Suivi de la migration à la Pointe de Grave : Bilan 2024

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Ce printemps a eu lieu le suivi de la migration pré-nuptiale à la Pointe de Grave (33). Découvrez le bilan de cette saison !

© Axelle Denis

  • Mars : fraîcheur et vent d'ouest

Le mois de mars est habituellement marqué par une présence importante de fringilles, remontant en grande hâte depuis la Péninsule Ibérique et le Maghreb vers leurs quartiers de reproduction. Cette saison, nous n’avons pas pu apprécier de véritable passage pour ces espèces. Cela pourrait s’expliquer en grande partie par l’absence quasi-totale de vent de secteur nord sur ce mois-ci.

Une faible année pour le Pinson des arbres par exemple, avec seulement 14 298 individus  comptabilisés. Nous observerons tout de même un pic de passage sous la pluie le 10 mars, lors d'une petite fenêtre de vent de nord-est, nous permettant de comptabiliser 8 225 individus migrateurs, luttant contre le vent. Les linottes furent également très peu nombreuses durant cette saison. Le total saisonnier culmine à 7 872 individus : un chiffre bien en dessous de la moyenne du site.

Quelques serins cinis (1 415 individus) et tarins des aulnes (329 individus) ont également migré, suivis de quelques occasionnels pinsons du Nord et bouvreuils pivoines. Malgré ces effectifs relativement bas, les fringilles nous ont régulièrement gratifiés de leurs vols mixtes toujours aussi pédagogiques.

Du coté des insectivores du mois de mars, la logique fut la même avec une saison assez basse pour la Bergeronnette grise et ses 948 individus comptés en migration. Il en va de même pour le Pipit farlouse avec 3 406 individus comptabilisés.

Les sessions de vent d’ouest, bien connues des observateurs pour ramener des oiseaux d’eau, ont permis d’apprécier les flux de goélands bruns. Rasant la mer, se jouant des rafales, passant entre les rouleaux et les embruns devant le phare de Cordouan. C'est dans ces conditions parfois bien difficiles que 39 520 individus ont pu être recensés, une saison dans la moyenne pour le site. Les deux tiers du passage se sont concentrés sur le mois de mars, avec quelques belles journées comme le 5 mars avec 6 988 individus ou encore le 9 avril avec 5 053 individus.

Bien souvent lors de ces jours de vent d’ouest, des anatidés ont accompagné les goélands bruns dans leur remontée vers le nord. Par exemple, nous avons régulièrement pu observer de jolis vols de canards souchets (1 597 individus), pour qui cette saison fut l’une des meilleures. Les canards pilets (1 375 individus) et les sarcelles d’hiver furent également bien présents.

Les limicoles nous ont eux aussi gratifiés de leur présence régulière, notamment par l'intermédiaire de jolis vols de barges à queue noire, quittant leurs zones de halte dans les marais médocains pour filer vers leurs zones de reproduction plus au nord, souvent en compagnie d’autres espèces de limicoles. Cette année le total demeure en dessous de la moyenne saisonnière, avec seulement 1 595 individus migrateurs. La journée du 13 mars fut notable pour le pluvier argenté, avec pas moins de 320 individus, une des meilleures sessions pour cette espèce sur le site.

  • Avril : diversité et raretés

Comme à son habitude, le mois d’avril a tenu ses promesses en termes de diversité. La migration a suivi son cours, et les oiseaux migrateurs transsahariens remplacent peu à peu les oiseaux  migrateurs plus précoces ayant déjà déserté le sud de l’Europe et le Maghreb. Cela a permis d’observer certains jours une diversité remarquable, avec plus de 60 espèces en migration active !

Côté passereaux, les chardonnerets élégants ont fait leur "spectacle", nous laissant admirer leurs belles bandes alaires jaunes ! Parfois accompagnés de linottes et de serins, ils furent au nombre de 12 662 individus migrateurs durant ce mois d’avril, pour un total saisonnier de 13 590 individus. Les pipits des arbres ont progressivement remplacé les pipits farlouses, transformant au passage l’atmosphère acoustique. Nous avons eu la belle surprise d’entendre 1 pipit de Richard, espèce non annuelle à la Pointe de Grave ; ainsi que 2 pipits à gorge rousse représentant la 2ème et la 3ème mention pour le site. Les bergeronnettes printanières nous ont offert de belles journées avec ces quelques 1 777 individus cumulés sur les journées venteuses du 20, 21 et 22 avril ; le total est plutôt élevé pour cette espèce, atteignant 2 370 individus.

Les premières hirondelles à se montrer sont les hirondelles de rivage, plutôt tardives cette saison avec un pic journalier le 20 avril s’élevant les 5431 individus migrateurs. Finalement, le total atteint 23 718 individus, ce qui constitue l'effectif saisonnier le plus important depuis 2019. Deux tiers des hirondelles rustiques ont migré au cours de ce mois d’avril : 26 236 ont été dénombrées ce mois-ci ! Leur effectif saisonnier effectif s'élève 36 021, une saison bien basse pour cette espèce phare de la pointe de Grave… L’équipe a cependant eu le plaisir cette année d’observer 2 hirondelles rousselines.

Suivant les hirondelles, les faucons hobereaux nous ont accordé de beaux défilés ! Cette année, avec un total de 453 individus, représente la 2ème meilleure saison depuis le début du suivi. Un passage remarquable a notamment eu lieu le 20 avril durant une session de vent de nord-est. Ce ne sont pas moins de 108 individus qui ont migré ce jour-là ! Cet effectif journalier est le deuxième meilleur depuis le début du suivi. Une bien belle journée pour les faucons en général, puisqu’ils étaient accompagnés de faucons crécerelles (75 individus ce jour) et de faucons kobez, plus rares, dont 4 individus ravirent les observateurs présents !

Du côté des autres rapaces, nous avons pu noter 27 busards cendrés migrateurs, une saison plutôt légère... Ceci-dit, les 6 busards pâles observés cette année nous ont offert des moments magiques ; il semblerait que la fréquence d’observation de l’espèce soit en augmentation ces dernières années lors du passage prénuptial en France. Pendant ce temps, les milans noirs, toujours aussi présents, ont continué leur périple tout le mois durant ; de réguliers balbuzards pêcheurs, éperviers d’Europe et busards des roseaux ont rythmé ce mois de la diversité.

Le passage des ardéidés s’échelonne sur les trois mois de suivi selon les espèces, mais atteint son pic de diversité et de quantité en avril. Ainsi, cette saison, les hérons cendrés sont passés en nombre (503 individus migrateurs), notamment sur le mois de mars. Ils furent rapidement rejoints par les hérons pourprés qui, quant à eux, ne furent pas bien nombreux (seulement 169 individus comptabilisés). Les aigrettes garzettes et hérons garde-boeufs, à l’image de la dynamique de population pour ces espèces, nous ont eux-aussi survolés en nombre avec respectivement 1 907 et 1 000 individus pour cette saison.

  • Mai : du jaune et des bois

Les martinets noirs, dont le passage fut plus marqué sur la fin du mois d’avril, n'ont pas été bien nombreux à traverser l'estuaire. Cela est en partie dû aux conditions aérologiques, desquelles dépend fortement l’effectif saisonnier. En effet cette année ils n'ont été que 33 074, ce qui représente une moyenne basse quant aux passages précédemment enregistrés à la Pointe de Grave.

Comment aborder le mois de mai sans parler de la Tourterelle de bois, espèce star du site ! Celle-ci nous a réservé un passage global moyen, avec un effectif saisonnier de 6 092 individus migrateurs. Le pic journalier fut atteint le 9 mai avec 1 255 individus comptabilisés, des groupes sillonnant la sphère créaient une ambiance fantastique sur la dune. Nous avons pu assister à un joli regain d’oiseaux le 21 mai, plutôt inattendu au vu du fort vent d'ouest ce jour-là, elles furent au nombre de 774. Cette saison se place donc dans une moyenne haute sur la dernière décennie pour l’espèce, qui, rappelons-le, migre préférentiellement la nuit et effectue des « débordements diurnes ».

Le Loriot d’Europe n’était pas en reste cette saison ! En effet, quelques 521 individus font de cette saison la deuxième meilleure de la Pointe de Grave. Le record journalier a lui aussi été battu grâce à ce joli défilé de 163 oiseaux le 9 mai !

Elles aussi très attendues ici, même si l’effectif n’est jamais très élevé, les bondrées apivores nous ont offert une belle journée le 10 Mai, avec 202 individus en migration. Celles-ci nous ont laissé apprécier une grande diversité de plumages ! Au total, 262 individus ont été observés en migration, ce qui est plutôt élevé pour le site.

De plus en plus nombreuses en France, les spatules blanches ont ravi les observateurs tout au long de la saison, nous offrant par ailleurs un nouveau record saisonnier. En effet, 4 665 individus ont traversé l’estuaire en migration active. Même si ce chiffre est bien au-delà du précédent record (3 929 individus comptés En 2021), il est fort probable qu’il soit dépassé lors d’une saison prochaine, l’espèce s’inscrivant dans une très bonne dynamique ces derniers temps en Europe.

Comme un air de Méditerranée à la pointe, l’ibis falcinelle continue sa progression vers le nord. Cette année, 61 individus ont migré, surpassant le précédent record de 38 en 2018.

Une saison apporte toujours son lot de raretés, créant de beaux moments d’enthousiasme. Les observateurs présents le 16 avril ont eu la chance d’admirer une corneille mantelée (2ème mention pour le site). Deux mâles de harles bièvres sont passés relativement près du site de migration, sur une mer d’huile. L'espèce n’étant pas fréquente en hivernage sur la côte atlantique, il est toujours plaisant de les apercevoir ici. Alors qu’un plongeon imbrin est passé tout proche à la première minute de suivi du 15 avril ; une sterne arctique nous a également gratifiés de son vol élégant. Ayant probablement dormi sur un reposoir plus haut dans l’estuaire, elle a surgit au petit matin du 26 avril juste derrière les observateurs !

Encore une fois nous tenions à remercier l’ensemble des personnes qui sont passées sur le site, ramenant sourires et bonne humeur, pour une heure ou plusieurs jours, habitués de longue date ou néophytes ! Malgré une saison faible en termes de chiffre, nous avons eu grand plaisir à observer tous ces oiseaux avec vous. Nous espérons que les uns comme les autres continueront à arpenter les sites de migration et les cieux, dans un sens ou dans l’autre !

A bientôt sur un site de migration !

 - Justine, Sati et Pierre, chargés d'étude migration de cette saison de migration 2024 à la Pointe de Grave.