fongique représente la diversité des champignons. La fonge désigne l’ensemble des espèces de champignons peuplant un territoire donné.

5 Protozoaires : petits organismes unicellulaires, microscopiques, présents dans l’eau, les sols humides ou à l’intérieur d’un organisme.

6 Collemboles : petits organismes invertébrés, souvent sauteurs.

7 Arthropodes : organismes invertébrés qui jouent un rôle majeur dans la décomposition de la matière organique.

8 Les mycorhizes sont le résultat de l’association entre des champignons et les racines des plantes. En effet des champignons mycorhiziens colonisent les racines de la plante et s’étendent et explorent le sol aux alentours à l’aide de filaments très longs. Grâce à ce réseau de champignons mycorhiziens l’absorption de la plante est multipliée jusqu’à 10 000x. Cette association entre la plante et le champignon est une symbiose, c’est-à-dire une relation obligatoire et profitable à chacun des hôtes.

dernière mise à jour : 6 février 2024